« Mangeons local en Île-de-France », un défi collectif porté par le Cervia

Interview

27 février 2017Gérard Hébert

Gérard Hébert est conseiller régional et président du Cervia Paris Île-de-France.

 

Le Cervia1 Paris Île-de-France, organisme associé à la Région, valorise les produits et savoir-faire agricoles franciliens, soutient la filière agroalimentaire et sensibilise les Franciliens au manger et au produire local. Focus sur ses actions et perspectives.

Quelles sont les caractéristiques de l’Île-de-France comme région capitale ?

L’Île-de-France est plurielle, à la fois urbaine, industrielle et agricole. C’est une terre propice au maraîchage, à l’arboriculture, à l’élevage et à la culture céréalière. Avec un climat tempéré et des sols d’une grande fertilité, elle regroupe plus de 5 000 exploitations, soit près de 570 000 hectares de terres arables (49 % du territoire).
L’Île-de-France est une région historiquement riche par sa diversité, son savoir-faire, mais aussi ses produits emblématiques comme le chou de Pontoise, l’asperge d’Argenteuil, le cresson de Méréville, la menthe poivrée de Milly-la-Forêt, la cerise de Montmorency, la poire de Groslay, les Brie de Meaux, de Melun… autant de saveurs qui inspirent depuis des décennies la créativité des grands chefs de la capitale. Aujourd’hui, on voit réapparaître ces légumes anciens sur les étals comme dans les assiettes. Des maraîchers ont souhaité remettre au goût du jour les saveurs d’antan, des légumes emblématiques, piliers d’une gastronomie adulée.
Le patrimoine culinaire de la région est reconnu au-delà de ses frontières. Il est une véritable source d’inspiration pour les jeunes talents, comme les grands chefs. Ce savoir-faire se retrouve sur les grandes tables de la région. L’Île-de-France regroupe 108 restaurants étoilés sur les 600 que compte le Guide Michelin, preuve du concentré de talents qui bouillonnent dans la région capitale. Plus de 23 000 restaurateurs et 13 000 artisans y officient et défendent avec fierté les savoir-faire reconnus des métiers de bouche et la gastronomie française, inscrite au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
L’Île-de-France est dynamique. Elle est le centre de décision de grands groupes alimentaires, comme Danone, de grands groupes de restauration collective comme Elior, Compass, Sodexo… Elle a également un tissu important d’entreprises historiquement implantées : les Grands Moulins de Paris ou encore Daregal, tous deux proches des filières agricoles franciliennes. Enfin, aujourd’hui, plus de 600 TPE ou PME transforment les denrées alimentaires sur le territoire, et la région voit tous les jours de jeunes et ambitieux créateurs d’entreprises imaginer l’alimentation et la restauration de demain.
Composé de quatre départements à dominantes agricoles et de quatre départements urbains denses, le territoire francilien est atypique. La capitale en son centre renforce notamment l’attractivité de son tourisme. Mais sa plus grande particularité reste bien évidemment la présence du plus grand marché européen, avec près de 12 millions de consommateurs aux attentes toujours plus engagées, volatiles, multiples.

Une marque régionale a été créée il y a cinq ans, pourquoi et comment ?

La première étape était de reconnecter l’ensemble des acteurs à leur territoire. Notons que la majorité des régions s’étaient dotées depuis longtemps de marques produits, de marques régionales, comme la Bretagne par exemple avec le label Produit en Bretagne, porté par un groupement d’entreprises il y a plus de 20 ans. La région Île-de-France a été l’une des dernières à se poser la question.
Depuis 2011, l’Île-de-France a franchi le cap. La Région, sous l’initiative du Cervia Paris Île-de-France, a choisi de s’engager dans une démarche originale à la hauteur de son territoire. Après avoir mobilisé agriculteurs, artisans et PME dans une démarche collective, elle a associé tous les autres acteurs de la chaîne alimentaire : distributeurs, points de vente et restaurateurs ; incitant et accompagnant ruches, Amap, Food trucks, restaurants indépendants, bistrots, grands groupes de restauration collective, grossistes, à rejoindre le mouvement locavore.
Aujourd’hui, ce sont plus de 850 professionnels qui adhèrent au mouvement, portant ainsi haut et fort les couleurs de l’Île-de-France. Si la démarche n’a cessé de croître au fil des ans, c’est que l’intérêt pour le local est bien réel.
Les adhérents sont évalués chaque année sur les vingt points d’engagement de la charte. Ils voient avec le Cervia leurs avancées, leurs difficultés, leurs besoins et bénéficient de recommandations, de solutions, d’aides.
Cette démarche donne de la visibilité à l’agriculture, aux productions, aux savoir-faire franciliens tout en valorisant la démarche individuelle des professionnels. Plus il y a d’entreprises engagées et de produits marqués, plus la notoriété et la reconnaissance augmentent. La mutualisation des compétences permet de renforcer les filières, l’enjeu étant de soutenir l’emploi et le dynamisme économique.
Concrètement, la marque territoriale « Mangeons Local en Île-de-France » regroupe à la fois les bénéfices d’une marque produit, d’une marque ombrelle et d’une démarche collective. Il a fallu cinq ans pour structurer cette marque unique, en avançant de façon concertée. Outre l’empreinte collective, territoriale et au service de tous, elle a un véritable rôle pédagogique. Elle permet de satisfaire les attentes des consommateurs en matière de découverte et d’identification des produits régionaux avec des éléments motivés d’achat liés à l’éco-conso-responsabilité.  

Quelles sont les actions concrètes mises en place par le Cervia ?

Notre rôle, en tant qu’acteur public, est d’accompagner le changement dans les actes. Les collectivités peuvent faire de la pédagogie auprès des publics, mais en adéquation avec la réalité du territoire et son évolution. Le Cervia, en tant qu’organisme associé à la région Île-de-France, rassemble l’ensemble des acteurs du système alimentaire et les élus autour d’une dynamique et crée des connexions au service des professionnels et des consommateurs.
De nombreuses actions ont permis de redonner de la visibilité à l’agriculture et à l’alimentation franciliennes : citons le Sial et le Sirha, deux grands salons professionnels français incontournables dans la commercialisation des produits agricoles et alimentaires ainsi que le Salon international de l’Agriculture et les Semaines du Mangeons local.
Les Semaines du Mangeons local mobilisent tous les acteurs engagés. En septembre 2016, pour leur quatrième édition, elles ont, par exemple, permis de travailler avec Monoprix, qui souhaitait valoriser son linéaire Made in pas très loin en s’appuyant sur « Mangeons Local en Île-de-France ». Elles ont aussi permis d’amplifier l’approvisionnement local de la restauration collective, en passant de la volonté à la réalité avec plus de transparence, plus de produits et donc des approvisionnements mieux maitrisés et de saison.
En septembre, le Comptoir du Carreau a été officiellement inauguré sur le Min de Rungis, en présence de Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, et Stéphane Layani, président de la Semmaris à Rungis. Fruit du travail conjoint entre la Driaaf, l’Aidpfl, la Semmaris, les chambres d’agriculture d’Île-de-France et le Cervia, ce comptoir permet de compléter l’offre en produits franciliens avec une sélection de plus de 400 références en épicerie locale. Les restaurateurs et les commerçants peuvent désormais centraliser leurs achats, simplifier leur logistique d’approvisionnement et profiter de fruits, légumes, charcuteries ou crémeries locaux et de qualité dans un même lieu. Un bel exemple des synergies engagées sur le territoire.

Qu’en est-il des autres marques locales et évènements ?

Nos partenaires, chambres, départements, parcs naturels régionaux, mènent aussi de nombreuses actions. La Balade du Goût, par exemple, a été créée par les chambres d’agriculture d’Île-de-France et a fêté ses vingt ans cette année.
Ces actions sont à la fois complémentaires et amplificatrices de la dynamique régionale, relais des liens aux territoires, preuve de la force des professionnels à se mobiliser, reflet de la diversité du territoire, de ses savoir-faire, de la nécessité de le raconter, en proximité à son public.
Les marques PNR, départementales doivent être perçues comme telles. Elles doivent venir s’appuyer, se renforcer auprès de la démarche régionale, s’en faire l’écho. Cette mutualisation des forces réduit les coûts et démultiplie les messages d’une région agricole, alimentaire, aux savoir-faire d’excellence.

Alors, quelles perspectives, quels enjeux pour demain ?

Toute l’ambition est de rassembler artisans, bouchers, transformateurs, industriels, circuits courts dans l’objectif commun de défendre « la terre francilienne », leur savoir-faire et le « Made in Paris Île-de-France ». Des entreprises participent et se développent désormais sur cet engagement territorial, avec le soutien de la Région. Reste à valoriser leurs compétences et favoriser leur dynamique économique au service du bien manger aujourd’hui et demain.

Propos recueillis par Laure de Biasi et Corinne Ropital

1 Centre régional de valorisation et d’innovation agricole et alimentaire.

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