Familial ou partagé : les citadins franciliens de plus en plus adeptes du jardinage

12 septembre 2020Corinne Legenne, Laure de Biasi, Antoine Lagneau, Laetitia Pigato

Plaisir de se rapprocher de la nature, envie de convivialité, souhait d’une alimentation plus saine et moins chère... Les espaces de jardinage sont des lieux de développement personnel et collectif, qui ont le vent en poupe. Véritable extension du domicile en plein air pour les uns, source d’alimentation pour les autres, ils participent à la coopération et à la solidarité entre les personnes tout en participant au maintien et au développement de la biodiversité au plus proche des villes. Qu’en est-il en Île-de-France ?

Le premier recensement des jardins collectifs en Île-de-France a vu le jour en 2015 grâce au travail partenarial engagé par l’Inra, L’Institut Paris Region, l’Agence régionale de la biodiversité et trois associations dédiées aux jardins collectifs. Il a permis de réaliser une cartographie régionale, de tirer les premiers enseignements quantitatifs et d’avancer dans la connaissance des jardins et leurs interactions avec la ville et ses habitants. La mise à jour du recensement en 2019 offre une opportunité pour vérifier si la renaissance de ces espaces qu’ils soient familiaux ou partagés, d’insertion ou thérapeutiques, s’inscrit dans la durée et répond toujours aux demandes sociales. 

Des jardins plus nombreux mais plus petits

Le recensement de 2015 a référencé 1 064 jardins collectifs en Île-de-France, pour une superficie totale de 879 ha. En 2019, leur nombre a augmenté pour atteindre 1 303 jardins collectifs (dont 34 en projet), couvrant une surface de 799 ha. Cette augmentation du nombre de jardins (+ 207) et la baisse de la superficie couverte (- 80 ha) traduisent une évolution de l’occupation des sols. Quelque 65 ha de jardins ont ainsi changé de destination pour devenir des friches, de l’entreposage, des parkings, des infrastructures ou des constructions. Ces espaces disparus se composent pour moitié de jardins dits « à classer  », qui n’avaient pas pu être catégorisés en 2015, 34 % de jardins familiaux, 11 % de jardins partagés et 2 % d’autres jardins. Paradoxalement, les jardins partagés (12 jardins disparus), considérés souvent comme non pérennes, résistent mieux à l’urbanisation que les jardins familiaux (76 jardins disparus).
Dans le détail, il apparaît que la proportion de jardins familiaux et de jardins partagés est identique à 2015. Les jardins familiaux (54 % du nombre et 80 % de la surface) restent majoritaires, même si leur surface totale a sensiblement diminué, ainsi que la taille de leurs parcelles (0,9 ha en 2019 contre 1,2 ha en 2015), qui demeurent  plus grandes que celles des jardins partagés. Ces derniers (26 % du nombre et 3 % de la surface) se maintiennent en proportion mais avec des surfaces moindres : la plus petite atteint 17 m² en 2019 contre 20 m² en 2015, et la superficie moyenne est passée de 728 m² en 2019, contre 1 000 m² en 2015.

Un dynamisme plus marqué en zone urbaine centrale

L'augmentation de 29 % du nombre de jardins collectifs à l’échelle régionale entre les deux recensements ne s’est pas faite de manière uniforme sur l’ensemble du territoire francilien. Bien que le nombre de jardins collectifs ait augmenté dans tous les départements, les Hauts-de-Seine ont connu une hausse spectaculaire de leur nombre qui a plus que doublé. Le développement d’acteurs associatifs dans ce domaine peut contribuer à expliquer une telle montée en puissance.
À titre d’exemple, l’association Espaces gère 33 jardins collectifs pour le compte de communes ou de bailleurs sociaux, dont 18 dans les Hauts-de-Seine. De son côté, le Val-de-Marne se démarque avec une augmentation d’un tiers des jardins collectifs. Enfin, la Seine-Saint-Denis, l’Essonne et les Yvelines connaissent une augmentation d’un peu plus de 20 % de leur nombre de jardins, puis le Val-d’Oise, la Seine-et-Marne et Paris d’un peu plus de 5 %. Concernant les superficies, tous les départements voient une diminution de la surface moyenne des jardins. La création des nouveaux jardins collectifs s’est réalisée sur des parcelles plus petites, démontrant une difficile mobilisation du foncier. Seuls deux départements connaissent une augmentation de la superficie moyenne de leurs jardins collectifs : 11 % pour Paris et 7% pour la Seine-Saint-Denis. Autre particularité, Paris et la petite couronne ont une part plus importante de jardins collectifs aménagés en cœur de parcs et de jardins publics : une proportion autour de 15 % dans les Hauts-de-Seine et la Seine-Saint-Denis, 26 % dans le Val-de-Marne et 39 % à Paris.

Dans cette période de crise sanitaire post-confinement où les Franciliens aspirent à davantage d’espace et à des modes de vie plus proches de la nature, l’évolution à la hausse de 22 % du nombre de jardins collectifs entre 2015 et 2019 en atteste. Les chiffres à Paris et en petite couronne montrent que cette aspiration est plus prégnante dans les zones fortement urbanisées, corroborant l’essor de l’agriculture urbaine. Cet élan témoigne aussi du dynamisme de la demande sociale pour des espaces ouverts multifonctionnels. Les collectivités s’investissent également sur cette question : de nombreuses communes ont initié ou accompagné des réflexions sur l’agriculture urbaine et l’ouverture de jardins collectifs. Au niveau régional, ces politiques sont prises en compte notamment dans le cadre du Plan vert régional lancé en 2017.

Jardins collectifs, de quoi parle-t-on ?

Les jardins collectifs regroupent différents types de jardins issus d’une histoire commune que l’on fait remonter aux jardins ouvriers du XIXe. Ces derniers répondaient alors principalement à un objectif visant à fournir un complément alimentaire en fruit et légumes aux classes populaires et ouvrières. Avec la croissance économique des années 1960 et le développement des maisons individuelles, ces terrains collectifs ont été souvent délaissés au profit des jardins privés particuliers. Si la qualité de vie et le désir de reconnexion avec la nature participent de leur renouveau, la question alimentaire, à l’aune notamment de la crise sanitaire Covid-19, reste un moteur essentiel de leur persistance dans et autour des villes.

Jardins familiaux

Terrains divisés en parcelles (de 100 à 200 m²) attribuées par les collectivités territoriales ou par les associations de jardins familiaux à des particuliers afin d’y pratiquer du jardinage pour leurs propres besoins et ceux de leur famille. L'usage commercial des parcelles est interdit, seul le plaisir du jardinage et de la récolte prime. Certaines parcelles de jardins familiaux peuvent être affectées à des personnes morales dans un but pédagogique ou de formation au jardinage.

Jardins partagés

À l’origine, ces jardins résultaient de l’appropriation par un collectif d’habitants (immeuble, quartier...) d’espaces publics délaissés. Ils ont pour objet de développer des liens sociaux de proximité par le biais d'activités de jardinage ou socioculturelles. Ouverts au passant, rarement cloisonnés en parcelles individuelles, ils sont créés, aménagés, entretenus et gérés par des collectifs d’habitants réunis au sein d’associations de quartier. Ils participent à l'amélioration du cadre de vie, à la création d'un lieu d'échange et de rencontre entre habitants du quartier, à l'éducation à l'environnement, à l'organisation d'activités culturelles.

Jardins d’insertion

Il s’agit de jardins collectifs dont l'objectif, davantage que la production maraîchère, est la réinsertion de personnes en difficulté sociale ou professionnelle (chômeurs, bénéficiaires du RSA, handicapés, personnes isolées, jeunes en difficulté scolaire, anciens détenus ...), sous l'égide d'un animateur bénévole ou salarié chargé de leur accompagnement. Les produits récoltés sont soit conservés par les jardiniers, soit destinés à des structures caritatives, soit vendus.

Jardins thérapeutiques

Pour leurs bienfaits, ces jardins sont souvent installés dans les établissements de soin comme les hôpitaux, les centres d’accueil pour personnes handicapées, les établissements d’accueil pour personnes âgées… 
Ils constituent un espace de vie et de liberté reposant qui permet de sortir du cadre de l’institution. Ils peuvent être également des espaces d’animations et d’activités de jardinage connues pour leurs effets thérapeutiques. Les installations sont adaptées, tant dans les circulations et le mobilier que dans les modes de cultures.

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