Vers des métropoles affranchies ?

Chronique du Grand Paris n° 4

05 septembre 2017ContactTanguy Le Goff

La consécration institutionnelle des métropoles, avec la loi Maptam du 27 janvier 2014, soulève une question : comment éviter que ces métropoles ne se développent aux dépens de leurs territoires environnants ? Pour éviter ce risque « d’effets-frontière », l’installation des métropoles s’est accompagnée d’un nouvel outil qui vise à les affranchir de leurs périmètres institutionnels pour créer des synergies, des complémentarités, avec les territoires situés dans leur aire d’influence : les contrats de coopération métropolitains.

Le « ruissellement métropolitain »

Une critique régulièrement formulée à l’encontre des métropoles est qu’insérées dans les réseaux d’économie mondiale, dans les processus transnationaux de connectivité, elles auraient tendance à être fermées sur elles-mêmes, déconnectées de leurs territoires environnants… voire pire que leur développement se ferait aux dépens de ces mêmes territoires qui seraient les «laissés pour compte » des dynamiques métropolitaines (voir la note d’analyse de France stratégie sur la concentration des emplois dans les aires urbaines). Cette critique est valable pour l’Île-de-France où le développement de la métropole du Grand Paris (MGP) créerait, pour certains, un risque d’effets frontière avec les intercommunalités voisines et, plus encore, avec les territoires périurbains et ruraux situés au-delà de l’agglomération parisienne.

Dans l’exposé même des motifs de la loi Maptam, le législateur répond à cette critique. Il considère que les métropoles sont les locomotives de l’économie nationale et que les territoires périphériques profiteraient de leur croissance économique par une sorte de « ruissellement métropolitain ». S’appuyant sur les thèses de Laurent Davezies relatives au transfert de richesses entre les métropoles et leurs territoires périphériques, le législateur estime même que par la mobilité des navetteurs journaliers s’opèrent des transferts de richesses au quotidien. Néanmoins, conscient que l’émergence des métropoles pose aussi une « nouvelle question territoriale » entre les métropoles et leurs territoires environnants, il s’est également efforcé de susciter une solidarité interterritoriale au travers d’un dispositif d’action publique : les Pactes d’innovation État-métropoles.

Jouer l’alliance des métropoles

Signés par les 15 nouvelles métropoles en juillet 2016, ces pactes sont dotés d’une enveloppe initiale de 150 millions d’euros via le fonds de soutien à l’investissement local (Fsil). Ils comportent deux volets. Un volet innovation qui vise à favoriser les synergies entre acteurs publics et privés, entre les structures de recherche et les industriels des métropoles. Chacune se spécialise sur une thématique : l’alimentation à Nantes avec « un projet alimentaire territorial et la construction d’un marché d’intérêt national de demain », la santé à Montpellier, les transports à Toulouse avec un projet « mobilités 2020-2025-2030 », la ville résiliente dans la MGP. L’idée est, à terme, que les métropoles s’affranchissent de leurs frontières et fonctionnent entre elles comme un réseau urbain polycentrique à l’échelle nationale, plus compétitif dans le système productif mondialisé (Pierre Veltz). C’est le référentiel économique qui prime dans ce volet du Pacte État-Métropoles. 

Jouer l’alliance des territoires

L’autre volet vise à mettre en réseau les métropoles avec leurs territoires environnants en passant un « contrat de coopération métropolitaine entre les espaces périurbains et leurs couronnes périphériques, les villes petites et moyennes et les espaces ruraux proches ». En clair, il s’agit de contraindre les métropoles à nouer des coopérations avec leurs territoires limitrophes sur différents enjeux : tourisme, développement des circuits courts d’alimentation, partage d'ingénierie, gestion en commun de ressources (eau, collecte de déchets, énergie). 3 des 28 projets financés sur les 16 millions attribués à la MGP dans le cadre du Pacte État-métropoles portent sur cette coopération territoriale. Pour l’instant, ces actions sont plus symboliques et expérimentales que transformatrices des rapports entre la métropole et ses territoires limitrophes. Mais, demain, tout l’enjeu pour parvenir à un nouvel équilibre territorial, est de multiplier ces actions de réciprocité, pour penser les territoires environnants des métropoles comme partie prenante d’un même écosystème métropolitain. C’est le référentiel de l’égalité des territoires qui prime ici.

Ces deux volets  - la mise en réseau entre métropoles ou des métropoles avec leurs territoires environnants - sont ici pensés comme complémentaires. Cela n’a rien d’évident car ils peuvent renvoyer à deux types de métropole. Une métropole insérée dans les réseaux internationaux, affranchie de son territoire et pariant sur le « ruissellement métropolitain » pour faire bénéficier de ses richesses les territoires environnants. Ou, une métropole affranchie de ses frontières institutionnelles considérant que son développement comme sa qualité de vie reposent aussi sur les relations interterritoriales qu’elle saura construire avec ses territoires voisins, à sa capacité à promouvoir des politiques publiques flexibles, des projets au travers de coopérations souples et dont l’art de gouverner tiendra plus à son action de grand « ensemblier » qu’à ses propres capacités à faire.

Tanguy Le Goff

Politiste, docteur en science politique, son expertise porte sur les transformations des systèmes politico-administratifs locaux, la prospective institutionnelle et la gouvernance territoriale. Auteur notamment d'une étude sur le rôle des départements de grande couronne en matière d’aménagement, il a aussi contribué au Dictionnaire encyclopédique de la décentralisation.

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