La fonction de transport de Fret

Les opérations du transport

Les transporteurs pour compte propre sont des industriels ou des commerçants qui, à l'occasion de l'exercice de leur activité principale, exécutent les déplacements de marchandises en se dotant des moyens en personnels et en véhicules adéquats. 
Le transport pour compte d’autrui renvoie à une prestation commerciale de transport pour un tiers. 

Dans ce cas, la chaîne de transport s’organise autour d’un triptyque :

  • l’expéditeur qui remet la marchandise au transporteur ;
  • le transporteur qui opère le transfert ;
  • le destinataire qui réceptionne la marchandise.

Le chargeur est la partie qui conclut le contrat de transport. S’il est le plus souvent celui qui remet la marchandise au transporteur, il peut aussi en être le destinataire.

Dans cette chaîne élémentaire viennent souvent s’intercaler d’autres acteurs:

  • les loueurs de véhicules industriels (avec ou sans chauffeurs) ;
  • les sous-traitants qui effectuent la prestation pour un donneur d’ordres principal ;
  • les auxiliaires de transport, selon deux figures distinctes :
    • le transitaire mandaté par le chargeur d'une marchandise qui doit subir plusieurs transports successifs. Sa mission est d'organiser la liaison entre les différents transporteurs et d'assurer ainsi la continuité du transport (p. ex. agent maritime, déclarant en douane, etc.).
    • le commissionnaire de transport qui choisit librement les transporteurs ou les autres intermédiaires et traite sous sa responsabilité la totalité d’un transport de marchandises.  

LES MODES DE TRANSPORT ET LES INTERFACES MODALES

Les données statistiques distinguent trois modes terrestres : le transport routier, le transport ferroviaire et la voie d’eau, à quoi on peut ajouter le transport par conduite (oléoduc ou gazoduc) et dans un autre registre, les modes aérien et maritime. Ces modes sont en partie substituables et présentent chacun des aires de pertinence selon les distances à parcourir, les délais, les prix de revient, les volumes à transporter et bien sûr, l’existence ou non d’infrastructures.

Pour évaluer l’usage de chaque mode, on en mesure le poids relatif, c’est-à-dire la proportion de tonnes-kilomètres réalisées par chacun d’eux, rapportées à l’ensemble des trafics réalisés.

Les modes, des univers techniques et professionnels

La distinction modale correspond à une division technico-économique effective de l’organisation du champ des transports. Elle est le reflet d’une réalité multidimensionnelle, qui combine divers critères :

  • des réalités techniques variées, mettant en jeu des infrastructures et souvent des modes de propulsion distincts. Les volumes traités et les zones accessibles présentent un éventail très large d’options parfois complémentaires et souvent alternatives ;
  • des fonctions de production contrastées : les délais, les coûts, les volumes et les produits concernés ainsi que la gestion de l’infrastructure et de son accès, structurent de fait différents types d’équilibre de l’offre : les marchés concurrentiels, oligopolistiques ou monopolistiques ;
  • des impératifs de sécurité : chaque mode développe ses métiers et ses compétences selon une division des tâches propre, pour garantir leur exécution précise d’autant que ces métiers sont souvent soumis à des astreintes fortes (travail de nuit, attention soutenue, condition physique éprouvante, éloignement du domicile) ;
  • des réglementations distinctes qui s’accordent aux opérations réalisées, qui reflètent l’histoire technique et sociale des moyens de transport. Au sein de chaque mode, des conventions collectives adaptent des dispositions générales du Code du travail aux situations particulières d'un secteur d'activité ou d'une entreprise ;
  • des impacts environnementaux plus ou moins marqués par rapport aux types de motorisation et à leur efficacité énergétique.

La division modale recouvre aussi des identités professionnelles, qui rendent les passerelles entre modes parfois difficiles. De même au sein même d’un mode, il existe des professions souvent de manière très hiérarchisées (une tâche renvoie à une responsabilité et à une position dans la hiérarchie), représentées par des intérêts et des syndicats différents pouvant aller jusqu’à des rentes de situation.

Il existe sur le marché des opérateurs, les commissionnaires et les transitaires qui sont chargés de trouver pour les chargeurs les solutions de transport optimales en fonction des contraintes spécifiques de leurs combinaisons. Les services trouvent toute leur justification dans lieux et les fonctions d’interface.

Les complémentarités modales et les formes de l’intermodalité

Le recours à différents modes de transport pour le fret conduit à s’interroger sur la facilité avec laquelle le transfert (on parle de rupture de charge) s’effectue, et si ce dernier est organisé ou non, intégrant les dimensions techniques, tarifaires, horaires, etc.

  • La multimodalité renvoie à une succession de modes différents sans accompagnement spécifique.
  • L’intermodalité suppose la coordination des modes successifs afin d’assurer une plus grande efficacité. Elle conduit à la recherche d’une compatibilité technique, organisationnelle, voire commerciale.
  • La comodalité est un néologisme de l’UE désignant, dans le cadre d’offres de transport alternatives dans un corridor de transport, le choix le plus approprié d’un point de vue environnemental. Envisageant le rapport modal dans la complémentarité plus que dans sa concurrence.
  • La synchromodalité est une forme avancée de transport multimodal qui assure une flexibilité et une résilience accrues pour le transport de fret conteneurisé. Le transfert d’un mode à l’autre s’opère dans une certaine neutralité du choix systémique exploité par une intégration étendue des opérateurs modaux.

Les lieux de l’intermodalité sont les lieux de rupture de charge ou la marchandise est transférée d’un mode à un autre (ports, aéroports, gares, terminaux) et où les opérateurs cherchent à minimiser les coûts et les risques liés à cette opération.

L’articulation entre modes peut renvoyer à un terme générique, le transport combiné ou préciser par les termes la nature du transfert suivant la combinaison des modes : ferroutage (fer/route), accompagné ou non si le conducteur du camion suit ou confie son véhicule, merroutage (mer/route), roulage (Ro-Ro « roll-on/roll-off ») : trains et wagons entrent dans les cales d’un ferry, (auto)routes roulantes pour un transfert horizontal d’une semi-remorque sur un wagon plat.

Les UTI (ou unité de transport intermodal) sont des éléments normalisés facilitant la manutention par des dimensions préétablies et dont les principales formes sont le conteneur et la caisse mobile.

Le conteneur est un caisson métallique avec des coins de préhension permettant de l’arrimer et de le déplacer. Destiné au transport maritime, il se distingue de la caisse mobile utilisée pour le transport combiné rail-route. Préhensible uniquement par le bas et non empilable, il offre un meilleur rapport charge utile/poids mort.

LE TRANSPORT ROUTIER DE MARCHANDISES

Le mode routier de marchandises (TRM) se caractérise par une grande flexibilité de l’offre à des prix compétitifs. Il dispose d’un réseau dense d’infrastructures routières permettant une complète irrigation du territoire d’autant plus que bien souvent, aucune solution de substitution n'est envisageable. Le transport peut être réalisé pour compte propre (CP) ou par un tiers, compte d’autrui (CA). Autant d’arguments qui expliquent la position dominante de ce mode pour les flux terrestres de marchandises. Forte pourvoyeuse d’emplois, la profession peine toutefois à recruter.

Le TRM dégage peu d’économies d’échelle aussi est-ce un secteur traditionnellement atomisé et très concurrentiel. L’ouverture du marché européen a encore amplifié cette tendance, conduisant à un partage du marché avec un repli du pavillon national sur les courtes distances et la domination des entreprises des pays d’Europe orientale pour les échanges internationaux et, grâce au cabotage, un poids croissant sur les trajets domestiques.

Pour s’adapter à la demande, le transport routier mobilise différents types de véhicules :

  • les véhicules d'une pièce (camionnettes, camions/porteurs) ;
  • les véhicules articulés (tracteur + semi-remorque) ;
  • les trains routiers articulés (camion + remorque).

Les carrosseries sont adaptées à des activités spécifiques (savoyardes, fourgons, frigorifiques, isothermes, bennes, citernes, plateaux), adaptées au chargement, déchargement et transport de bois en grumes ou autres matériaux (sables, poudres, liquides, déchets de métaux), parfois équipées alors de grues, de compresseurs ou de pompes pour élever les charges. Leur conduite nécessite alors un permis spécifique et une formation adaptée.

L’organisation du TRM se fait par métier (messagerie, lot, logistique), remplaçant le traditionnel positionnement de transporteur « généraliste ». Cette différenciation repose sur des contraintes techniques (spécificité du matériel) et organisationnelles (pouvoir de marché et économie industrielle) distribuées en quatre grandes familles :

  • lot et groupage (transport général) ;
  • transport lot spécialisé ;
  • messagerie ;
  • livraison urbaine /course.

L’organisation du fret ferroviaire

Deux grands types de trafics caractérisent l’offre ferroviaire actuelle :

Le fret conventionnel regroupe les wagons banalisés ou spécialisés selon la nature de la marchandise (wagons couverts, wagons plats, wagons tombereaux, wagons-citernes) à deux essieux ou à bogies, avec des gabarits différenciés et supportant des vitesses de circulation variables. Les wagons appartiennent à l’exploitant (wagons réseau), à des loueurs ou aux chargeurs eux-mêmes. Les marchandises y sont chargées directement et exigent des opérations de manutention à l’envoi et à la réception.

Le transport combiné prend en charge les unités de transport intermodales (UTI), conteneurs et caisses mobiles, ou les véhicules routiers (route roulante), pour lequel l’offre repose sur des navettes, trains indéformables de longueur fixe.

Taille et types de convois ferroviaires

La longueur type d’un convoi ferroviaire est de 740 m en France pour 1 800 tonnes brutes (1 200 tonnes de charge utile). Elle peut être portée à 850 m avec une charge maximale de 2 400 tonnes2.

Les trains hétérogènes regroupent des lots de wagons ou des wagons isolés sur une partie du trajet. La formation de train ou allotissement et symétriquement leur éclatement se font sur des gares de triage. Associées aux transports en amont et en aval, ces opérations impliquent des coûts et des délais importants, qui ont enregistré un fort recul.

Les trains dédiés sont constitués d’envois homogènes de l’expéditeur au destinataire, constitués souvent de marchandises pondéreuses (granulats, céréales, minerais).

Le réseau ferroviaire et sa gestion

Les envois ferroviaires empruntent des infrastructures qui sont pour l’essentiel intégrées au réseau ferré national (RFN) et gérées par SNCF-Réseau. À voie simple ou double, électrifié ou non, ces voies sont susceptibles d’accueilllir des trafics voyageurs, même si pour le réseau capillaire existent des voies sans voyageurs (SV), ainsi que quelques rares itinéraires à priorité fret, dont la Grande Ceinture parisienne. Les opérateurs qui empruntent ces infrastructures s’acquittent de droits de péage et réservent, parfois longtemps à l’avance, des créneaux horaires de circulation (les sillons).

La capacité d’une voie est réduite si le trafic est très hétérogène (avec des trains de voyageurs interurbains très rapides, des trains de fret lents ou des services ayant beaucoup d’arrêts, type TER). La capacité de l’infrastructure ne se limite également pas aux conditions de circulation. Il faut que les installations d’alimentation électrique soient dimensionnées pour supporter le trafic attendu, compte tenu à la fois du nombre de trains à écouler et de la nature de ces trains. Des distances-temps doivent être garantis entre les circulations que le système d’ERTMS (European Rail Traffic Management System) permet de réduire.

Des sites permettent le chargement et le déchargement de wagons ainsi que le transbordement de marchandises de la voie ferrée à un autre mode de transport et vice versa. Ils peuvent être privés, on parle alors d’ITE (installation terminale embranchée) ou publics (gare ou cours de marchandises, selon que les sites sont bâtis ou non). Depuis 2008, les autorités des principaux ports maritimes et fluviaux ont en charge la gestion du réseau ferroviaire de leurs domaines respectifs.

L’offre de transport fluvial de marchandises

Les voies navigables sont constituées des cours d’eaux aménagés et de linéaires artificiels que sont les canaux. Selon leur gabarit3, ils sont en mesure d’accueillir des unités fluviales de tailles différentes et un accès qui peut être ajusté par l’emport déterminant l’enfoncement du bateau.

Dans les ports d’estuaire, se juxtaposent en pratique trois zones principales :

  • en amont, les eaux intérieures (zone purement fluviale) sont limitées par le premier obstacle à la navigation maritime pour les navires qui remontent l’estuaire (limite des affaires maritimes) ; c’est par exemple le pont Jeanne d’Arc pour Rouen ;
  • en aval, la mer, au-delà de ce qu’on appelle la « limite transversale de la mer » ; cette notion est définie de façon plus administrative que technique faute de pouvoir bien caractériser une limite à la mer ;
  • une zone intermédiaire, accessible tant à la navigation maritime qu’à la navigation fluviale, portant selon les textes différentes appellations et dénommée dans le présent rapport « eaux fluvio-maritimes ».

Pour accéder à Port 2000 au Havre par l’estuaire, certaines barges ont été « maritimisées », notamment dotées de moteurs plus puissants pour affronter les courants marins et la houle. Il existe par ailleurs des services fluvio-maritimes avec des navires de petite taille susceptibles de remonter les cours d’eau pour relier des ports intérieurs sans rupture de charge. Sur la Seine, Gennevilliers est le point le plus en amont susceptible d’en accueillir.

Les conditions d’accès sont en principe garanties par le gestionnaire (en France, VNF) selon le rectangle de navigation fixant le tirant d’eau (niveau d’eau), le tirant d’air (hauteur de passage sous les ponts). Il fait l’objet d’un péage proportionnel au tonnage déplacé.

Ces éléments hiérarchisent le réseau par le type de bateaux qui peuvent y circuler (navigation libre ou demande préalable), ainsi que par le niveau de service assuré (heures de fonctionnement des écluses, cassage de glace, disponibilité par rapport aux chômages – interruption des circulations pour entretien des infrastructures). Il s’agit d’un complexe système hydraulique qui dépasse la seule gestion des flux d’unité de transport ou de plaisance.

En France, le monde de la batellerie repose sur une flotte d’environ un millier de bateaux dont la taille moyenne tend à croître à mesure que les trafics se concentrent sur les parties les plus capacitaires du réseau.

On distingue deux grandes familles d’exploitants désormais regroupées au sein d’une fédération professionnelle unique 2EF (Entreprises fluviales de France) :

  • la batellerie artisanale, aux mains d’entreprises familiales avec pour partie des indépendants et pour partie des acteurs structurés en coopératives ;
  • la batellerie industrielle, reposant sur des structures de plus grande taille et ayant recours au salariat avec l’exploitation de plusieurs dizaines d’unités motorisées et de barges. Ils fonctionnent sur des contrats réguliers et grands contrats, au premier desquels l’organisation des services de conteneurs depuis les ports maritimes.

Les contrats de transport s’organisent selon trois grands types de contrat :

  • contrat au voyage (voyage charter) ;
  • contrat à la durée (time charter) ;
  • contrat au tonnage (paiement à la tonne pour un transport pendant une durée fixée).

Les installations portuaires fluviales

Les interfaces que constituent les quais sont privées ou publiques. Ces derniers relèvent alors soit de VNF, de la CNR ou de gestionnaires des grands ports fluviaux (Ports de Strasbourg, Haropa). Dans le cas de ports publics, une partie du domaine est occupée par des entreprises généralement utilisatrices de la voie d’eau. Ces usages privatifs du domaine fluvial sont soumis à autorisation préalable que le concessionnaire a la charge de délivrer par un contrat d’amodiation (4) qui peut prendre plusieurs formes (autorisation d’occupation temporaire, convention d’occupation temporaire). Une partie du domaine public est non constructible (1 et 2) ou dotée d’équipements techniques dédiés (3). Le domaine privé du port (5) relève du cadre général concernant les règles d’extension ou de cession.

1. Ni les loueurs ni les auxiliaires, en tant que tels, n'assurent le déplacement physique de marchandises. Ainsi on peut appartenir à l'une des professions réglementées du transport sans transporter.
2. En 2015, ont été réalisés des essais avec des rames de 1 000 m pour une charge brute de 5 410 tonnes avec trois machines dont deux en tête, circulant à 100 km/h. Pour rappel, dans les années 1980, on exploitait des trains de céréales et carburant de 3 600 t, dans le Nord-Est de la France.
3. Grand gabarit pour des unités de plus de 650 t et petit gabarit en deçà.

liens utiles

Intermodalité

Union internationale pour transport combiné rail/route  

Groupement national des transports combinés 

Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires 

Michel Savy, Le transport de marchandises. Économie du fret, management logistique, politique des transports, Eyrolles, 2006.

Fret routier

Nadine Venturelli, Welter Venturelli, Le transport routier, Le Génie des glaciers, 2023.

Fret ferroviaire

Autorité de régulation des transports, Le marché français du transport ferroviaire en 2022, décembre 2023 

Stratégie nationale pour le développement du fret ferroviaire 

Fret fluvial

Voies navigables de France 

Entreprises fluviales de France