Intercommunalités en Île-de-France : derniers ajustements avant les élections

Chronique du paysage politique francilien n° 2   Sommaire

30 janvier 2020ContactIsabelle Zugetta, Léo Fauconnet

Un ouvrage consacré aux premières élections fléchées des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en France en 2014 qualifiait l’intercommunalité « d’invitée discrète » tant les problématiques de cet échelon institutionnel avaient peu été abordées dans les campagnes électorales. La même tendance semble être observée en 2020. Il faut dire que, même si la stabilité de la carte des EPCI leur a permis de s’installer dans le paysage de la démocratie locale, des évolutions sont encore à l’œuvre. État des lieux.

 

À la veille des élections municipales, et pour la deuxième année consécutive, la carte des intercommunalités franciliennes est presque stable. L’Île-de-France compte désormais 63 intercommunalités, dont 51 EPCI à fiscalité propre de droit commun en grande couronne, 11 établissements publics territoriaux (EPT) en petite couronne et la Métropole du Grand Paris (MGP). C’est une de moins qu’en 2019.

On notera au passage trois changements de périmètre, tous en Seine-et-Marne, causés par la disparition du Pays Créçois. Les 19 communes de cet ancien EPCI se répartissent désormais ainsi :

  • Esbly, Montry et Saint-Germain-sur-Morin rejoignent le Val d’Europe, ce qui porte le nombre de communes de cette intercommunalité à 10 et sa population à 49 992 habitants.
  • Quincy-Voisins, Boutigny, Saint-Fiacre et Villemareuil sont rattachés au Pays de Meaux, qui compte désormais 26 communes et 104 969 habitants.
  • Les 12 autres communes - Bouleurs, Condé-Sainte-Libiaire, Couilly-Pont-aux-Dames, Coulommes, Coutevroult, Crécy-la-Chapelle, La Haute-Maison, Sancy, Tigeaux, Vaucourtois, Villiers-sur-Morin et Voulangis - intègrent Coulommiers Pays de Brie.

Cette intercommunalité a connu des évolutions permanentes de périmètre depuis 2016, ce qui freine son intégration et limite l’uniformisation des compétences sur l’ensemble de son territoire. Néanmoins, avec désormais 54 communes et 91 632 habitants, elle est amenée à devenir un pôle important de l’Est francilien.

Pas de « grand soir »…

À la suite des insatisfactions nées de la mise en œuvre de la loi NOTRe et des griefs exprimés par les maires dans le cadre du « Grand Débat » de 2019, il semblait envisageable que l’État accepte une remise à plat du modèle intercommunal français. Les fronts ouverts concernaient autant la taille des EPCI, souvent qualifiée de XXL, que leurs compétences considérées comme trop nombreuses. Force est de constater que les compromis qui ont pu être trouvés entre l’Assemblée nationale et le Sénat, à l’occasion de l’élaboration de la loi Engagement et Proximité (promulguée le 27 décembre 2019), ne remettent pas vraiment en cause les équilibres entre intercommunalités et communes. En Île-de-France, il est bien confirmé que les EPCI de droit commun de grande couronne et la MGP verront leurs nouveaux élus désignés en mars 2020 au suffrage universel par fléchage dans le cadre des élections municipales. Les EPT auront, eux, les membres de leurs assemblées délibérantes élus « au 3e tour » dans le cadre des conseils municipaux.

… mais quelques nouveautés introduites par la loi…

Après le renouvellement des conseils communautaires, un débat au sein de chacun d’entre eux devra envisager l’opportunité d’élaborer un pacte de gouvernance permettant aux élus locaux de s’accorder sur le fonctionnement quotidien de leur établissement. Comme l’indiquent Manon Loisel et Nicolas Rio dans une récente note pour la Fondation Jean-Jaurès, ce pourra être

« l’occasion d’engager une démarche plus collective, centrée sur l’articulation entre communes et intercommunalités au lieu d’opposer systématiquement ces deux échelles ».

Autre évolution, l’article 14 de la loi Engagement et Proximité, relatif au transfert des compétences eau et assainissement, introduit un léger assouplissement pour les communautés de communes. Elles peuvent, même s’il y a déjà eu transfert partiel de la compétence, reporter le transfert total en 2026 avec, toujours, une possible minorité de blocage. En revanche, les communautés d’agglomération ont bien, depuis le 1er janvier 2020, les compétences obligatoires eau et assainissement.

En son article 24, la loi supprime l’obligation de révision tous les six ans des schémas départementaux de coopération intercommunale (SDCI). En remplacement de cette procédure est introduit un alinéa IV bis à l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales ainsi formulé :

« La commission de coopération intercommunale peut, si la moitié de ses membres le demande, saisir le représentant de l’État d’une demande de révision du schéma. Elle est réunie à la demande de 20 % de ses membres. Le représentant de l’État se prononce dans un délai de deux mois sur la demande de révision du schéma. S’il en accepte le principe, il présente dans un délai de trois mois un projet de schéma (…).

Étant donnée la complexité de la procédure, on peut supposer que les révisions des schémas ne seront pas courantes. Cela va bien dans le sens des demandes des élus locaux d’une stabilité de la carte intercommunale.

Dans le même ordre d’idées, l’article 25 assouplit le retrait des communes des communautés d’agglomération avec la même procédure que pour les communautés de communes. Dans la procédure de retrait-adhésion, une commune peut se retirer d’une communauté d’agglomération ou de communes à partir du moment où l’établissement d’accueil accepte son adhésion. Il n’est donc plus nécessaire d’obtenir l’accord de la communauté de « départ ». Néanmoins, pour la communauté urbaine Grand Paris Seine & Oise, seule du genre en Île-de-France, ses communes n’ont toujours pas de possibilité de retrait.

… en attendant la suite

L’essentiel se jouera dans la future loi « décentralisation, différenciation et déconcentration », dite « 3D », qui devrait permettre une organisation institutionnelle ad hoc pour l’Île-de-France et apporter, notamment, une réponse à l’épineux problème du Grand Paris.

Les choix faits pour la MGP pourront, dans certains scénarios, avoir des répercussions en grande couronne. A minima, une réponse devra être apportée au financement des EPT à partir de 2021 et à la perte programmée de leur quote-part de cotisation foncière des entreprises.

Peut-on vraiment imaginer une remise en cause unilatérale par l’État de la carte intercommunale et des prérogatives d’intercommunalités qui auront reçu leur légitimité du suffrage universel au printemps ? Suite au prochain numéro…

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