SRCI : comment le débat s’est-il structuré ?

Chronique de l'interco n° 5

03 juin 2015ContactAgnès Parnaix et Isabelle Zugetta

Alors que le schéma régional de coopération intercommunale (SRCI) a été officialisé par arrêté préfectoral le 4 mars dernier, il est intéressant de revenir sur les circonstances ayant conduit à son évolution depuis le 28 août 2014, date de sa présentation initiale devant la commission régionale de coopération intercommunale (CRCI). Cette chronique fait le point sur les avis rendus par les communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et sur les conditions de travail de la CRCI.

Un fort taux de participation sur les secteurs concernés...

Le premier temps fort de cette période de débats sur le projet de schéma fût la consultation des collectivités. Le préfet a opté pour une concertation large en l’adressant pour avis à l’ensemble des 1 251 communes et intercommunalités des départements de la grande couronne, dont seulement le tiers était pourtant concerné par un projet de nouvel EPCI. Les destinataires disposaient de trois mois pour se prononcer. Selon les informations communiquées lors de la CRCI du 11 décembre 2014, le taux de retour est significatif (44 %) pour les secteurs non concernés, dont la consultation n’était cependant pas obligatoire. L’abstention n’était d’ailleurs pas sans conséquences : sur le plan juridique, elle est assimilée à une acceptation des propositions émises par l’État puisque tout avis non transmis dans les délais requis est réputé favorable. La mobilisation des communes et EPCI directement concernés a encore été deux fois plus forte (92 %) !

…et des avis majoritairement défavorables

Sur les secteurs dont le périmètre est soumis à l’obligation d’atteindre le seuil de 200 000 habitants en 2016, les avis communiqués ont été défavorables à 74 % et favorables à 20 %. Les autres délibérations correspondaient à des avis réservés (2 %) ou sans orientation précise (4 %). On remarquera que ces chiffres sont calculés sans pondérer les prises de position, ni en fonction de la taille démographique ni de la catégorie juridique (communes ou EPCI). De plus, ce jugement sans appel mérite d’être nuancé. D’abord, parce qu’aux termes de la loi, les avis devaient porter sur l’ensemble du projet de SRCI et non sur les projets d’EPCI pris individuellement ; la confusion a sans doute été fréquente dans les délibérations locales.
Par ailleurs, le rejet des propositions, accompagné d’une très forte mobilisation, a été massif dans certains secteurs : le Nord Essonne, Versailles – Saint-Quentin – Massy - Saclay (avis défavorables à 94 %), Centre - Essonne - Sénart (82 %), Boucle de la Seine et Marne-la-Vallée Nord (77 %), etc. De nombreux élus ont souligné la « démesure » des projets, la faible visibilité en matière de finances, de compétences, de gouvernance, etc. Certains sont même revenus sur le risque de « rupture » avec la petite couronne, lié à la création de la métropole du Grand Paris. Si la plupart des projets de « grande taille » a rencontré une forte opposition locale, les avis ont été moins tranchés pour certains d’entre eux (Grand Roissy, Seine Aval).
En revanche, les secteurs de Cergy-Pontoise, de la Vallée de Montmorency et de Melun, dont la taille démographique est proche ou inférieure au seuil légal, étaient favorables ou réputés favorables à la proposition, même si d’autres projets comportant un nombre d’habitants analogue ou inférieur ont été fortement repoussés (Marne-la-Vallée Sud, Vallée du Sausseron) ou controversés (Parisis, Vallée de l’Oise et des Trois Forêt). In fine, la taille démographique des projets n’est pas un critère qui influence systématiquement l’avis des collectivités concernées.

La CRCI : des débats à l’échelle régionale orchestrés par l’État

Pour faire suite à la phase de consultation, la loi offre la possibilité aux élus réunis dans le cadre de la CRCI de modifier, par le biais d’amendements, le projet de SRCI. Le préfet de région a décidé de soumettre ses propres propositions de modifications à l’approbation de la CRCI, alors que la loi ne prévoit pas explicitement cette procédure. Les adaptations du schéma sont donc intégralement issues des débats collectifs, sanctionnés par des votes formels en commission. Cette nouveauté illustre la volonté de l’Etat d’organiser lui-même la discussion, à la fois avec fermeté et dans la transparence. De plus, toute proposition d’amendement, après validation des préfets des départements consultés en cas de demande de dérogation au seuil des 200 000 habitants, est soumise à une double ou triple majorité des deux tiers des membres de la CRCI (département(s) concerné(s) puis ensemble de la CRCI). Les propositions doivent également veiller au respect de l’équilibre des périmètres voisins. C’est pourquoi, les membres de la CRCI, conscients de ces « challenges démocratiques », ont dans plusieurs cas appelé leurs homologues à soutenir des amendements qui n’affectaient pourtant pas leur département. Autant de gageures pour l’évolution du projet de schéma. Autant de manifestations d’un débat de niveau local intégrant les enjeux communs à l’échelle régionale.

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