Territorialisation du ZAN

Quatre études de cas en Essonne : Paris-Saclay, Val d'Essonne, L’Etampois Sud Essonne, le Bassin Versant de la Juine

04 décembre 2023ContactAbel Gaugry, Jean Bénet

La territorialisation du zéro artificialisation nette (ZAN) vise à accompagner les territoires dans la réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers. C’est-à-dire à limiter le recul de ces espaces au profit de l’urbanisation pour s’engager dans une trajectoire ZAN.

Cette territorialisation repose sur une méthodologie contextualisée en trois temps qui permet d’évaluer de manière quantitative et qualitative les marges de manœuvre dont disposent les territoires en matière de sobriété foncière. De la compréhension des dynamiques territoriales émane un « portrait de territoire » qui pose le cadre de la séquence environnementale « éviter, réduire, compenser » (ERC) renseignée par une trentaine d’indicateurs. Le déroulé méthodologique permet ainsi d’identifier différents leviers et freins pour éviter, réduire, compenser l’artificialisation et ses impacts. Éprouvée et affinée au cours des dernières années sur différents types de territoire dans le cadre de notre programme partenarial la territorialisation du ZAN donne à voir une multitude de moyens d’action adaptés aux contextes environnementaux et urbains locaux permettant aux territoires de définir une stratégie de sobriété foncière ambitieuse. Les travaux réalisés pour l’EPI 78-92 sur l’Ouest francilien et pour le département de Seine-et-Marne ont permis d’étudier des situations urbaines variées entre zone dense de l’agglomération parisienne, contact à l'agglomération centrale, vallée fluviale, polarités de grande couronne et communes rurales… Le partenariat avec le département de l’Essonne a offert l’occasion d’approfondir encore l’appréhension collective des enjeux et de les partager avec l’ensemble des acteurs de l’aménagement du territoire grâce au travaux effectués sur quatre territoires tests : la Communauté d'agglomération Paris Saclay, la communauté de communes du Val d’Essonne, la communauté d'agglomération de l’Etampois Sud Essonne et le Bassin Versant de la Juine.

Comprendre le territoire, poser le cadre d’analyse

Sur le plan de la méthodologie, les outils de L’Institut Paris Region permettent d’accéder à une compréhension fine des territoires. En particulier, le mode d’occupation du sol (MOS), inventaire numérique de l’occupation du sol de l’Île-de-France, est le socle de la démarche. La première phase de travail, appelée portrait de territoire, pose le contexte d’étude. Celui-ci renseigne à la fois l’occupation des sols (MOS, densité humaine) mais caractérise aussi l’évolution de l’occupation de l’espace et tente de saisir les grandes dynamiques à l’œuvre en matière d’évolution des tissus : croissance des espaces urbanisés, consommation d’espace, renouvellement urbain. Il s’agit de caractériser l’efficacité du modèle de développement urbain sur le plan économique comme résidentiel en croisant les données socio-économiques avec les consommations d’espace affectées à l’habitat ou l’activité.

 

Interroger le modèle de développement et mobiliser l’existant : éviter l’artificialisation

Si le portrait de territoire pose donc le contexte, les leviers d’action sont analysés au sein de la séquence « ERC ». Premier temps de cette séquence, l’évitement doit toujours primer sur la suite puisqu’il permet de réinterroger en profondeur le modèle de développement du territoire, de travailler sur ses besoins réels. Ce temps engage à optimiser les surfaces existantes en les remobilisant autant que possible. L’évitement s’attache ainsi à la nature de la consommation d’espace en elle-même, ce qui la motive et l’alimente. Il s’agit alors de mettre en regard la construction de logements et les besoins du territoire, de remobiliser les espaces vacants ou sous-utilisés, de multiplier les usages d’un même espace…

 

Optimiser l’usage de l’espace : réduire l’artificialisation et ses impacts

Deuxième temps de la méthode « ERC », la question de la réduction de l’artificialisation et de ses impacts n’intervient que lorsque tous les leviers visant à éviter d’artificialiser ont été activés. Dans la continuité de l’optimisation des surfaces existantes, il s’agira d’abord de densifier les espaces urbanisés en les faisant évoluer de manière réfléchie. D’une part, cette optimisation repose sur une densification douce des tissus d’habitat, c’est-à-dire un accroissement de leur capacité d’accueil sans modification drastique de la forme urbaine. La densification à la parcelle, le comblement de dents creuses ou la division parcellaire constituent des premières options. Cette densification peut s’appuyer, d’autre part, sur la mutation de tissus tirant profit de facteurs dits dynamisants (transports en commun, centralité, boulevards urbains, zones de TVA réduite…), autant d’atouts qui peuvent être insuffisamment valorisés. Cette transformation des tissus ne peut néanmoins se faire aveuglément. Elle se doit d’intégrer les vulnérabilités urbaines (risque inondation, îlot de chaleur, carence en espaces verts…) afin de les réparer ou, à minima, de ne pas les amplifier. Différents indicateurs permettent alors de s’intéresser à la préservation du cadre de vie des habitants, notamment par la protection des espaces ouverts urbains les plus précieux. Ceux-ci remplissent un certain nombre de fonctionnalités et jouent un rôle majeur dans l’adaptation des espaces urbains aux effets du dérèglement climatique. Enfin, la réduction de l’impact de l’artificialisation passe évidemment par des extensions moins gourmandes en espaces naturels, agricoles et forestiers avec des formes urbaines plus compactes qui ne consomment pas les ENAF les plus précieux. Cet évitement géographique préserve les fonctionnalités (biologiques, hydriques, climatiques, agricoles) des espaces naturels agricoles et forestiers autant que faire se peut.

 

Gérer les effets résiduels : compenser les impacts de l’artificialisation ?

Enfin, en dernier recours, il est possible d’activer le levier de la compensation pour contrebalancer les impacts résiduels que l’évitement et la réduction n’auront pu empêcher. Le recours à la compensation de la consommation d’espace ou de l’artificialisation, préalablement renvoyé après 2031 par la loi, est désormais possible dès aujourd’hui. Celle-ci n’est pas à confondre avec la compensation écologique à proprement parler. Le recours à la compensation de l’artificialisation soulève encore de nombreuses questions, tant méthodologiques, qu’écologiques. L’évaluation des projets de compensation à l’heure actuelle met plutôt en avant leur faible effectivité pour retrouver une équivalence entre ce qui a été dégradé et ce qui a été renaturé. Cette renaturation à valeur de « compensation » n'est donc abordée ici qu’en termes de mesure des dynamiques à l’œuvre et d’évaluation des potentiels. En effet, les dynamiques de renaturation repérées à l’aide du mode d’occupation des sols sont modestes au regard de la consommation d’espace. Cette observation est valable pour tous les territoires étudiés : ceux-ci consomment de 5 à 19 fois plus de surfaces qu’ils n’en renaturent en fonction des cas d’étude. Si la renaturation constitue une véritable capacité d’amélioration des situations urbaines, elle doit être un outil de complément des stratégies de sobriété (évitement, réduction). Sans être en mesure de rétablir pleinement les fonctions perdues, la renaturation permet néanmoins d’améliorer le cadre de vie et de travailler à la réduction des vulnérabilités urbaines. L’augmentation de la présence de pleine terre, la perméabilisation, la réouverture de cours d’eau, la création d’habitat pour la biodiversité sont autant d’améliorations possibles.

 

 

Glossaire

Compensation : la compensation de l’artificialisation ou de la consommation d’espace est à différencier de la compensation écologique au sens du code de l’environnement. La compensation de l’artificialisation renvoie à une équivalence surfacique entre l’artificialisation et la renaturation, et à deux catégories étanches d’espaces artificialisés ou non artificialisés. Elle s’appréhende à l’échelle d’un document d’urbanisme. La compensation écologique consiste quant à elle spécifiquement à empêcher toute perte nette de biodiversité à l’échelle d’un projet ou d’un plan.

ENAF : Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers, définis en opposition aux espaces urbanisés. La consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers par l’urbanisation est la métrique de la sobriété foncière jusqu’en 2031, avant que la notion d’artificialisation des sols, plus fine, ne prenne le dessus à partir de 2031.

ERC : Eviter, Réduire, Compenser, séquence environnementale qui vise, dans l’élaboration d’un projet ou d’un plan, à éviter les atteintes à l’environnement, à réduire les impacts qui n’ont pu être suffisamment évités, et à compenser les effets notables qui n’ont pu être ni évités, ni suffisamment réduits.

Espaces ouverts : Les espaces ouverts sont définis comme les espaces non bâtis et non imperméabilisés. Il s’agit de l’ensemble des espaces naturels, agricoles, forestiers, aquatiques et, en zone urbaine, des jardins de l’habitat, des parcs, des rivières etc. Ces espaces assurent un ensemble de fonctions écologiques, économiques et sociales. Les espaces ouverts urbains sont rattachés aux espaces urbanisés.

MOS : Mode d’Occupation des Sols, inventaire cartographique numérique de l’usage des sols réalisé par interprétation de photographie aérienne tous les 3 à 5 ans depuis 1982. (En savoir +)

ZAN : Zéro Artificialisation Nette, l’objectif qu’à 2050 tout nouvel hectare artificialisé soit compensé par la renaturation d’une surface équivalente.

 

 

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