Bastien Vernier, fabmanager de LabBoîte

11 avril 2019ContactCarine Camors

Bastien Vernier, vous faites partie de ces pionniers fondateurs de fablab. Quand et comment a commencé l’aventure de LabBoîte ?

Géographe-urbaniste de formation, c’est après un master en design urbain à l’IAUR d’Aix-en-Provence et un stage au département du Val-d’Oise sur la mission « ville campus et enseignement supérieur à l’ouest du Grand Paris » que  j'ai opté pour le statut d’autoentrepreneur. En 2015, j’ai travaillé pour l’association de maîtrise d’ouvrage urbaine « Les Ateliers de Cergy »  en tant qu’assistant pilote sur la ville de la connaissance et de l’innovation. J’ai accompagné, par la suite, le projet de campus international pour la communuauté d'universités et établissements (Comue) université Paris-Seine avec l’équipe Devillers et piloté le projet de fablab. L’idée était de co-concevoir ce futur lieu avec les acteurs institutionnels mais aussi avec les collectivités locales. À l’issue d’un workshop et de multiples échanges formels et informels, la présidente de la Comue et les responsables des services de l’agglomération et du département m’ont confié la gestion du projet de tiers lieu LabBoîte. Dans le même temps, j’ai obtenu le diplôme universitaire de « métier facilitateur » au FacLab de l’université de Cergy-Pontoise.

Qui a impulsé le projet de « LabBoîte » ?

C’est suite à l’appel à projets européen « tiers lieux et innovation » (Feder) que le service de développement économique de la communauté d'agglomération de Cergy-Pontoise (CACP) s’est rapproché de la Comue université Paris-Seine et le département du Val-d’Oise. LabBoîte s’inscrit dans une double dynamique de projet « Cergy Grand Centre cœur d’agglo » et de campus international. Ce sont deux projets d’envergure, qui tendent à redynamiser la centralité dans le Grand Paris et à renouveler l’ex-ville nouvelle. Ils reposent sur une requalification des espaces publics et la dotation en nouveaux équipements, la création de logements et la reconfiguration des établissements d’enseignement supérieur (extension de l’Essec, relocalisation de l'Ensapc, nouveaux sites pour l'ITESCIA et l’EISTI…). À l’horizon 2025, la population résidente du quartier devrait doubler et la population étudiante, aujourd’hui estimée à près de 30 000 étudiants, devrait progresser fortement.

Pouvez-vous nous décrire la façon dont le projet a émergé ?

Amorcé en 2016, le projet consistait à réaménager l’ancienne banque en tiers lieu avec une dominante fablab. Une visite des locaux en l’état a été organisée afin qu'un panel de 30 à 50 personnes puissent se rendre compte des potentiels et des volumes. S’en est suivie une table ronde à l’école d’Art à proximité du site pour savoir comment ces personnes aménageraient le lieu, pour quoi faire et pour qui, identifier des tiers usages… 
La seconde étape s’est déroulée dans le quartier de l'Axe Majeur Horloge pour une démarche créative et participative afin de prendre du recul par rapport au campus et questionner par l’usage d’autres lieux déjà existants. Répartis en trois groupes pluridisciplinaires, nous nous sommes penchés sur les résultats de la première séance puis interrogés collectivement sur les cibles et utilisateurs potentiels du lieu. À l'issue d'un premier brainstorming, j’ai fourni les plans des différents niveaux du bâtiment dans le but de traduire spatialement les premières pistes de réflexion. Trois scénarios d’aménagement sont ressortis, par la suite, confrontés aux normes de sécurité et d’accessibilité.
Le dernier atelier s’est déroulé à la médiathèque « visages du monde », équipement inauguré en 2013. Après avoir repris le processus de création collective, l’objectif a été de définir l’identité du lieu (valeurs, formes, récit, noms…) essentielle à l’affirmation et l’ancrage du projet.
L’ensemble des résultats de cette démarche expérimentale, dite « workshop de co-design », est documentée sur le lien ci-après >> CLIQUEZ-ICI <<
Les travaux ont débuté en novembre 2016 pour une livraison et inauguration en avril 2017. Aujourd’hui, 40 % du bâtiment est occupé par le fablab et 60 % aux autres usages (coworking, créativité, convivialité…). Le bâtiment appartient à la CACP mais reste géré par la Comue université Paris-Seine et l’animation et la gestion du lieu tendent à préserver l'esprit collaboratif dans l’évolution et la transformation des espaces et des missions du lieu.

Après deux ans d’activité, quels enseignements pouvez-vous dresser ?

Nous sommes partis d’une page blanche où tout était à faire, penser, imaginer, créer et en cela c’était très excitant. 
Aujourd’hui, après deux ans, LabBoîte parvient à s’inscrire dans l’écosystème local. La constitution et l’animation d’une communauté, aussi hétéroclite qu’elle soit, est un métier de tous les jours. Ce sont près d’une quarantaine de structures locales et/ou associatives qui participent à la vie du lieu (et ce sans compter les structures académiques qui l'utilisent) et contribuent à le faire rayonner auprès de publics divers et pas forcément avertis. 
Le fablab a su trouver son public avec une progression du nombre d'inscrits de 15 % en 2018-2019 par rapport à 2017-2018. Curieux et néophytes représentent la première cible, suivent les étudiants, les entrepreneurs, les designers, les artistes et autres techniciens (ingénieur, informatique, électronique…). Riche de ces deux années d’expérience et d’observations, le lieu tend à s’affirmer comme un équipement, une structure de proximité (75 % des utilisateurs habitent dans un rayon de moins de 15 km). 
Au regard de cette communauté en constitution, de grandes thématiques sont identifiées et accompagnent la stratégie de développement du lieu, à savoir : 
Les missions centrales :

  • FabLab : vulgarisation numérique et démarche de conception, partage de compétences, prototypage.
  • StartingLab : accompagnement des porteurs de projets dans leur cheminement entrepreneurial, mise en place de dispositifs, d’ateliers, animations, événements, etc.
  • CampusLab : lieu hors les murs pour enseigner, apprendre, partager, proposer, imaginer de nouveaux outils/supports pédagogiques, atelier avec les collégiens, penser université ouverte.

Les missions connexes (pour toucher un public plus large) : 

  • GreenLab : sensibilisation à l’environnement et démarche de développement durable, lowtech, recyclage, ateliers, agriculture urbaine, etc.
  • UrbanLab : action avec des structures locales pour l’animation urbaine via la vie associative, culturelle et artistique, support aux projets urbains ou de requalification du quartier.
  • PlayLab : une dimension jeu (plateau, gaming…) intéressante pour capter un public très large.

Avant de penser innovation à travers des outils « technologiques » « à la pointe », il faut d’abord créer les conditions pour innover. Et cette innovation est avant tout sociale, l’important est de créer des prétextes pour que les publics côtoient des outils ou méthodes qu’ils n’auraient jamais découverts si la communication avait été orientée uniquement « geek ». L'étape suivante consiste en un grand travail d’animation, de vulgarisation ! 

Monographie

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