Quel modèle de métropole pour le Grand Paris de demain ?

Chronique du Grand Paris n° 8

07 décembre 2017ContactTanguy Le Goff

Quel modèle institutionnel pour renforcer la lisibilité et l’efficacité de la métropole du Grand Paris ? Cette question, le président de la République ne l’a pas tranchée lors de sa récente allocution au 100e Congrès des maires de France et il ne le fera peut-être pas non plus, lors de la Conférence nationale des territoires du 14 décembre prochain. Suspense, suspense….  Finalement, l’option institutionnelle retenue sera-t-elle celle de la rupture ou de la continuité, celle d’une métropole resserrée ou d’une métropole élargie, à l’agglomération ou à la Région ? Pas question ici de se lancer dans des paris hasardeux mais, simplement, de se livrer à un exercice de prospective institutionnelle en faisant correspondre à chaque échelle, un modèle de métropole, qui donne à voir et à comprendre les implications qu’engendrent le choix de tel ou tel périmètre.

Scénario 1 : le modèle intégré

La MGP reste un EPCI  et demeure sur son périmètre actuel du cœur de l’agglomération parisienne comprenant 131 communes - celles de la petite couronne et les 7 limitrophes incluses dans la MGP. Conjointement, la MGP est renforcée dans ses compétences, notamment dans le domaine économique, et dans ses moyens financiers en percevant l’ensemble de la fiscalité économique (CVAE et CFE) qu’elle partage, dans le droit actuel jusqu’au 1er janvier 2021, avec les Établissements publics territoriaux (EPT).

Dans ce modèle d’une métropole intercommunale intégrée et limitée à la zone dense, les 11 EPT sont de simples organes déconcentrés de la MGP chargés de mettre en œuvre sur les territoires les politiques définies par celle-ci dont ils sont fonctionnellement dépendants. Cette métropole resserrée pourrait être étendue à des territoires jugés déterminants pour son développement économique : le Plateau de Saclay et l’aéroport de Roissy. De telles extensions impliqueraient toutefois de faire entrer l’ensemble des communes des deux actuelles communautés d’agglomération : Paris-Saclay et Roissy Pays de France. La MGP passerait ainsi de 131 à 200 communes et de 7 millions  à 7,6 millions d’habitants. L’un des effets pour ces structures intercommunales actuellement en dehors de la métropole serait la perte de  leur autonomie, en devenant des EPT déconcentrés de la MGP.

Ce scénario est celui de la continuité avec l’esprit initial de la loi Maptam de janvier 2014 qui visait à construire une métropole très intégrée à l’échelle de la petite couronne. Il conduit à la suppression de fait d’un niveau, celui des EPT qui se voient retirer leur personnalité juridique, leurs moyens financiers et leurs pouvoirs pour mettre en œuvre des politiques spécifiques à chaque territoire.

 

Une variante pourrait être de faire de la MGP une collectivité territoriale à statut particulier, indépendante des communes, dont le président serait élu au suffrage universel direct lors d’une élection spécifique, déconnectée des élections municipales. La légitimité politique et le leadership du président de cette structure seraient renforcés. Cette transformation s’accompagnerait de la suppression des 3 départements de petite couronne et du transfert de leurs compétences, comme des compétences « départementales » de la Ville de Paris, à la MGP. Mais cette variante mettrait fin à l’idée d’intercommunalité, défendue par la majorité des maires de la MGP, et rendrait plus difficile l’intégration des territoires se trouvant actuellement à l’extérieur de son périmètre.

 

Scénario 2 : le modèle fédératif

La MGP est un syndicat d’EPCI dont le périmètre correspond à une partie ou à l’ensemble de l’agglomération, soit dans la version la plus extensive aux 20 EPCI entourant la MGP, représentant 421 communes de l’agglomération pour un total de 10,6 millions d’habitants sur les 11,7 millions que compte la région. Ce périmètre inclut la quasi-totalité des pôles économiques de la région, les 5 ex-villes nouvelles, l’ensemble des portes d’entrée de la métropole (aéroports, gares TGV).

Dans ce modèle, les EPT/EPCI sont au cœur du fonctionnement de la métropole, ils sont le maillon essentiel de conception et de mise en œuvre des politiques publiques du bloc communal. Le statut juridique des EPT se rapproche de celui des EPCI de droit commun, ce qui signifie qu’ils ont une véritable autonomie fiscale et qu’ils disposent au moins d’une part de la fiscalité économique, de la fiscalité ménage intercommunale et de la dotation d’intercommunalité.

Aucune structure n’est supprimée. Cependant, la MGP, en tant qu’institution de gouvernement, est fortement réduite dans sa capacité à mettre en œuvre des politiques publiques. Elle évolue vers un statut de syndicat d’intercommunalités fermé dont les moyens financiers sont constitués soit des cotisations de ses membres, soit d’une part de la fiscalité économique. Son rôle est principalement dédié à des tâches de régulation et de coordination de l’action de cette « fédération » d’EPCI qui fonctionne sur le mode essentiellement du dialogue et de la coopération.

Scénario 3 : le modèle régional

La Région est transformée en une région métropolitaine dont le périmètre s’étend aux 1 276 communes et 64 intercommunalités de l’Île-de-France qui comptent en moyenne 153 000 habitants. Son territoire comprend à la fois les espaces urbains et les espaces périurbains et ruraux sans qu’il soit fait de distinction entre ces territoires qui font partie du même ensemble, tant d’un point de vue fonctionnel (sur le plan des transports, de l’économie, de l’environnement) qu’institutionnel. Les effets frontières entre les différents espaces de la Région sont ainsi limités.

Collectivité à statut particulier, la région métropolitaine porte la stratégie métropolitaine et en assure la déclinaison en s’appuyant sur les nouvelles intercommunalités maillant l’espace régional (et la ville de Paris) qui sont ses interlocuteurs dans les territoires. Même si sa capacité de régulation pourrait être accrue dans certains champs : le logement, les déplacements… elle dispose déjà des capacités à intervenir dans la majorité des domaines de compétence de la MGP. Plus que de nouvelles compétences, la région-métropole  a  avant tout un nouveau rôle à jouer : assurer le lien et la cohérence entre le lieu où les politiques sont mises en œuvre - le local représenté par le bloc communal  - et le stratégique - le métropolitain qu’elle incarne. Pour construire durablement le lien entre les territoires et la région-métropole, plusieurs options sont possibles : intégrer les territoires dans l’organisation institutionnelle de cette métropole d’un nouveau genre en créant, à côté du conseil régional, une seconde chambre (la chambre des territoires), transformer le mode de scrutin de la collectivité régionale sur le modèle des ex conseillers territoriaux, faire de la conférence territoriale de l’action publique (CTAP) le lieu de débats et de co-production des politiques métropolitaines.

Dans ce schéma organisationnel, les EPT sont maintenus et même renforcés en les intégrant dans le droit commun des EPCI à fiscalité propre. Ils perçoivent une part de la fiscalité économique (CFE, CVAE), la fiscalité ménage intercommunale (ex-part départementale de la taxe d’habitation) ainsi que la dotation d’intercommunalité. Ils ont les moyens financiers et juridiques pour prendre pleinement en charge, comme les autres EPCI d’Île-de-France, les services publics qui leur sont confiés. De même, ils pourront à l’avenir s’engager dans des projets d’extension voire de fusion avec des intercommunalités aujourd’hui situées au-delà du périmètre de l’actuelle MGP. Le schéma financier est simplifié et directement connecté aux compétences des différents niveaux mettant ainsi fin au complexe schéma de redistribution de la fiscalité économique entre la MGP, les communes et les territoires.

Variante du scénario 3

La région devient une métropole à statut particulier avec un cœur d’agglomération qui est simplifié par la suppression des EPT au profit des départements de petite couronne. Ces derniers jouent, d’une certaine manière, le rôle d’intercommunalisation des moyens et des politiques des EPT à l’échelle de territoires plus grands, comptant de 1,3 à 1,7 million d’habitants. Leur statut juridique est modifié. Les trois départements de petite couronne, à l’instar de la Ville de Paris qui cumule les compétences d’une commune et de l’ex-département de Paris, sont transformés en collectivités à statut particulier et aux compétences renforcées en matière d’aménagement, de politique d’habitat, de développement économique… Avec cette variante, les principaux relais de la politique de la métropole régionale sont différenciés selon les espaces : un G4 de grandes collectivités dans le cœur de l’agglomération ; le triptyque traditionnel communes/intercommunalités/départements dans le reste de l’Île-de-France.

On l’aura compris, le choix de l’échelle pour le Grand Paris de demain – celle de la zone dense, de l’agglomération parisienne ou de la Région - déterminera fortement son mode d’organisation institutionnelle.

Tanguy Le Goff

Politiste, docteur en science politique, son expertise porte sur les transformations des systèmes politico-administratifs locaux, la prospective institutionnelle et la gouvernance territoriale. Auteur notamment d'une étude sur le rôle des départements de grande couronne en matière d’aménagement, il a aussi contribué au Dictionnaire encyclopédique de la décentralisation.

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