Quelle place pour les loisirs dans les espaces commerciaux franciliens ?

30 mai 2018ContactCarole Delaporte-Bollerot, Christine Tarquis

Retailtainment, funshopping, espaces commerciaux récréatifs, autant de terminologies qui traduisent une volonté de réunir en un même lieu loisirs et commerce. Cette aspiration, qui n’est pas récente, trouve une nouvelle force avec les questionnements auxquels sont confrontés aujourd’hui les centres commerciaux classiques. 

Le déploiement d’une offre nouvelle, créatrice de plaisirs et d’expériences renouvelées est-elle une voie à suivre pour donner envie au consommateur de venir et de revenir dans ces espaces marchands délaissés par la concurrence d’internet ? Cette tendance qui s’est largement développée à l'étranger prend-elle de l'ampleur en Île-de-France ? Sur quels segments les espaces commerciaux franciliens se positionnent-ils ? Quelles sont les interactions entre ces nouvelles activités et les activités de retail traditionnelles ? Quelle est la stratégie des opérateurs ? Quelles particularités françaises par rapport aux expériences étrangères ? Quelle forme d’organisation et quelle inscription dans le tissu urbain environnant ? 

Pour répondre à ces questions nous nous sommes appuyés sur une analyse approfondie de 25 espaces commerciaux diversifiés qui font chacun l’objet de fiches de présentation et sur des entretiens auprès de professionnels. Il en est ressorti une typologie des activités présentes dans ces sites classant les activités de loisirs selon un gradient croissant de différenciation : 

  • l’évènementiel plus ou moins régulier et spectaculaire proposé par le gestionnaire,
  • des activités d’accompagnement du retail qui comprennent la restauration, les services à la clientèle (garderie, accueil) et qui ciblent la clientèle habituelle du centre commercial, 
  • des activités culturelles, de loisirs ou de sport que l’on pratique régulièrement (activités sportives, fitness, équipements culturels publics, cinéma) qui s’adressent à une clientèle élargie qui varie selon la nature des activités proposées,
  • et enfin des activités de destination que l’on fait plus exceptionnellement, souvent plus chères : aquarium, lasergame, bowling, boîte de nuit, salle de spectacles, iFly. Moins courantes, elles permettent une véritable différenciation de l’espace marchand par rapport à ses concurrents. 

Le constat qui a pu être fait montre que l’ouverture des espaces marchands franciliens aux loisirs reste limitée. Elle se cantonne dans la plupart des cas à organiser de l’évènementiel, développer une offre hde restauration, de cinéma (multiplexes) et sportive (fitness) limitée. Les attractions plus inventives et exceptionnelles restent malgré tout peu nombreuses et principalement concentrées dans Paris intramuros. 

Mis à part le centre commercial Odysseum à Montpellier, la France ne dispose pas de grande destination réunissant loisirs et commerce comme ceux qui se sont développés à travers le monde depuis les années 90. Plusieurs raisons expliquent ce décalage : 

  • Tout d’abord la place prépondérante de l’offre d’équipements publics dans le domaine sportif et culturel, localisés le plus souvent en dehors des centres commerciaux.
  • La deuxième raison tient aux caractéristiques historiques de beaucoup de centres commerciaux bâtis autour de l’hypermarché. D’où une fréquentation attachée à des pratiques d’achats alimentaires assez contraintes et rarement associées à du loisir. 
  • La troisième raison tient au manque de structuration des activités de loisirs qui sont en France encore mal organisées et en situation de faiblesse dans les négociations face aux grandes foncières notamment sur le niveau des loyers. 
  • La quatrième raison est économique et financière. Avec la financiarisation de l’immobilier commercial, le modèle économique des centres commerciaux amène les gestionnaires à poursuivre prioritairement l’objectif de sécurisation de leurs actifs débouchant sur des loyers trop élevés pour la plupart des activités de loisirs. 

Consommateur, usager, habitant recherchent davantage de qualité, d’urbanité et de proximité. Les grands projets comme Europa City sont loin de faire l’unanimité. L’avenir est aux projets concertés, adaptés au contexte local et multifonctionnels. Gageons que de plus en plus d’opérateurs en seront conscients et s’orienteront vers cette voie.

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