Courts circuits dans le périurbain
Chronique du périurbain francilien n° 3
Pour la première fois depuis de nombreuses années, les distances quotidiennes parcourues dans le périurbain se stabilisent. Avec le temps, les différences de modes de vie entre les habitants du périurbain et les autres s’estompent. De plus en plus nombreux, les natifs maitrisent le territoire, de leur côté les nouveaux arrivants l’apprivoisent, explorent ses ressources, dénichent les bonnes adresses, profitent des activités culturelles et tissent des relations sociales. Le territoire devenu familier, les déplacements quotidiens ou de loisirs tendent à davantage de proximité.
Un des clichés attachés aux périurbains est celui du navetteur épuisé par les trajets quotidiens, pour se rendre à son travail, pour faire ses courses ou pour sortir. Or, à bien y regarder, les différences de pratiques de mobilité des périurbains avec les autres franciliens tendent à s’effacer.
Le périurbain lève le pied
Prenons les temps de parcours : ils sont aujourd’hui quasiment identiques aux autres secteurs d’Île-de-France. Et un quart des habitants du périurbain passe moins de 30 mn à se déplacer au quotidien. Cela peut surprendre, mais le périurbain est aussi le territoire des temps de trajets très courts.
Bien sûr, c’est grâce à la voiture que les habitants parcourent des distances en moyenne deux fois plus longues que dans l’ensemble de l’Île-de-France, en des temps équivalents. Cette mobilité a un coût, et freine les plus fragiles, notamment dans l’accès à l’emploi, comme aux lieux d’études. L’enseignement supérieur est le motif pour lequel les contrastes sont les plus flagrants, avec des distances moyennes de 22 km contre 4 km à Paris. Un fossé qui crée des inégalités parmi les jeunes.
Globalement, et ce depuis 2010, les distances parcourues par les habitants du périurbain se stabilisent, tout comme la part modale de la voiture pour le domicile-travail. La vitesse de déplacement est même en légère baisse. De nouvelles tendances qui traduisent chez les périurbains un besoin de vivre le territoire, de se l’approprier, de profiter de ses qualités, et une volonté de maîtriser les coûts inhérents à leur mobilité en réduisant leur dépendance à l’agglomération.
Terminé les campagnes dortoirs
Parallèlement, les différences de modes de vie tendent également à s’effacer. Les périurbains pratiquent autant de loisirs que les habitants des franges de l’agglomération ou de communes plus denses et sortent aussi souvent le soir. Bref, l’exception en ce domaine, ce n’est plus le périurbain mais Paris qui continue à se distinguer par la plus grande intensité des activités de ses habitants. L’image, souvent véhiculée, de périurbains casaniers, repliés sur leur « chez soi » n’est donc plus ajustée avec la réalité de leurs pratiques quotidiennes.
Les périurbains bougent et se construisent leur propre système de déplacement en picorant, explorant et exploitant les ressources (équipements, structures associatives, espaces ouverts) de leurs territoires de proximité : celui de leur commune, de l’intercommunalité voire d’un territoire plus vaste correspondant à leur « bassin de vie ». Plus ou moins large, ce territoire de mobilité dans le temps « hors travail » se recentre autour du lieu de résidence pour la pratique d’activités de loisirs notamment. Ceci tient à la conjugaison d’un désir d’ancrage des périurbains, (dont la faible mobilité résidentielle est un indicateur) et d’un processus d’apprentissage du territoire : il faut du temps pour maitriser le territoire et apprivoiser les usages d’un mode de vie. La réalité périurbaine devient alors familière et se traduit par une évolution des pratiques, comme par exemple un regain d’appétence pour le commerce de proximité (41 % des achats se font dans les petits commerces) et un lien plus étroit avec les espaces naturels qui participent à l’identité de ces territoires.
Place aux circulations douces ?
Ces pratiques de proximité devraient s’accompagner d’un développement des modes de circulations douces. Un phénomène qui tarde à se développer dans le périurbain faute, en partie, d’aménagements. En réponse aux aspirations des habitants, réconcilier proximité et accessibilité permettrait aux petites polarités des territoires périurbains de s’étoffer. Ces aspirations seront-elles à l’avenir mieux relayées ? De plus en plus d’élus du périurbain semblent prendre en considération ces nouveaux enjeux, en adoptant notamment une réflexion intercommunale en matière de réseaux verts et de cheminements. Et le potentiel, en faveur de la marche et du vélo, existe ! Plus de la moitié des déplacements effectués en voiture ont une portée inférieure à 5 km, et 67 % des ménages possède au moins un vélo, le taux d’équipement le plus élevé d’Île-de-France. L’enjeu : passer d’une pratique de loisir et de week-end à un mode de transport du quotidien.
Pour aller plus loin
Aragau, Berger et alii , Les territoires périurbains, de l’hybridation à l’intensité ? , Rapport Puca, mars 2015
Bouleau, Mettetal, « La mobilité dans le périurbain : désir d’ancrage et nouvelles proximités », Note rapide n° 646, mars 2014
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