Les tiers-lieux, accélérateurs des dynamiques de transition territoriales

Note rapide Économie, n° 988

21 septembre 2023ContactCarine Camors

Les tiers-lieux offrent aujourd’hui un visage pluriel, portés par des entreprises internationales, des associations, des collectivités territoriales ou des entrepreneurs locaux. Ces dernières années, ces structures sont devenues un enjeu d’aménagement des territoires du fait de leur capacité à créer les conditions favorables au développement d’activités économiques et du lien social, y compris dans les zones rurales. Les collectivités sont nombreuses à vouloir faciliter leur implantation, notamment en dehors des zones privilégiées par les acteurs privés, et contribuer ainsi à la redynamisation de leur territoire.

Hybrides, à la fois espaces partagés et collaboratifs, les tiers-lieux ont émergé en même temps que le numérique, permettant de travailler facilement à distance, d’entreprendre, de produire ou de créer une entreprise. La réponse qu’ils offrent au besoin d’agilité et de cocréation est l’une des raisons de leur succès. Au fil des années, les tiers-lieux ont facilité l’émergence d’activités à mi-chemin entre monde professionnel et vie privée : formations, organisation d’événements et de soirées, offre culturelle… Ces espaces de travail partagés et leur animation facilitent les rencontres entre coworkers, de même que les coopérations économiques et les partenariats territoriaux entre une diversité d’acteurs : indépendants, TPE, PME, start-up, associations, institutions publiques, grandes entreprises… En pleine croissance, les tiers-lieux sont un outil au service des collectivités locales pour créer de nouvelles dynamiques économiques et sociales au sein des territoires.

UNE DYNAMIQUE QUI S’ACCÉLÈRE EN ÎLE-DE-FRANCE
Selon notre analyse, l’Île-de-France concentre, fin 2022, 1030 tiers-lieux, avec une forte progression depuis 2017 (+66 %). Leur typologie évolue selon l’activité principale du tiers-lieu. Si le coworking reste l’activité la plus répandue (dans 40 % des tiers-lieux), chaque espace est différent, et compose sa singularité en fonction de la réalité territoriale, autour d’une diversité d’activités, d’approches et de services. 12 % ont une dimension fablab ou makerspace ; 23% une activité d’accompagnement à l’entrepreneuriat (pépinières, incubateurs…) ; 25% sont des bureaux mutualisés dans des centres d’affaires ou télécentres. De plus en plus hybrides, mêlant plusieurs activités, ils sont nombreux à proposer un espace d’expérimentation (laboratoire ou atelier). Si les principaux usagers de ces lieux sont des indépendants, on y trouve également des makers, des artisans, de jeunes entreprises, des TPE, des associations ou des étudiants.
L’analyse géographique de la localisation des tiers-lieux révèle que 760 d’entre eux, soit 74%, sont situés dans la Métropole du Grand Paris (MGP),alors que ce territoire ne concentre que 68% de l’emploi régional. La grande couronne bénéficie de l’engouement suscité par ces espaces depuis 2017 : leur nombre a doublé, atteignant 270 fin 2022. Plus spécifiquement, on comptabilise 464 tiers-lieux à Paris, principalement dans les arrondissements centraux (2e, 8e, 10e, 11e) ; 140 dans les Hauts-de-Seine, en particulier dans le sud du département (Boulogne et Issy-les-Moulineaux) et le quartier d’affaires de La Défense ; 96 en Seine-Saint-Denis, essentiellement à Montreuil, Saint-Denis et Pantin, ainsi que dans les quartiers prioritaires de la ville, ou «QPV» (trois fois plus de tiers-lieux y ont ouvert en cinq ans) ; 78 en Essonne, à Evry, Massy et Palaiseau ; 74 dans le Val-d’Oise, à Cergy, Saint-Ouen-l’Aumône et Gonesse; 69 dans les Yvelines, autour de Versailles, des Mureaux et de Trappes ; 60 dans le Val-deMarne, majoritairement à Ivry-sur-Seine et Vitrysur-Seine ; et 49 en Seine-et-Marne, notamment à Champs-sur-Marne et Torcy. Cette forte concentration dans l’hypercentre est le plus souvent guidée par des logiques de grands acteurs privés (Wojo, WeWork, Morning…), avec une fonction moteur d’innovation et de création d’entreprises, et la recherche de localisations dans des lieux à forte densité de population, comme Paris intra-muros et les grands quartiers d’affaires (Paris, La Défense), ou près des gares (voir carte). À mesure que l’on s’éloigne de la zone centrale, les grands acteurs privés sont moins présents et très concentrés sur les pôles d’emplois. D’autres natures de tiers-lieux y prédominent, souvent soutenus ou opérés directement par des collectivités territoriales, des associations ou des entrepreneurs locaux qui diversifient leurs activités.

 

Enfin, on observe ces dernières années un léger desserrement au profit des quartiers prioritaires et des territoires moyennement denses, périurbains ou ruraux, notamment en Seine-Saint-Denis (avec, par exemple, la Maison de l’emploi Convergence Entrepreneurs, à Aulnay-sous-Bois, labellisée «Fabrique numérique de territoire» – cf. initiative 1 dans l’annexe), en Seine-et-Marne (La Centrif’, tierslieu de la Cité Descartes, à Champs-sur-Marne – cf. initiative 2), en Essonne (L’Ébullition, à Palaiseau, dédié à la transition écologique et à l’inclusion sociale), dans les Yvelines (le Château Éphémère Vanderlab, à Carrières-sous-Poissy, dédié aux arts numériques et sonores) ou dans le Val-d’Oise (le Moulin de Pont Rû, dans le Vexin, tiers-lieu solidaire et rural – cf. initiative 3).
Les tiers-lieux contribuent ainsi au rééquilibrage territorial entre le centre et la périphérie. Leur implantation converge vers les objectifs de polycentrisme du Schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF-E), qui planifie l’aménagement de la région à l’horizon 2040.

LEVIERS DE DYNAMISME ET D’ATTRACTIVITÉ LOCALE
En dehors des grands acteurs privés du marché, les dynamiques apparaissent dans les territoires, au-delà de l’hypercentre. Les tiers-lieux y jouent un rôle croissant, souvent portés par des initiatives citoyennes et coopératives, et génèrent des externalités territoriales positives. Ils mettent en place des projets en s’appuyant sur les ressources humaines et matérielles locales, dans une logique de proximité. Leur essor est un enjeu important pour faciliter la diffusion spatiale des espaces de travail et de production, en permettant l’accroissement de la production de proximité, le développement de la mixité fonctionnelle des espaces économiques, et la réduction des mobilités et des migrations pendulaires.
Selon France Tiers-Lieux, cinq critères principaux peuvent caractériser un tiers-lieu (voir encadré ci-contre). Le poids de chacun varie fortement d’un lieu à l’autre, mais ils montrent que les tiers-lieux, dans les territoires, sont des espaces où s’inventent des solutions concrètes en hyper-proximité, en réponse aux transitions à mener : économique, sociale, culturelle, numérique, écologique, citoyenne, etc. Ils témoignent de la volonté de la société de se réapproprier les grandes questions et enjeux socio-économiques, et de s’organiser collectivement pour y répondre (voir infographie).

Participant à la dynamique économique
Plus de 2 millions de personnes ont fréquenté un tiers-lieu pour travailler ou effectuer des activités, en France, en 20192. Les emplois créés pour animer, gérer et développer ces espaces sont ancrés localement et, pour la plupart, qualifiés et pérennes. Au niveau national, la moitié des tiers-lieux fonctionnent avec moins de deux équivalents temps plein (ETP). Leur impact économique prend plusieurs formes : création d’emplois, ressources fiscales, dépenses locales et retombées indirectes (chaîne des fournisseurs, événementiel – voir infographie). Ils participent aux dynamiques de coopération et s’appuient, pour certains, sur les principes de l’économie sociale et solidaire (ESS), comme le PHARES, à L’Île-Saint-Denis, qui regroupe une quinzaine de structures de l’ESS (cf. initiative 4). En Île-de-France, 23 % des tiers-lieux accueillent des lieux d’accompagnement à la création et au développement des entreprises (pépinières, incubateurs…). C’est le cas, par exemple, du Quai des possibles (cf. initiative 5), qui dispose d’un accélérateur pour aider au changement d’échelle des entreprises à impact. Par ailleurs, 60 % des tiers-lieux ont des activités de formation professionnelle qui répondent à des enjeux et à des métiers d’avenir : facilitation, fabrication numérique, intelligence collective, ingénierie de projets territoriaux, économie circulaire, design de solutions, permaculture, alimentation durable, etc.

Maintien d’une industrie de proximité
Ateliers de fabrication numérique, fablabs ou encore makerspaces : plus de 125 tiers-lieux pratiquent la fabrication locale ou produisent des petites séries (objets, bijoux, composants pour l’industrie…). Ils s’appuient sur des logiciels libres, et sur une dynamique de mobilisation collective et de démocratisation des savoirs par le « faire ». Ils permettent aussi de tester des prototypes ou de nouvelles méthodes de fabrication, comme la fabrication distribuée, dont l’objectif est de permettre la conception, la fabrication et la distribution de produits localement, au plus près des besoins, dans une logique de circuit court, en bénéficiant de savoirs et savoir-faire d’un réseau élargi. De plus en plus d’entreprises, notamment industrielles, coopèrent avec des tiers-lieux, dans des démarches d’innovation. Ces derniers peuvent contribuer à relancer une dynamique industrielle, à travers la micro-production : une usine de quartier capable de produire au plus près des besoins des clients. Durant la crise sanitaire, leur engagement opérationnel dans la fabrication et la distribution bénévoles de matériel médical (masques, visières, respirateurs, pousse-seringues…) a montré leur capacité à répondre en urgence aux besoins, dans un contexte de pénurie et de tensions sur les chaînes logistiques d’approvisionnement, comme La Verrière, le fablab solidaire de Montreuil, dédié à la fabrication et à la créativité.

Acteurs de la transition écologique
Les tiers-lieux jouent un rôle croissant en faveur de la transition écologique au sein des territoires, dans un contexte où plus de neuf tiers-lieux indépendants sur dix déclarent avoir mis en place des actions de sensibilisation auprès des utilisateurs ou des incitations au zéro déchet, s’engager en faveur des circuits courts (distribution Amap, marché local…) et dans l’économie circulaire (repair cafés, ressourcerie/recyclerie…), investir pour réduire l’impact carbone, faciliter les mobilités douces, etc. Ils cherchent à répondre de façon innovante aux besoins de la population en créant du « commun », ce qui passe, notamment, par des ressources, des services et des espaces partagés. Appropriés localement par une communauté, ils répondent aux enjeux de transition énergétique et sociétale : maintien des services de proximité et lien social (bar, restaurant, maison de services publics…), alimentation durable (jardin partagé et circuit court), limitation des déplacements (espace de coworking), fabrication locale (fablab et makerspace), mise en oeuvre d’une démarche low-tech à l’échelle du territoire… Il s’agit, dans une perspective inclusive, de donner à voir que des modes de vie sobres (plus économes en ressources), résilients (anticipant les changements climatiques et sociaux à venir) et solidaires (valorisant la coopération et les complémentarités pour assurer les besoins essentiels) sont possibles. Certaines activités des tiers-lieux engagés dans la transition écologique sont au croisement de l’économie de la fonctionnalité, en favorisant les usages d’outils et de ressources mutualisés, et de l’économie circulaire : allongement de la durée d’usage des biens, recyclage et réemploi, réduction des déchets, sensibilisation à la consommation responsable, à l’instar de La Mine, à Cachan, « maison des communs » dédiée au réemploi et à l’innovation sociale (cf. initiative 6), etc. En outre, en milieu rural, le tiers-lieu « nourricier » peut jouer un rôle sur les questions de transition agricole et de souveraineté alimentaire du territoire, en permettant l’installation collective de porteurs de projets agricoles, comme aux Serres de Beaudreville (cf. initiative 7).

Lieux d’expérimentation de l’urbanisme transitoire
Les tiers-lieux s’inscrivent dans la dynamique du Zéro artificialisation nette (ZAN) lorsqu’ils profitent d’un processus de réhabilitation d’un ancien site emblématique du territoire, qui passe du statut de friche à celui de lieu de vie. À la reconquête de friches, l’urbanisme transitoire et l’occupation temporaire se développent pour faire face à la vacance en milieu urbain. Les acteurs s’organisent pour occuper ces espaces et y implanter des activités qui n’auraient pas eu accès à des locaux au prix du marché dans ces zones denses où la pression foncière est forte. Cela permet d’éviter les coûts de gardiennage mais aussi de préfigurer des usages du futur quartier ou de le rendre plus attractif. Ces modes d’occupation se sont démultipliés ces dernières années, avec l’émergence de nouveaux acteurs de l’immobilier, comme Sinny&Ooko, créateur de la Cité fertile, à Pantin, un tiers-lieu en occupation temporaire sur 10 000 m2 de foncier appartenant à la SNCF ; ou, plus récemment, le tiers-lieu Césure (porté par Plateau Urbain et Yes We Camp), sur l’ancien campus de Sorbonne-Nouvelle Censier, axé sur la transmission des savoirs et savoir-faire pour inventer de nouvelles manières d’apprendre.

Soutien au dynamisme culturel
Par sa programmation et sa capacité à faire venir sur des territoires parfois isolés des événements culturels, le tiers-lieu vient enrichir l’offre locale, y compris dans les quartiers prioritaires. Il expose à la culture des personnes qui en sont habituellement éloignées du fait de leur âge, de leur milieu social et culturel ou de leur isolement géographique et social. C’est le cas, par exemple, de Mains d’OEuvres, tiers-lieu culturel installé à Saint-Ouen depuis 2001, dont la mission est d’accueillir et d’accompagner la création artistique émergente et pluridisciplinaire, avec la volonté de « promouvoir l’imagination artistique et citoyenne ».

Laboratoire citoyen et du commun Le tiers-lieu peut prendre la forme d’un espace d’accompagnement d’initiatives portées par les habitants et les acteurs du territoire. En les impliquant et en leur offrant un espace pour leurs initiatives, il favorise la rencontre et les échanges, et leur permet ainsi d’inventer ensemble de nouveaux projets. Cette configuration offre au territoire un lieu propice à l’innovation sociale et technique. L’articulation des politiques publiques territoriales et les projets collectifs portés par la société civile constituent un élément clé des stratégies de transition à l’échelle des territoires. L’exemple de La Tréso, tiers-lieu coopératif, lieu de vie et de fabrication artisanale, culinaire et numérique, à Malakoff, illustre cette dynamique (cf. initiative 8). 

 

 

DES ENJEUX À LA HAUTEUR DES ATTENTES
Du fait de leurs apports aux territoires, les tiers-lieux peuvent jouer un rôle moteur à l’échelle locale et, par extension, en Île-de-France. Ceci explique que, depuis quelques années, les collectivités jouent un rôle proactif en multipliant des expérimentations. Elles sont aujourd’hui nombreuses à vouloir faciliter l’implantation de tiers-lieux, notamment en dehors des zones privilégiées par les acteurs privés, et contribuer ainsi à la redynamisation de leur territoire (lire encadré ci-contre). Au-delà de l’effet de mode d’une volonté de « marketing territorial », ce mouvement pourrait devenir un levier important d’une stratégie de développement des territoires. Les collectivités peuvent être des facilitateurs, des partenaires pour ces lieux. En Île-de-France, 57 % déclarent avoir été soutenus financièrement par les pouvoirs publics depuis leur création, dont un tiers par la Région. Leur intervention est souvent nécessaire pour équilibrer les modèles économiques, en mettant à disposition des locaux, en soutenant les projets en amorçage, en finançant des équipements lors de l’installation, en entrant au capital de projets d’intérêt territorial…
Présentés par certains comme des vecteurs de gentrification, considérés par d’autres comme des « fabriques du monde d’après », les tiers-lieux véhiculent autant de fantasmes que d’espoirs : création d’emplois, attractivité, rééquilibrage territorial, acteur de la transition écologique, développeur de social… Leur impact dépend cependant de nombreux facteurs.
Plusieurs enjeux partagés ont été identifiés afin de favoriser leur réussite : structurer la filière et soutenir les réseaux pour faire monter en compétence les porteurs de projets locaux ; favoriser l’hybridation des activités ; adapter les formes juridiques à une gouvernance partagée ; s’adapter à de nouveaux modèles économiques ; former et acculturer les citoyens, les élus et les acteurs locaux (visites apprenantes) ; accompagner également la professionnalisation, notamment du métier d’animateur ou de gestionnaire de tiers-lieux ; favoriser le maillage le plus fin possible des territoires en tiers-lieux – la dynamique en dehors du centre de la métropole reste fragile et doit être accompagnée, notamment dans les territoires ruraux et les quartiers prioritaires ; faciliter l’accès au foncier et adapter les règlements d’urbanisme à l’hybridation des fonctions ; et enfin favoriser le télétravail en tiers-lieux, la crise sanitaire ayant constitué un accélérateur de la transformation du bureau et des nouvelles façons de travailler.

Les perspectives du télétravail en tiers-lieux
La fréquentation des tiers-lieux par les télétravailleurs est relativement faible en France comme en Île-de-France, et ce, pour plusieurs raisons : la concurrence du domicile, l’éloignement des tiers-lieux aux concentrations d’habitants, la méconnaissance des Franciliens de ces lieux, ou encore la nécessité pour de nombreux salariés de prendre en charge à leurs frais l’usage de tels lieux. La montée en puissance du télétravail, conjuguée au besoin d’espace et aux velléités de vivre « au vert », pourrait modifier certaines pratiques des salariés et des entreprises, et favoriser le développement de tiers-lieux dans les territoires périurbains et ruraux. Le développement potentiel de la part des télétravailleurs venant travailler dans des tiers-lieux oblige les territoires à structurer de nouveaux espaces pour les accueillir. Seule une politique incitative à destination des employeurs, adossée à un dispositif de chèques « bureau » (sur le modèle des chèques « restaurant »), pourrait permettre une meilleure appropriation de ces lieux par les salariés qui le souhaitent.

La reconfiguration des espaces de travail issue des grandes transformations en cours va bouleverser l’aménagement économique des territoires et fortement impacter les pratiques de mobilité. Les tiers-lieux ne sont pas uniquement un nouveau levier de développement économique à soutenir, ils réinterrogent certaines pratiques des institutions et favorisent de nouveaux modes de faire dans l’action territoriale pour accélérer les transitions. Ce développement nécessite une réinvention de l’action publique pour accompagner de manière collective ces espaces multifonctionnels et intermédiaires, fonctionnant souvent avec des modes de gouvernance horizontaux. Tout l’enjeu est d’identifier la juste intervention de la puissance publique. En créant les conditions d’émergence et de développement de ces tiers-lieux dans une logique bottom-up (ou ascendante), les collectivités deviennent ainsi des facilitateurs pour accompagner les projets qui naissent au sein de leur territoire. ■

 

DES ÉCOSYSTÈMES COLLABORATIFS

Les tiers-lieux sont des espaces de sociabilité, où une communauté peut se rencontrer, se réunir, échanger et partager des ressources, des compétences et des savoirs. Ils sont portés par des acteurs privés, des collectifs ou des initiatives citoyennes. Au regard de leurs fonctions diversifiées, ils peuvent s’incarner dans un large panel de lieux : espace de coworking, atelier partagé, fablab, makerspace, lieu culturel intermédiaire, incubateur, campus connecté, laboratoire d’innovation territoriale, etc. Ils revendiquent le non-étiquetage, au risque de cloisonner leurs activités et leurs concepts. La définition retenue dans cette note concerne les tiers-lieux d’activité.

 

CINQ CRITÈRES POUR UN TIERS-LIEU

  • Un fort ancrage territorial : ils répondent à des besoins locaux et mobilisent les acteurs du territoire, à savoir pouvoirs publics, entreprises, associations, universités…
  • Une communauté d’acteurs locaux engagés qui développent des projets innovants pour leur territoire, en mutualisant des équipements, des moyens et des compétences.
  • Une gouvernance partagée et une libre contribution des usagers des lieux impliqués dans la définition et l’orientation du projet de territoire.
  • Une hybridation d’activités : les activités et les types de public accueilli (salariés, indépendants, demandeurs d’emploi…) sont multiples, et les modèles s’équilibrent entre activités lucratives (services, formation, location, restauration…) et activités d’intérêt général (inclusion numérique, remobilisation dans l’emploi, social…).
  • Une dynamique d’expérimentation et d’innovation : espaces dédiés à la pratique, au faire soi-même, les tiers-lieux sont évolutifs et adaptables.

 

POUR COMPRENDRE

La difficulté à référencer les tiers-lieux tient au fait que, derrière ce mot, il existe des définitions plus ou moins restrictives et, surtout, évolutives. Depuis son premier référencement, en 2017, L’Institut a retenu la notion de « tiers-lieux d’activité », c’est-à-dire des espaces de travail partagés, souvent protéiformes, créatifs, innovants et multifonctionnels, qui accueillent de plus en plus d’indépendants, en privilégiant un travail nomade, à distance et collaboratif, y compris au sein d’un centre d’affaires ou d’un télécentre. À l’inverse ont été exclus les restaurants, les cafés solidaires ou encore les espaces alternatifs plus difficiles à référencer, comme les hacker spaces*.
Une approche quantitative (référencement des tiers-lieux et mise à jour en continu de la base de données de L’Institut Paris Region) conjuguée à une approche par terrains (monographies et interviews) a permis de mettre en avant le rôle des tiers-lieux en tant que catalyseurs des usages émergents dans les territoires. Cette note s’appuie sur des travaux de recherche, la visite d’une cinquantaine de tiers-lieux et des entretiens menés auprès des acteurs de l’écosystème régional – gestionnaires de lieux, membres du réseau Île-de-France Tiers-Lieux, têtes de réseau dans les territoires, Région Île-de-France –, ainsi que sur une enquête quantitative sur « Tiers-lieux et Covid-19 ».

Voir aussi

Rubrique « Travailler autrement » : monographies, interview, reportages

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Économie | Tiers-lieux | Économie créative

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