Davantage d’emplois dans les fonctions métropolitaines que dans les présentielles en Île-de-France

Les Franciliens - Territoires et modes de vie   Sommaire

20 mai 2021ContactPascale Leroi

L’analyse de l’emploi francilien, à travers ses fonctions et catégories professionnelles, permet d’en apprécier les polarités et spécificités territoriales. Les fonctions métropolitaines (voir graphique ci-dessous), qui tirent de plus en plus l’économie régionale, tendent à se concentrer sur quelques intercommunalités du Grand Paris. Le développement de la plupart d’entre elles repose sur des fonctions présentielles, dont la croissance se ralentit. La grande couronne pâtit davantage des pertes d’emplois dans les fonctions transversales et productives.

Spécifiques de l’économie francilienne, occupées pour plus de la moitié par des cadres, les fonctions métropolitaines ne cessent de voir leurs effectifs croître depuis 1990. Les fonctions présentielles, tout aussi importantes en effectifs, mais moins caractéristiques de l’économie régionale et plus diversifiées dans leurs qualifications, se développent également. À elles deux, ces fonctions représentent près de huit emplois franciliens sur dix en 2016. Les autres emplois relèvent des fonctions productives ou transversales, dont les effectifs diminuent entre 1990 et 2016. Sur la période plus récente (2006-2016), marquée par la crise de 2008, les emplois métropolitains maintiennent leur croissance, mais celle des emplois présentiels se ralentit, et le nombre d’emplois productifs et transversaux diminue. 

Chiffres clés

2,2 millions

Nombre d’emplois dans les fonctions métropolitaines en Île-de-France

39 %

Part des emplois franciliens relevant des fonctions métropolitaines

49 %

Part des emplois métropolitains localisés à Paris et Paris Ouest La Défense

Fonctions métropolitaines : concentrées sur peu de territoires

Les fonctions métropolitaines rassemblent les métiers de conception-recherche, de prestations intellectuelles, de commerce inter-entreprises, de gestion et de culture-loisirs. Spécifiques des économies des grandes métropoles, elles totalisent 2,2 millions d’emplois, soit 39 % des emplois de l’Île-de-France en 2016, contre 37 % en 1990. De 1990 à 2006, l’ensemble des emplois a augmenté de 0,9 % en moyenne par an, un résultat supérieur à la moyenne des emplois franciliens (+0,5 % par an). Entre 2006 et 2016, leur rythme de croissance s’est légèrement ralenti (+0,8 %), mais demeure performant par rapport à celui des autres fonctions (cf. tableau en bas d'article). 
Les fonctions métropolitaines emploient une proportion importante de cadres : 55 % en moyenne, jusqu’à 88 % dans la conception-recherche. Ces « cadres des fonctions métropolitaines » occupent 1,2 million d’emplois, considérés comme stratégiques pour l’économie. Ils sont surreprésentés en Île-de-France, qui concentre 43 % de ces effectifs en France.

Les prestations intellectuelles ont le vent en poupe

La fonction Prestations intellectuelles est la plus dynamique de toutes avec un taux annuel de croissance de 4,7 % en moyenne entre 1990 et 2016. Elle rassemble des professions du conseil et de l’analyse : avocats, architectes, juristes, interprètes, chefs de projets informatiques, principalement. Ces 211 700 emplois supplémentaires depuis 1990 représentent 34 % du solde net d’emplois franciliens sur la période. 

Sur la même période, la fonction Culture-Loisirs (journalistes, auteurs, cadres et ouvriers du spectacle, moniteurs, etc.) gagne 104 650 emplois, soit une croissance de 3 % en moyenne par an. La fonction Conception-Recherche (chercheurs, ingénieurs, techniciens) augmente de 0,9 %, un rythme peu élevé par rapport aux deux fonctions précédentes et qui ralentit entre 2006 et 2016. La fonction Commerce inter-entreprises (grossistes, vendeurs en gros, acheteurs, cadres commerciaux) se développe plus faiblement que la moyenne des emplois en Île-de-France. Enfin, la fonction Gestion (chefs d’entreprise, cadres de la finance, de la documentation, de la comptabilité, agents d’accueil, standardistes, secrétaires, employés des services administratifs, de la banque, des assurances, etc.) reste quasiment stable. 

Des emplois implantés majoritairement à l’ouest

Si les fonctions métropolitaines sont emblématiques de l’économie francilienne, elles sont concentrées sur un petit nombre de territoires. Ainsi, Paris et Paris Ouest La Défense concentrent près de la moitié de ces emplois franciliens (respectivement 36 % et 13 %). Ces fonctions sont spécifiques de cinq intercommunalités où elles occupent une part des emplois significativement supérieure à la moyenne régionale : majoritaires à Paris Ouest La Défense (60 % de l’emploi) et Grand Paris Seine Ouest (58 %), elles sont aussi très présentes à Saint-Quentin-en-Yvelines, Paris, et Vallée Sud-Grand Paris (entre 48 % et 44 %).

Dans les territoires fortement orientés sur les fonctions métropolitaines, les autres fonctions sont généralement sous-représentées. Cependant, la part des fonctions présentielles est un peu supérieure à la moyenne régionale à Paris, et celle des fonctions transversales et productives est supérieure à la moyenne régionale à Paris-Saclay et dans la Boucle Nord de Seine. 

L’Île-de-France compte 63 intercommunalités en 2020, dont 11 dans la métropole du Grand Paris. 
Pour en savoir plus : Carte interactive : Portrait et compétences des intercommunalités d'Île-de-France 

Entre 2006 et 2016, la croissance se concentre

Entre 1990 et 2006, la plupart des territoires franciliens ont bénéficié du développement des fonctions métropolitaines, mais la donne a changé depuis. En effet, entre 2006 et 2016, « seulement » la moitié des intercommunalités enregistre un gain d’emplois métropolitains et 94 % de ces nouveaux emplois se sont concentrés dans neuf intercommunalités situées dans la métropole du Grand Paris. Les croissances les plus élevées sont celles de Plaine Commune et Boucle Nord de Seine (respectivement +3,4 % et +2,1 % par an en moyenne). Les diminutions les plus importantes en effectifs sont celles de Paris Vallée de la Marne, Versailles Grand Parc, Grand Paris Grand Est, Roissy Pays de France et Cergy-Pontoise (entre 1 000 et 4 000 emplois en moins). 
Si Paris affiche une croissance de 37 900 emplois métropolitains sur la période, sa part relative en Île-de-France chute de 43 % en 1990 à 36 % en 2016. À l’inverse, Grand Paris Seine Ouest (+2 points), Paris Ouest La Défense, Plaine Commune et Saint-Quentin-en-Yvelines (+1 point) se renforcent avec des gains situés entre 23 600 et 67 700 emplois. 
 

Fonctions présentielles : une croissance ralentie entre 2006 et 2016

Les fonctions présentielles rassemblent des professions dédiées aux besoins des habitants et des entreprises locales : services de proximité, administration publique, santé-action sociale, distribution. Elles occupent 38 % des emplois de l’Île-de-France en 2016, davantage qu’en 1990 (32 %). 
Entre 1990 et 2016, la part de l’emploi présentiel progresse dans les effectifs de Grand Paris Seine Ouest (+2 points), Paris Ouest La Défense et Plaine Commune (+1 point). Dans la capitale, elle diminue de 6 points du fait d’une croissance des emplois présentiels  (+81 400 emplois) inférieure à la moyenne régionale (respectivement +0,5 % et +1,3 % par an).
Le développement des emplois présentiels depuis 1990 dépasse en volume celui des emplois « métropolitains » dans la quasi-totalité des intercommunalités (59 sur 63), y compris à Paris. Il est aussi plus diffus : 95 % des gains d’emplois se sont répartis entre 35 intercommunalités pour les fonctions présentielles, et 20 pour les fonctions métropolitaines. 

Santé-Action sociale et services de proximité sont les plus dynamiques

Toutes les fonctions présentielles augmentent entre 1990 et 2016. En tête, la fonction Santé-Action sociale (professions de la santé et de l’accompagnement social) progresse de 170 300 emplois, soit une croissance globale de +58 %. Les Services de proximité (artisans, coiffeurs, esthéticiens, blanchisseurs, employés de maison, clergé, etc.) suivent avec 164 400 emplois supplémentaires, soit une croissance de +40 %. Les effectifs de la fonction Administration publique augmentent de 25 %, ceux de l’Éducation-Formation de 31 %, et de la Distribution de 13 %. 

Après une progression marquée entre 1990 et 2006 (+1,7 % en moyenne par an), la croissance des fonctions présentielles s’est considérablement ralentie entre 2006 et 2016 (+0,5 %), devenant inférieure à celle des fonctions métropolitaines. Pour toutes ces fonctions présentielles, le taux annuel d’évolution décroît fortement entre 2006 et 2016, par rapport à 1990-2006. La fonction Santé-Action sociale résiste mieux. Les effectifs de l’Éducation-Formation ne progressent plus et ceux de la Distribution reculent. 

Des fonctions assez bien réparties sur le territoire régional

Les fonctions présentielles sont moins polarisées que les fonctions métropolitaines. Leur part dans l’emploi des intercommunalités s’échelonne de 26 % à 54 % en 2016, sans logique spatiale évidente, sauf à constater une plus grande proportion dans les intercommunalités de grande couronne. Ainsi, Val d’Yerres Val de Seine, Plaine Vallée, Trois Forêts, et Provinois comptent plus de 50 % d’emplois dans les fonctions présentielles. Dans la métropole, six intercommunalités affichent une part supérieure à la moyenne régionale, dont Grand Paris Sud Est Avenir (49 %), Grand Paris Grand Est (48 %) et Paris Est Marne & Bois (43 %). 
Sur la période récente, les croissances ont été plus concentrées puisque la quasi-totalité (95 %) des gains « présentiels » se sont partagés entre 26 territoires (35 sur la période antérieure). Il en va de même pour les fonctions métropolitaines (14 intercommunalités contre 20 précédemment). Entre 2006 et 2016, le taux de croissance annuel des emplois présentiels est supérieur à 2 % dans cinq intercommunalités : Val d’Europe Agglomération, Marne et Gondoire, Haut Val-d’Oise, Entre Juine et Renarde, et Sausseron-Impressionnistes. 

Les fonctions productives et transversales en recul

En 2016, les fonctions transversales comptent 733 700 emplois et les fonctions productives 555 400, soit 13 % et 10 % de l’emploi francilien. Ces activités, qui pour beaucoup demandent des surfaces immobilières importantes, sont fragilisées par la pression foncière et par des délocalisations hors de l’Île-de-France. 

Un recul des fonctions productives moins marqué depuis dix ans

Les fonctions productives regroupent la fabrication, le bâtiment et l’agriculture. Elles ont perdu plus de 231 000 emplois entre 1990 et 2016 soit -29 % des effectifs initiaux. Entre 2006-2016, la décroissance est atténuée par rapport au début de période, passant de -1,4 % par an entre 1990 et 2006 à -0,8 % entre 2006 et 2016. 
La Fabrication est la fonction la plus affectée : -168 000 emplois entre 1990 et 2016, soit une baisse de -36 %. Elle se compose d’artisans, d’ingénieurs, de nombreuses professions d’ouvriers dans la chimie, le bois, les métaux, la biologie, le papier, le carton. Sa décroissance est presque aussi importante, en volume, que la hausse des prestations intellectuelles. Le Bâtiment (emplois dans les chantiers) recule légèrement. L’Agriculture perd aussi des effectifs . Seules trois intercommunalités ont connu une augmentation significative des fonctions productives : Saint-Quentin-en-Yvelines, Val d’Europe Agglomération, Marne et Gondoire.

Les fonctions transversales perdent des emplois 

Vitales pour l’économie, les fonctions transversales assurent la gestion des flux, la distribution de la production vers les lieux de consommation. Elles sont sensibles à la conjoncture économique et au niveau de la production. Entre 1990 et 2016, l’emploi dans ces fonctions a diminué de 13 %. Sur la période récente 2006-2016, le recul est moindre : -0,3 % en moyenne par an au lieu de -0,6 % par an entre 1990 et 2006. 
La fonction Transport-Logistique rassemble des métiers de la manutention, des conducteurs, des ouvriers du tri et de l’emballage, des déménageurs et des métiers de la Poste. Elle perd près de 59 800 emplois entre 1990 et 2016, soit 12 % des effectifs. Ce recul peut surprendre car les activités d’entreposage et de manutention sont très dynamiques, boostées par le développement du e-commerce. Cependant, cette fonction comprend aussi des emplois dans des activités postales, de courrier ainsi que de transport ferroviaire (fret et voyageur), lesquelles perdent continûment des emplois depuis plus de quinze ans.
La fonction Entretien-Réparation comprend des mécaniciens, des techniciens d’installation, des éboueurs, des ouvriers non qualifiés de l’entretien, des déchets. Elle diminue de 50 000 emplois sur la période, soit une baisse de 14 % des effectifs.

Une spécificité de la grande couronne

Si elles représentent « seulement » 10 % de l’emploi au niveau régional, les fonctions productives sont spécifiques de plusieurs territoires de grande couronne. Ainsi, dans onze d’entre eux, leur part est deux fois supérieure à la moyenne régionale. Elle dépasse 25 % dans les intercommunalités des 2 Morin, Haute Vallée de Chevreuse, Plaines & Monts de France, Vexin Centre. Dans la vallée de la Seine, le territoire industriel de Grand Paris Seine & Oise compte 17 % d’emplois productifs pour un effectif notable de 126 430 emplois en 2016. Pour autant, 60 % des emplois des fonctions productives sont localisés dans la Métropole, un poids important même si celui-ci recule : il était de 63 % en 1990. La part de Paris en revanche est stable (22,2 % en 1990, 22,6 % en 2016).
La part des fonctions transversales est au moins deux fois supérieure à celle de la moyenne régionale dans quatre intercommunalités : Roissy Pays de France (37 %) et Haut Val-d’Oise dans le Val-d’Oise ; Plaines & Monts de France et Val Briard en Seine-et-Marne. Ces intercommunalités comptent plus du quart de leurs emplois dans ces fonctions. La carte montre clairement le rôle logistique de la place aéroportuaire de Paris CDG. Dans la Métropole, Paris Terres d’Envol est également remarquable pour la part occupée par ces catégories d’emplois (23 %). Dans la quasi-totalité des intercommunalités, notamment de grande couronne, les emplois des fonctions transversales ont un poids supérieur à celui de la moyenne régionale.

Ce panorama atteste de spécificités territoriales marquées, tant pour les fonctions métropolitaines que transversales. Il montre un développement basé à la fois sur des ressorts métropolitains, qui bénéficient à quelques intercommunalités centrales, et locaux, avec une progression des emplois présentiels mieux équilibrée au sein de la région. Si les fonctions métropolitaines ont poursuivi leur développement entre 2006 et 2016 dans un contexte peu porteur, la crise sanitaire actuelle qui réaffirme l’importance de la proximité géographique pose un nouveau cadre pour les années à venir, et pourrait conduire à modifier l’équilibre actuel entre les fonctions. 

Pascale Leroi

Urbaniste de formation, Pascale est chargée d'études au sein du département Économie de L’Institut Paris Region. Elle privilégie les thématiques transversales impliquant l’économie. Ses travaux récents portent sur la pop-up économie, la convivialité des espaces publics, les travailleurs « essentiels », la neutralité carbone des entreprises. Elle aborde souvent des thématiques sur l’emploi et est régulièrement associée à des travaux généraux sur l’économie francilienne (Scot métropolitain, SRDEII).  

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