La jeunesse, fabrique du futur

Les Cahiers n° 164

31 octobre 2012Contact

Comprendre

Le « jeunisme » de nos sociétés traduit un engouement toujours vif pour la jeunesse, mais son avers reste vivace d’une jeunesse délinquante et dangereuse, affublée du nouveau vocable de « jeunes des banlieues ». Mouvante, protéiforme, transitionnelle, la jeunesse est conditionnée par les contextes sociétaux et les politiques publiques. Il n’existe pas de définition unique de la jeunesse, pas de bornes d’âge certaines, pas plus en France qu’en Europe. Les conditions de vie des jeunes, leurs modes d’insertion sur le marché du travail, leurs pratiques sportives et culturelles sont diverses, en dépit de convergences générationnelles. Après la démocratisation de l’enseignement qui a favorisé l’émergence d’une culture juvénile, l’apparition d’un chômage de masse a profondément altéré le mode de passage à la vie adulte, allongeant le temps de la jeunesse, même si le mouvement semble trouver ses limites. Face à un système économique en crise, la société a institué une précarité propre aux jeunes et s’en remet aux familles, au risque de creuser les inégalités sociales. Si la cohabitation avec les parents se passe dans un climat plutôt serein, la précarité des premiers temps de la vie active, l’enchérissement des logements, les difficultés d’accès à une mobilité autonome, souvent tributaire du permis de conduire en grande couronne, vouent un grand nombre de jeunes Franciliens, davantage les non diplômés ou les peu qualifiés, à l’insécurité économique au moment de gagner leur autonomie.

Agir

Un faisceau de politiques convergent pour aider les jeunes à accéder à leur indépendance dans de bonnes conditions. En matière d’éducation, elles peinent à aplanir les inégalités sociales d’orientation et de réussite. Si l’Île-de-France peut s’enorgueillir de l’excellence de ses formations, la lutte contre le décrochage scolaire, la démocratisation de l’enseignement supérieur, la diversification des élites, l’instauration d’un service public de l’orientation demeurent des objectifs clés. L’enjeu est fort tant le diplôme est valorisé en France. La hausse du niveau de formation depuis trente ans n’a pourtant pas empêché la progression du chômage des jeunes. Un appareil d’insertion complexe conjuguant formation, aide à l’emploi et accompagnement s’est mis en place, mais pèche par le manque de continuité des politiques publiques et une insuffisante articulation entre les responsabilités de l’État et des Régions. Les associations y jouent aussi un rôle clé et souvent novateur. Devant les difficultés accrues des jeunes à se loger, les acteurs du logement se mobilisent pour trouver des solutions adaptées à l’éventail des situations rencontrées. Le temps de la jeunesse est aussi celui de la prise de risque au regard de la sexualité, de la consommation de drogue ou d’alcool notamment. La prise en compte de la santé des jeunes en santé publique est récente et met l’accent sur la prévention et l’accès aux soins. Mais en matière de délinquance, la réponse de la société s’est durcie au cours de la dernière décennie, glissant d’une approche préventive et éducative vers un modèle répressif.

Anticiper

Les jeunes sont les dépositaires de la société de demain. Comment envisagent-ils le futur ? De quel avenir sont-ils porteurs ? Comparés aux jeunes de 25 autres pays, les jeunes Français sont pessimistes. Ils se sentent peu maîtres de leur existence et du monde dans lequel ils vivent. La tentation du repli sur la sphère privée n’est pas loin. Ils n’en restent pas moins plus optimistes et plus ouverts au monde globalisé que leurs aînés. Leur engagement dans la cité – qui passe davantage par les associations que par la politique ou les syndicats – tend à s’affirmer et s’exerce au gré des enjeux mobilisateurs du moment. Il s’élève avec le niveau de diplôme. Mais la plupart des jeunes peu ou pas diplômés rejettent une société qui elle-même tend à les exclure. Face à leurs difficultés d’insertion, peut-on parler de jeunesse sacrifiée ? Si les conditions d’entrée dans la vie active se sont détériorées, le niveau de vie absolu de la jeune génération s’améliore. Mais la transmission intergénérationnelle des inégalités, via le diplôme et les solidarités familiales, reste très forte. Les jeunes générations incarnent aussi la révolution numérique et cristallisent un imaginaire social de partage et de vagabondage qui bouscule nos organisations pyramidales et nos modes de vie. Un glissement semble s’opérer des valeurs de l’autonomie et du travail vers la nécessité de l’échange, à l’œuvre dans les outils numériques sociaux. La pratique de la ville par les jeunes, fortement définie par leur mobilité, est loin de se cantonner aux espaces dédiés. Elle tend vers le multi-usage des espaces, et leur imaginaire vers des projets hybrides.

Cette étude est reliée aux catégories suivantes :
Économie | Mobilité et transports | Déplacements | Société et habitat | Démographie | Éducation et formation | Santé

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