Les salons franciliens, un modèle économique challengé par les mutations

Note rapide Économie, n° 1004

05 mars 2024ContactVincent Gollain, Corinne Moreau (Promosalons), Bérengère Bonnet (Promosalons), Raphaële Neveux (Unimev), Nabila Kocheida (Unimev), Emmanuel Rodier (CCI Paris Île-de-France), Jean-Marie Nays (CCI Paris Île-de-France)

Les salons professionnels constituent un moment clé pour une filière économique, car il y règne pendant plusieurs jours une forte effervescence entre les participants, les exposants, des experts, des personnalités, des élus et des visiteurs. Aboutissement d’un long travail pour les organisateurs, ces événements sont aussi essentiels à la vitalité des territoires à travers les retombées économiques directes, indirectes ou induites qu’ils génèrent. C’est particulièrement le cas pour l’Île-de-France, qui propose l’offre la plus riche et la plus variée. Cette industrie est aussi extrêmement concurrentielle et de nombreuses autres destinations cherchent à se renforcer ou à s’imposer sur ce marché, souvent avec l’aide des pouvoirs publics.

Un salon professionnel rassemble, dans un lieu et durant une période donnée, une communauté de professionnels qui se retrouve autour d’un sujet commun, souvent un domaine d’activité (aéronautique, immobilier d’entreprise, mode, tourisme, etc.). Cet événement s’intègre dans un ensemble plus large, généralement désigné par l’acronyme anglophone « MICE » (Meetings, Incentive, Congress & Exhibitions), qui regroupe les réunions d’affaires, les congrès, les séminaires, les foires et les salons. Avec environ 700 000 m2 de surfaces et 21 sites principaux, l’Île-de-France propose l’offre la plus riche et la plus variée d’Europe en matière d’équipements d’accueil dédiés aux événements professionnels1 : des centres majeurs capables d’accueillir de grands événements internationaux (Paris Expo Porte de Versailles, Paris Nord Villepinte, Paris Le Bourget – qui sont d’ailleurs mobilisés pour les Jeux olympiques de Paris 2024) ; des centres de taille intermédiaire (le Palais des congrès de Paris, le Parc floral de Paris, les Docks de Paris…) et des centres de plus petite taille (le Palais Brongniart, l’Espace Charenton, la Maison de la Mutualité…). Cette offre lui permet d’être l’une des places leaders dans le monde pour les salons. Elle accueille chaque année (hors période de crise, qu’elle soit sanitaire, géopolitique ou autre) près de 450 salons, 110 000 entreprises exposantes (dont 30 % d’entreprises étrangères) et plus de 9 millions de visiteurs (grand public et professionnels). Après plusieurs années difficiles, marquées par la crise sanitaire et un contexte international tendu, les salons franciliens ont retrouvé un certain dynamisme en 2023, l’activité enregistrée étant équivalente à 91 % de celle enregistrée en 20192. Les salons constituent ainsi un levier important de développement et de rayonnement pour l’Île-de-France et plusieurs grandes agglomérations françaises.

DES LEVIERS DE DÉVELOPPEMENT POUR LES ENTREPRISES

Pour les entreprises et les autres acteurs économiques, un salon professionnel est un outil de communication et de marketing qui offre cinq grands avantages à celles et ceux qui y exposent ou y participent. Cela permet tout d’abord de développer la notoriété et l’image de marque de son organisme. Cette mise en visibilité s’appuie sur des actions de communication auprès des clients existants et potentiels tant avant le salon (pour les informer), que pendant (pour mettre en avant des actualités) et après (pour annoncer des résultats : ventes, accords ou toute information utile). La participation au salon permet aussi de prospecter de nouveaux clients, notamment à l’export. En quelques jours, il est possible de rencontrer des professionnels du même domaine d’activité, parfois venus du monde entier, comme pour le « Salon du Bourget ». Avec 17,9 milliards d’euros de ventes3 entre exposants et visiteurs en 2022, les salons franciliens ont constitué des opportunités d’affaires pour les entreprises. 8,1 milliards d’euros se sont concrétisés auprès de clients étrangers. Ces événements sont aussi l’occasion de motiver ses équipes et sa force de vente. Les salons professionnels stimulent les ventes et la relation client. C’est également un élément important de motivation interne et de travail d’équipe au sein des entreprises. Lors d’un salon, une entreprise peut aussi lancer de nouveaux produits et services : le salon professionnel est le cadre idéal pour dévoiler une nouveauté. Réservé aux professionnels, « Maison & Objet » est devenu au fil des années une référence incontournable pour présenter des produits novateurs aux professionnels de la décoration, à la presse et aux prescripteurs. Enfin, un salon permet de s’inspirer, et de comprendre l’évolution du secteur d’activité et des acteurs qui y sont présents. C’est un excellent révélateur des dynamiques de marché, une occasion de se confronter à la concurrence ou encore d’identifier des nouveautés ou des innovations. Les salons contribuent par ailleurs à accompagner le défi de la transition écologique et énergétique auquel tous les secteurs économiques sont confrontés aujourd’hui en raison du changement climatique. Ils y parviennent par quatre leviers : relayer sur le terrain la diffusion de réglementations, bonnes pratiques et solutions innovantes ; communiquer sur les filières et les solutions innovantes pour accélérer la décarbonation des industries ; s’affirmer en tant que canal privilégié de commercialisation de dispositifs d’économie ou de production d’énergie ; et enfin se positionner comme des pôles de mutualisation des savoirs et de mise en relation.

 

 

LES SALONS GÉNÈRENT DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE LOCAL

En accueillant de nombreux exposants et visiteurs (des professionnels, mais aussi des représentants des pouvoirs publics, des journalistes, des personnalités ou encore le grand public), les salons sont de véritables leviers de développement pour les entreprises et les territoires. C’est toute une chaîne de valeur mobilisée pendant plusieurs jours, dans un territoire (voir graphique ci-dessus). Les effets multiplicateurs générés par un salon sont visibles pour chacun des quatre grands acteurs majeurs : les organisateurs, qui proposent à des entreprises un espace de rencontre et de dialogue avec des participants visiteurs et acheteurs, et dont le travail débute très en amont de l’événement (entre six mois et un ou deux ans, selon la périodicité du salon) ; les sites d’exposition, qui offrent leurs infrastructures pour accueillir ces publics ; les prestataires (concepteurs de stands, agences événementielles, spécialistes du son et de l’image, agences d’hôtesses, traiteurs, électriciens, etc.) ; et enfin les pouvoirs publics locaux, qui permettent, grâce à d’importants investissements (politiques d’aménagement et d’urbanisme, transports, marketing territorial, etc.), de génèrer des externalités positives pour les salons et mettent aussi en gestion des concessions en lien avec les occupations des domaines publics par les lieux d’exposition. Les salons se traduisent par de fortes retombées sur les acteurs touristiques et de l’événementiel dans les territoires d’accueil (hébergement, restauration, transports, commerces, traiteurs et soustraitants de spécialité). Selon les statistiques de Choose Paris Region, en 2022, les salons ont généré plus de 10 % des venues professionnelles vers l’Île-de-France, et des dépenses par visiteur nettement supérieures au tourisme d’agrément : un voyageur d’affaires dépense deux fois plus qu’un voyageur de loisirs. Une étude du Centre régional d’observation du commerce, de l’industrie et des services (Crocis) et de l’Insee4 a aussi montré que la clientèle professionnelle représente plus de 72 % du total des nuitées dans 250 hôtels franciliens (10 % de l’offre), ceux-ci étant le plus souvent localisés dans des zones de grande couronne, comme le pôle hôtelier du Grand Roissy, utilisé par les clients du Parc des expositions de Paris Nord Villepinte. Les dépenses d’investissement et de fonctionnement des sites d’exposition sont aussi génératrices de retombées. Ainsi, Viparis, grâce à ses 12 sites, est devenu, au fil des années, un acteur de transformation urbaine, en modernisant ses infrastructures5 et en s’attachant à les intégrer harmonieusement dans leur environnement urbain et social, et dans la vie de la cité. Les lieux d’exposition contribuent aussi à dynamiser l’emploi et la vie locale, comme la Tour Triangle et le rooftop La Serre Porte de Versailles, ou le musée de l’Air et de l’Espace pendant les événements qui se passent au Bourget. Enfin, les salons améliorent aussi l’image et le rayonnement des territoires qui les accueillent, par exemple en connectant les destinations avec les nouveautés véhiculées par ces événements. Le « Mobile World Congress » de Barcelone est devenu le rassemblement mondial de référence pour les technologies mobiles. Des centaines de milliers de professionnels du secteur s’y retrouvent autour des dernières tendances et innovations. Ce salon a accéléré la notoriété de la ville et de la Catalogne dans ce domaine d’activité. Plus encore, les salons constituent une vitrine économique pour le commerce extérieur d’un territoire et d’un pays, mais aussi une vitrine diplomatique (soft power) et culturelle. Le salon « Vivatech » est certainement le meilleur exemple récent de salon technologique aussi destiné à illustrer les ambitions de la France et ses territoires dans l’innovation et la promotion de la French Tech. Enfin, selon les professionnels du secteur, si les activités pratiquées en marge du salon restent très majoritairement consacrées à des rendez-vous professionnels, plus du tiers des clients prolongent leur séjour pour du tourisme d’agrément, et un client sur quatre en profite pour continuer sur place son activité professionnelle (coworking/télétravail). Ainsi, proposer des espaces de coworking dans les parcs d’exposition, organiser à destination des professionnels des visites inspirantes pour leur activité, comme le font certains salons, ou développer les activités de team building à l’occasion des salons peuvent faire partie des nouvelles offres de services proposées par les opérateurs de la filière et les territoires.

UNE INDUSTRIE CONCURRENTIELLE

L’Europe compte cinq grandes places leaders sur le segment des salons professionnels (Munich, Francfort, Hanovre, Milan et Paris), auxquelles on peut ajouter d’autres parcs d’exposition allemands (Cologne, Düsseldorf et Nuremberg). Si l’Allemagne occupe de loin la première place des pays en nombre de parcs et de salons, Paris est la place leader en Europe avec ses 700 000 m² de surfaces couvertes et ses 450 salons accueillis chaque année. La Turquie, avec plus de 50 salons organisés à Istanbul, exprime de fortes ambitions dans ce domaine. En Italie, la politique de soutien mise en place pour le développement international des salons est révélatrice de sa stratégie offensive. Depuis 2015, le plan de relance du « Made in Italy » a permis à l’État d’investir chaque année environ 30 millions d’euros pour la promotion internationale des salons, en développant des programmes d’invitation de « top acheteurs », avec 500 acheteurs en moyenne invités par salon. L’ambition est que les salons italiens puissent accueillir davantage d’acheteurs étrangers afin de permettre aux industries italiennes qui y exposent de gagner des parts de marché à l’export. L’Allemagne de son côté avait déjà mis en place des soutiens depuis plusieurs décennies, notamment à la promotion internationale, par les Villes et les Länder (équivalents des Régions), déjà propriétaires des parcs d’exposition allemands. L’Espagne n’est pas en reste, avec des politiques offensives pour ses parcs d’exposition. Ces aides reçues par les places concurrentes (États, Villes ou Régions) renforcent leurs avantages comparatifs et contribuent à créer des distorsions de concurrence. En comparaison, le plan de relance post-Covid mis en place en France par les ministères de l’Économie et du Tourisme en 2022 a financé de manière exceptionnelle un programme pour faire venir dans l’Hexagone une sélection de 500 « top acheteurs » (à très haut potentiel) sur une vingtaine de grands salons internationaux. Ce programme doté d’un budget proche de 3 millions d’euros a été confié au réseau Promosalons, qui l’a cofinancé avec l’État et le soutien des salons bénéficiaires. Cela est venu compléter le dispositif de soutien décidé et financé par l’État et administré par les Chambres de commerce et d’industrie (CCI) pour accélérer le retour des exposants (2022-2023). La compétition ne se réduit pas aux politiques de promotion internationales, puisque, à l’instar de Viparis, les grandes places européennes se sont engagées dans des politiques massives d’investissement dans les infrastructures et l’amélioration de l’expérience de leurs clients.

 

 

UN SECTEUR D’ACTIVITÉ CONFRONTÉ À PLUSIEURS TRANSFORMATIONS MAJEURES

Le secteur des salons est confronté à plusieurs grandes transformations qui affectent sa trajectoire de développement. La crise Covid et les tensions internationales n’ont pas été sans conséquence sur cet écosystème. La fréquentation des salons professionnels en 20226 a été caractérisée par une forte participation des pays voisins (Italie, Belgique, Allemagne et Espagne), tant pour les visiteurs que pour les exposants étrangers. Elle a aussi été marquée par une forte diminution du nombre d’exposants chinois, qui étaient les premiers exposants étrangers en 2018. Toutefois, la fin de la politique « zéro Covid » en Chine est synonyme d’un retour plus dynamique des clientèles chinoises et asiatiques sur les salons franciliens en 2024. La crise sanitaire a accéléré l’évolution des attentes des exposants et des visiteurs. Rappelons qu’un visiteur d’affaires est avant tout un voyageur dont le déplacement est pris en charge par son entreprise, avec des objectifs à atteindre. Ses exigences, comme ses dépenses journalières, sont donc en moyenne nettement plus importantes que celles des visiteurs de loisirs. L’étude partenariale menée fin 2022 par les professionnels de la filière du tourisme d’affaires avec Promosalons, auprès de plus de 600 exposants et visiteurs internationaux, montre que les salons répondent aux attentes. Ainsi, 98 % des clientèles étrangères plébiscitent les salons en présentiel. Les offres numériques, bien qu’étant jugées très utiles, sont considérées comme un complément à l’offre physique, mais ne peuvent s’y substituer. 82 % des entreprises étrangères indiquent ne pas avoir modifié leurs critères de décision à la suite de la crise sanitaire. Le choix de participer à un salon international en France reste très lié à l’offre et aux innovations proposées par le salon, aux coûts engagés pour y prendre part et aux opportunités de faire du business, côté exposants ; et au retour sur investissement en matière de sélection de fournisseurs, côté visiteurs. On note que les exposants accordent plus d’importance à la qualité du visitorat qu’à sa quantité. L’empreinte environnementale du salon est devenue un critère important, mais encore non décisif. Les budgets de participation restent stables, mais les entreprises étrangères prévoient de mobiliser légèrement moins de salariés pour la visite des salons internationaux à Paris et en France. La durée de déplacement des visiteurs étrangers devrait se maintenir à 3,3 jours en moyenne. La responsabilité sociale des entreprises (RSE) est devenue un enjeu croissant pour la filière « salons ». Ainsi, la mesure du bilan carbone lié aux déplacements d’affaires et celle de l’impact environnemental des événements sont prises en compte par un nombre croissant d’entreprises. Pour répondre à cette demande et l’anticiper, les organisateurs de salons et les gestionnaires de sites s’engagent dans une démarche RSE avec leurs prestataires et partenaires autour de nombreuses initiatives (Zero Net carbone initiative, certification ISO 20121 des sites ou des événements, mise en place de calculateurs d’impact carbone, etc.). Les innovations technologiques viennent « augmenter » l’expérience vécue sur le salon. Le recours au numérique par les organisateurs de salons, expérimenté pendant le Covid, n’a pas remplacé le salon en présentiel et ses bénéfices (rencontre humaine, networking, possibilité de montrer, voir ou toucher les produits…). Pour intensifier l’offre proposée à la clientèle, de nombreux organisateurs proposent désormais une offre numérique complémentaire (rendez-vous online programmés, marketplace disponible toute l’année, webinaires, réseau social dédié…). Intensifiée grâce au digitale, l’expérience du participant à l’événement devient ainsi « phygitale ». La donnée, de sa création à sa valorisation, est désormais un sujet stratégique. Son management et sa bonne exploitation permettent aux acteurs de la filière et aux acteurs du territoire de renforcer leurs liens pour créer une expérience « sans couture » entre le participant et l’ensemble des acteurs mobilisés dans différents domaines (mobilité, accueil, hôtellerie, offices de tourisme, gestionnaires de sites d’exposition, organisateurs d’événements…). Des efforts restent à accomplir pour y parvenir. Les évolutions des attentes et des comportements des exposants et des visiteurs amènent les acteurs de la chaîne de valeur des salons à intensifier leurs efforts d’innovation (lire encadré plus bas) et de formation pour la maîtrise des technologies et la dynamisation des offres de services proposées aux clients.

FACILITATEURS OU IRRITANTS D’UNE DESTINATION POUR L’ACCUEIL DE PROFESSIONNELS

Pour les visiteurs internationaux, les éléments liés à la sécurité physique, la protection antiterroriste et les mouvements sociaux sont importants dans la décision de visiter un salon en France. Viennent ensuite le bien-être, le confort et les services proposés (espace détente, salon VIP, accueil des internationaux), puis la sécurité sanitaire et l’hygiène7. En plus de ces éléments, le rapport qualité/prix de la destination et la qualité de l’offre hôtelière à proximité des salons sont également pris en compte dans la décision de visiter un salon à Paris et en France. 55 % des entreprises interrogées considèrent que l’accès aux sites événementiels par les transports en commun est primordial. Or, les difficultés des visiteurs lors de l’achat des titres de transport – qui génèrent de longues files d’attente aux guichets des stations –, l’engorgement du RER B, les interruptions de services pour travaux lors des grandes manifestations, les grèves ou la volatilité des taxis sont autant de sources récurrentes d’insatisfaction de la clientèle internationale sur les salons franciliens.

RÉVOLUTIONNER LE PARCOURS CLIENT DES EXPOSANTS ET DES VISITEURS PROFESSIONNELS

Les transformations indispensables de cette industrie et les enjeux concurrentiels renforcent la nécessité que les acteurs franciliens des salons intensifient leurs coopérations pour travailler dès l’amont l’expérience vécue des visiteurs d’affaires qui envisagent de venir en Île-de-France. En s’appuyant sur la méthodologie du parcours client, il est possible d’identifier les enjeux d’attractivité de la phase amont à la phase post-séjour. Agir en phase amont, lors de la phase qualifiée d’« aspiration », consiste à influencer la prise de décision d’entreprises lorsqu’elles envisagent de participer à un salon. Les représentations mentales et les avis collectés peuvent alors jouer en faveur ou en défaveur d’une destination. Les entreprises peuvent ainsi écarter un salon du fait d’une ville jugée peu attractive ou risquée, par exemple en raison de transports peu efficients. Un exposant, qui a une approche davantage centrée sur les retombées d’affaires, sera moins sensible en première approche. La phase suivante, dite de « prise de décision », effectuée souvent en année n-1 pour l’exposant et de façon plus rapprochée pour le visiteur, est guidée essentiellement par des préoccupations « business » (programme de promotion et de prospection), l’analyse des informations objectives fournies par l’organisateur et le « bouche à oreille » du milieu professionnel sur la dynamique du salon par les réseaux sociaux. Les images touristique et économique d’une destination jouent un rôle dans la prise de décision, mais de façon plus marginale. La phase de préparation du séjour professionnel s’effectue avant le salon, selon des processus internes qui sont propres à chaque entreprise. L’organisateur du salon peut suggérer certains prestataires touristiques ou conseiller certaines décisions (transport, hébergement, choix de soustraitants…) afin d’intensifier les retombées économiques locales. Le séjour professionnel est un moment clé, guidé par les impératifs de la présence sur le salon. L’efficacité est une priorité, mais aussi la convivialité, notamment pour créer ou renforcer des liens avec les clients, partenaires, prescripteurs, etc. Le caractère attractif de la destination joue un rôle dans les « à-côtés » du salon, que ce soit pour des activités de restauration ou de loisirs comme pour des raisons professionnelles (visite d’écosystèmes locaux, rencontre des autorités locales, événements clients, lien avec la R&D, etc.). Sept lieux clés du parcours participant jouent un rôle majeur dans cette expérience de visite (lire encadré). Le post-séjour professionnel, enfin, comporte deux moments : une éventuelle prolongation sur place pour un séjour touristique, même très court (Paris en quelques heures), puis le retour au lieu de résidence. Les exposants et les visiteurs partagent alors leurs retours sur leurs expériences vécues et peuvent recommander une destination. Des actions de fidélisation peuvent être engagées durant cette phase.

DEMAIN, MIEUX AGIR ENSEMBLE POUR DYNAMISER L’ATTRACTIVITÉ DES SALONS PROFESSIONNELS

Les salons professionnels jouent un rôle essentiel dans le développement des territoires, la compétitivité des filières économiques et la balance commerciale (les salons sont les premiers pas vers l’export). Confrontés à des enjeux concurrentiels et de transformations inédites, entre le numérique et la transition écologique, les acteurs de cette filière sont contraints de réinventer leurs pratiques. Or, malgré les efforts de la profession, cette industrie demeure mal connue dans son fonctionnement et ses retombées. Obtenir une meilleure reconnaissance et un soutien plus vigoureux et régulier des pouvoirs publics, à la hauteur de son importance économique, sociétale et territoriale, semble nécessaire. Parmi les soutiens à envisager figurent les efforts des pouvoirs publics en matière d’appui à la transition écologique des entreprises de la chaîne événementielle, mais aussi d’importants investissements à consentir en soutien à la promotion internationale, à l’instar de ceux obtenus par les places concurrentes. Les grands salons professionnels sont en effet des lieux stratégiques pour mener des actions de soft power, et intensifier la promotion des savoir-faire français, l’attraction de décideurs et la venue de participants étrangers influents. Ce sont réellement des outils d’aide à l’exportation pour les entreprises françaises. Les pratiques méritent aussi d’évoluer. Aujourd’hui, la réussite d’un salon professionnel ne repose pas uniquement sur les acteurs de la filière mais aussi sur la nature et la profondeur des relations entretenues avec l’État, les collectivités territoriales et des organismes publics – de transport, notamment. Les analyses concurrentielles montrent que la plus forte imbrication des stratégies privées/publiques qui existe en Allemagne, ou dans des destinations en croissance comme Dubaï ou Istanbul, ne fait que renforcer l’intensité de la concurrence. L’attention croissante apportée à toutes les étapes du parcours client pour réduire au maximum les frustrations et créer au contraire une expérience réussie devient essentielle. Agir encore plus fortement ensemble, à l’image des meilleures pratiques internationales, est une nécessité. Enfin, si l’image de la France, et notamment de Paris, est excellente dans le monde, elle est loin d’être suffisante dans les milieux professionnels pour compenser les difficultés rencontrées par les visiteurs qui se rendent à des événements professionnels. Les actions déjà menées montrent qu’il est possible d’améliorer la compétitivité de cette filière en mettant en place plus d’actions collectives et en posant les bases d’une gouvernance partagée entre les acteurs de l’industrie des salons professionnels de la destination Paris Île-de-France.■

1. Voir l’offre détaillée dans « Le tourisme d’affaires à Paris Île-de-France », édition 2023, Chambre de commerce et d’industrie (CCI) Paris Île-de-France.
2. « Baromètre de l’activité des salons en Île-de-France 2023 », CCI Paris Île-de-France, 2023.
3. Estimation de la CCI Paris Île-de-France pour 2022, hors salons de l’Aéronautique et de la Défense.
4. Crocis, Insee Île-de-France, « Les séjours professionnels : une clientèle stratégique pour l’hôtellerie francilienne », Enjeux Île-de- France n° 237, octobre 2022.
5. Par exemple, Viparis a lancé en 2015 un programme de 500 millions d’euros d’investissement sur dix ans pour son site de la porte de Versailles.
6. Sources : Promosalons et Unimev.
7. « Les nouveaux comportements des clientèles d’affaires internationales sur les salons français », étude COPIL Congrès & Salons, 2023.

LES SALONS : UNE ENQUÊTE SOCIOLOGIQUE

Dans Salons. Rencontres et surprises (Dunod, 2019), en collaboration avec l’Union française des métiers de l’événement (Unimev), le sociologue Bertrand Pulman va plus loin dans les apports d’un salon aux entreprises. Pour lui, ces événements professionnels sont « les agoras de notre temps » : « Remarquables objets d’investigation et de réflexion, ils sont le ferment d’un tissu complexe d’interactions se jouant dans des registres variés, sociaux, économiques, technologiques, politiques et esthétiques. Forts de leur exceptionnelle capacité à mettre en tension et à concilier des pôles souvent antagonistes, ils multiplient les paradoxes : associant savoir-faire traditionnels et innovations, cultivant leur ouverture sur l’extérieur bien que consacrés chacun à un domaine précis, soumis à des contraintes logistiques et commerciales mais laissant une large place à l’imaginaire et à l’émotion. »

PLUSIEURS MILLIARDS DE RETOMBÉES ÉCONOMIQUES

Les salons franciliens ont généré 3,9 milliards d’euros de retombées économiques directes et indirectes pour l’Île-de-France en 2022, selon la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) Paris Île-de-France. Ces chiffres déjà impressionnants restent inférieurs aux meilleures années pré-crise sanitaire, comme 2018, où ils s’élevaient à 4,9 milliards d’euros. Ces niveaux pré-crise devraient de nouveau être atteints en 2024 ou 2025, selon les professionnels du secteur.

« PACK ACCUEIL POUR LES CONGRÈS ET SALONS »

Viparis, le Comité régional du tourisme Paris Île-de-France (devenu Choose Paris Region) et le groupe ADP ont lancé en 2009 ce dispositif d’accueil, d’information, d’orientation et de transfert en navettes gratuites destiné aux visiteurs, exposants et congressistes d’une sélection d’événements professionnels. Il a intégré fin 2019 un nouveau partenaire, le groupe Accor, dont les établissements hôteliers situés à proximité des sites de Viparis (Palais des congrès de Paris, Paris Nord Villepinte et Paris Expo Porte de Versailles) proposent désormais un accueil personnalisé et des services dédiés aux visiteurs de passage à Paris ou ailleurs en Île-de- France pour un congrès ou un salon bénéficiant du dispositif. Depuis 2023, Paris je t’aime, l’office de tourisme de la ville de Paris, est également partenaire du Pack accueil, qui évoluera et s’élargira à d’autres acteurs de la filière « salons et congrès » après les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, avec pour objectif l’amélioration de l’expérience client dès son arrivée dans la région.

UNE BONNE PRATIQUE FRANÇAISE

Le French Event Booster, première plateforme d’innovation dédiée aux acteurs de l’événementiel, a été lancé en 2018 par plusieurs partenaires de la filière : Lévènement, Novelty, Magnum, Médiactive, l’Unimev, Viparis et WeYou. Cette plateforme, située à Paris Expo Porte de Versailles, est à la fois un incubateur pour des start-up qui repensent l’expérience visiteur, un espace de coworking et un lieu d’appui en matière de design d’innovation.

SEPT LIEUX CLÉS À SURVEILLER POUR AMÉLIORER L’EXPÉRIENCE CLIENT

Les points d’arrivée sur le territoire (aéroports, gares ou parkings), premiers contacts avec la destination, où se jouent souvent les premières impressions

  • Les stations de taxis, et lieux d’accueil et parkings des VTC
  • Les transports en commun (gares et rames de transport) et l’offre de mobilité dédiée à un salon (navettes)
  • Les sites d’hébergement (hôtels, résidences, meublés touristiques, etc.) et leurs quartiers environnants
  • Les sites d’exposition et leurs quartiers environnants
  • Les sites touristiques et les lieux économiques clés
  • Les lieux de vie nocturne

Chaque lieu clé du parcours doit être évalué en amont par une approche « utilisateur » afin de bien comprendre ce qui rend l’expérience mémorable et ce qu’il faut changer, lorsqu’il est générateur de désagréments et d’agacements. Les approches sensibles, telles que celles mises en œuvre par L’Institut Paris Region depuis plusieurs années, sont particulièrement utiles pour identifier les points d’amélioration et les pistes à mettre en œuvre.

Source : L’Institut Paris Region – Promosalons, 2024

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Économie | Attractivité et convivialité

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