Les découpages en Seine aval

21 janvier 2015Catherine Mangeney et Jean-Christophe Rigal

« Soulever la couche métropolitaine pour mettre en lumière les pratiques territoriales plus locales » et, sans chercher à figer un découpage, « donner une idée » de ce que pourrait être un périmètre pertinent de coopération, telle est la démarche entreprise par l’Agence d’urbanisme et de développement de la Seine aval (Audas).

En 2001, puis de nouveau en 2007 et 2009, l’Audas (ancienne Agence d’urbanisme du Mantois jusqu’en 2006) s’est intéressée à la structuration interne de la Seine aval par ses grands pôles urbains (Mantes-la-Jolie, Les Mureaux, Poissy), à leur rôle de relai local répondant aux besoins quotidiens de leurs habitants, rôle qui est rendu difficilement objectivable tant l’influence parisienne est forte. En analysant les flux autres que ceux dirigés vers Paris ou vers d’autres grands pôles d’emploi tels que la Défense, Saint-Quentin-en-Yvelines…, l’agence a démontré l’existence de « bassins de vie locaux », s’appuyant sur un réseau interne de communes concentrant différentes fonctions urbaines, que ce soit en termes quantitatifs ou qualitatifs (volume, présence/absence, niveau des services ou des prestations) ou en termes de diversité de l’offre (éventail des fonctions urbaines). L’étude initiale s’est appuyée sur l’inventaire communal de l’Insee (qui indiquait les flux de déplacements). En l’absence de nouvel inventaire communal, les actualisations ont nécessité la conduite d’une phase d’enquête auprès des communes concernées, démarche difficilement reproductible à grande échelle.

Cependant, l’intérêt de la démarche a été de considérer, dès le départ, l’emboîtement des échelles :

  • le grand bassin de vie parisien ;
  • des grands bassins de vie locaux mais élargis, structurés le plus souvent par de grands pôles urbains, souvent développés autour d’un pont franchissant la Seine et associant cité historique et ville homologue sur l’autre rive du fleuve. Ces « grands bassins de vie locaux » répondant aux besoins liés aux grands équipements et à l’emploi ;
  • des sous-bassins locaux, parfois organisés en réseau, et polarisés par des communes centres, à l’offre urbaine plus modeste, répondant aux besoins plus quotidiens des habitants.

Ainsi, l’étude a montré que vivre en Seine aval, c’est s’inscrire dans trois dimensions territoriales, complémentaires, emboîtées et articulées : la dimension métropolitaine, la dimension locale élargie et la dimension locale rapprochée, dont les frontières sont poreuses et évolutives et dont les contours sont plus facilement discernables lorsque l’on s’éloigne de l’influence métropolitaine du cœur d’agglomération.

L’identification initiale de « pôles » d’emplois et d’équipements

Encore une fois, la méthode utilisée s’est fondée sur l’identification initiale de pôles, autour desquels s’organisent les déplacements, selon le rayonnement plus ou moins large qu’ils génèrent. Ces pôles étant définis par la quantité et la diversité des emplois qui y sont implantés mais aussi du niveau et du rayonnement1 des équipements et services qu’ils proposent.

Une phase de lecture de l’armature urbaine propre au territoire

Une première lecture de l’armature urbaine du territoire est ainsi proposée, avec trois systèmes qui se dégagent : 

  • un système urbain structuré autour des pôles de Mantes et de Poissy (pôles urbains majeurs), des Mureaux (pôle majeur mais excentré et de rayonnement limité, du fait de cette position géographique mais également de la présence/concurrence d’autres pôles à proximité), et d’Aubergenville (pôle interstitiel plus modeste) ;
  • un système rural au sud organisé autour du pôle de Houdan et de « centres-relais » tels qu’Orgerus, Longnes, Bréval et Septeuil ;
  • un système périurbain entre les deux, organisé autour de trois pôles que sont Maule, Gargenville et Bonnières-sur-Seine qui polarisent, chacun de manière très différente, l’espace périurbain.

L’intérêt de la démarche a été
de considérer, dès le départ,
l’emboîtement des échelles

 

De l’armature aux bassins : une approche combinant les échelles

L’agence précise, ensuite, la définition qu’elle donne au « bassin de vie » et son postulat de départ, approche intéressante car elle indique, une fois encore, la dimension quelque peu « arbitraire » de ce genre de découpage, fortement dépendant des seuils qui auront dû être retenus. « Un bassin de vie est un territoire organisé autour d’un ou plusieurs pôles de leurs périphéries, et au sein duquel les habitants peuvent satisfaire la plupart de leurs besoins d’actifs, de consommateurs, de citoyens, de mères/pères de famille, de sportifs, d’amateurs de culture et de loisirs… »
Selon cette première étape de définition, le bassin de vie pourrait s’apparenter à un bassin de proximité aux équipements et services. Cependant, une notion de relation entre territoires est également introduite : « L’existence d’un bassin de vie implique des relations suffisamment régulières et soutenues entre le ou les pôles de services et leurs périphéries. Toute la démarche méthodologique pour le découpage des bassins de vie réside dans l’appréciation du caractère ‘‘ suffisamment régulier et soutenu ’’ des relations entre pôles et périphéries » [Auma, 2001]. L’intensité du partenariat entre les communes a également été introduit, de même que le critère du degré d’isolement des communes par rapport aux pôles (critère d’accessibilité), afin d’intégrer la notion de dépendance plus ou moins forte au pôle en question.

Des fonctionnements spécifiques dans chaque partie du territoire

La carte de synthèse finale met en évidence l’existence de différents types d’organisation des « bassins de vie » :

  • L’organisation des bassins de vie de Mantes, qui comportent un grand bassin principal et un réseau interne de bassins de proximité, centrés autour du bassin de proximité généré par le pôle de Mantes. Le passé urbain de Mantes, son statut administratif ainsi que son positionnement à l’extrémité ouest de l’agglomération parisienne expliquent son rayonnement large, notamment vers le sud où la concurrence avec d’autres pôles urbains est relativement faible.
  • L’organisation des bassins de vie de Meulan–Les Mureaux, marquée par une superposition quasi parfaite entre grand bassin et bassin de proximité. Cette organisation s’expliquant à la fois par la bipolarisation constituée par le centre historique (Meulan) et le centre en développement récent (Les Mureaux), posant des difficultés au développement de centralités fortes et, par la concurrence faite à ce pôle, par les autres pôles de la vallée de la Seine, que sont Mantes, Aubergenville, Poissy, Orgeval…

l’organisation du territoire
« n’est jamais figée »

  • L’organisation du bassin de vie d’Aubergenville, caractérisée par un grand bassin généré par un pôle (Aubergenville), qui lui-même ne génère aucun bassin de proximité. Ce sont d’autres communes (Épône et Maule) qui génèrent un réseau de bassins de vie de proximité. Cette situation découle du développement récent d’Aubergenville, de l’absence de pont et enfin de la concurrence des communes proches bien équipées en services de proximité.
  • L’organisation des bassins de vie à l’est de la Seine aval est dominée par l’influence de Poissy et Conflans-Sainte-Honorine. Toutefois, la proximité du cœur de l’agglomération parisienne et le contexte urbain très marqué dans ce secteur (nombreuses villes à l’offre urbaine importante) ne permettent pas de dégager – très clairement – les aires d’attraction des pôles urbains. L’intensité du caractère métropolitain est beaucoup plus affirmée.

Ces études ont également montré que l’organisation du territoire « n’est jamais figée », mais qu’au contraire, elle « évolue parfois de façon brutale, entraînant même des bouleversements profonds dans le fragile équilibre entre villes. Ainsi, Mantes et Meulan étant historiquement les deux pôles de la Seine aval, mais l’implantation d’activités aux Mureaux (Aérospatiale), et à Aubergenville (Renault) a bouleversé cette armature urbaine ».

Ces éléments incitent, s’il en était besoin, à considérer avec attention les implantations mais aussi les disparitions des emplois ou des équipements, dans cette approche d’équilibre relativement fragile entre polarités et entre territoires, et à s’en servir comme leviers d’orientations territoriales choisies. Ces études contribuent, également, à alimenter les réflexions sur l’organisation et la coopération institutionnelles locales.

Catherine Mangeney est démographe chargée d'études équipements à l'IAU îdF et Jean-Christophe Rigal est urbaniste, directeur de l'Agence d'urbanisme et de développement de la Seine aval (Audas).

1. En l’absence d’inventaire communal pour les études récentes, l’Audas a procédé à une enquête auprès des communes concernées. Elle a orienté son questionnement autour de 10 équipements « intermédiaires » (établissement de santé, lycée, laboratoire d’analyse médicale, piscine, cinéma, salle de spectacle, hyper et supermarché, gare, antenne Pôle Emploi, trésorerie) et de 12 équipements de « proximité » (bureau de poste, vétérinaire, station-service, notaire, tabac, supérette ou commerce alimentaire et banal, marché de détail, pharmacie, agence bancaire, PMI ou centre médicosocial, centre de loisirs et collège).

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