Politique de la ville : vers un pilotage stratégique intercommunal
Chronique de l'interco n° 16 (mise à jour 26/04/17)
La loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine de 2014, dite loi Lamy, s’appuie sur la consolidation en cours du fait intercommunal pour promouvoir les objectifs de cohésion sociale et de solidarité territoriale inhérents à la politique de la ville.
D’une mobilisation partielle à une implication plus générale
Les intercommunalités franciliennes sont longtemps restées à l’écart de la politique de la ville mise en place il y a 40 ans afin de revaloriser les zones urbaines en difficulté et de réduire les inégalités entre les territoires (alors même que l’Île-de-France figure en tête des régions concernées). La légitimité revendiquée des maires pour les actions de proximité, les créations tardives d’intercommunalités et leur fréquente spécialisation sociale n’ont pas facilité le passage de relais. Il y a quelques années encore (en 2009), le tiers des communautés d’agglomération (CA) d’Île-de-France n’était pas engagé dans cette compétence pourtant obligatoire. Les autres se bornaient, en majorité, à un rôle d’accompagnement de projets.
Pour autant, certaines intercommunalités se sont appropriées la compétence à la faveur d’actions dans le domaine de l’emploi et de l’insertion bénéficiant à l’ensemble de la population intercommunale. Quelques communautés se sont même investies dans une coproduction, voire un pilotage de la politique de la ville.
Suite à la mise en place de la nouvelle géographie prioritaire en 2014 et à la refonte de la carte intercommunale en 2016, la plupart des quartiers de la politique de la ville (QPV) est inclus dans une intercommunalité compétente en matière de politique de la ville. Le territoire de la métropole du Grand Paris (MGP) comprend à lui seul les 2/3 des habitants de ces quartiers. Tous les projets du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) sont également localisés dans les QPV.
Les intercommunalités : un rôle d’ensemblier conforté
La loi Lamy précise et unifie le rôle attendu des intercommunalités en matière de politique de la ville, plus qu’elle ne le bouleverse. Celles-ci sont en charge d’élaborer le contrat de ville intercommunal (diagnostic, orientations, programme d’actions), de participer à sa mise en œuvre, d’animer et de coordonner les dispositifs contractuels. Leur rôle d’ensemblier est consacré. La mise en œuvre de cette compétence s’appuie de surcroît sur d’autres attributions communautaires, récemment confortées, telles que l’habitat (loi Alur) et le développement économique (loi NOTRe). La territorialisation des politiques de droit commun constitue d’ailleurs, pour le législateur, la pierre angulaire des interventions dans les quartiers.
La compétence politique de la ville demeure obligatoire pour les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Seule exception, les communautés de communes (CC) accueillant des QPV restent libres de se saisir ou non de cette compétence (loi Lamy). Au sein de la MGP, la politique de la ville relève des établissements publics territoriaux (EPT). Au final, 32 des 64 établissements intercommunaux franciliens exercent cette compétence à titre obligatoire : 11 EPT, 20 CA et une communauté urbaine. En revanche, une seule des sept CC concernées par un QPV a choisi d’exercer cette compétence à titre optionnel.
Un objectif réaffirmé de cohésion sociale, au travers d’enjeux territoriaux
Les réformes récentes accordent une place de choix à l’échelle intercommunale. Pour mieux promouvoir la mixité, les quartiers sont replacés dans leur contexte territorial. Les thématiques élargies du NPNRU (développement économique, mobilité) appellent cette approche plus globale. Le législateur prône une articulation renforcée des PRU avec les programmes locaux de l’habitat intercommunaux (PLH i) et une meilleure intégration du renouvellement urbain aux contrats de ville. Les nouvelles intercommunalités devront d’ailleurs se consacrer à la fusion des contrats de ville (76 en Île-de-France) souvent élaborés sur des territoires plus restreints.
Des défis techniques attendent ainsi les intercommunalités engagées en matière de politique de la ville : mise en ordre de multiples dispositifs et financements, réorganisation des services, élargissement du collège d’acteurs.
Sur le plan de la gouvernance, la mobilisation intercommunale ne pourra en effet être efficace que si la politique de la ville est érigée en chantier partagé. Cela suppose d’associer un large cercle d’élus communautaires, malgré le nombre parfois limité de communes comptant un quartier prioritaire. Les maires conserveront un rôle central, notamment pour le lien avec les habitants, les acteurs locaux et leurs compétences clés (sécurité par exemple). Pour les EPT, la concertation avec la MGP sera indispensable pour interagir au mieux en matière d’habitat.
En ce domaine, la loi Égalité et citoyenneté adoptée en décembre 2016 prolonge les lois antérieures et accorde un rôle clé aux intercommunalités dans la réforme de la politique d’attribution des logements sociaux pour réduire les écarts entre les quartiers en politique de la ville et les quartiers plus favorisés.
Pour en savoir plus
Loi Égalité et citoyenneté : adoption définitive du projet de loi par l’Assemblée Nationale le 22 décembre 2016 (texte adopté n° 878)
Loi NOTRe : loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République
Loi Alur : loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové
Loi Lamy : loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine
Décrets n° 2014-1750 du 30 décembre 2014 et 2015-1138 du 14 septembre 2015 fixant la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville en métropole
Loi Maptam : loi n° 2014-173 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles
Ceser Île-de-France, Le nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU) en région Île-de-France - Analyses et propositions, novembre 2015, avis n° 2015-15
Cour des Comptes, Rapport public thématique, La politique de la ville, une décennie de réformes, juillet 2012
Note rapide n° 703 : Vers une nouvelle gouvernance de la politique de la ville dans la MGP, novembre 2015
Note rapide n° 702 : Le grand Paris de la sécurité, octobre 2015
Note rapide n° 541 : Politique de la ville : quatre postures pour les communautés d’agglomération, avril 2011
Note rapide n° 543 : Politique de la ville : la montée en charge inachevée des intercommunalités, avril 2011
Intercommunalités et politique de la ville en Île-de-France, tome 1 et tome 2, IAU, juin 2010
Ensemble, La revue de l’association régionale HLM IDF, n° 47, nov. 2015
« Réformer la demande et les attributions en Île-de-France », Contribution des organismes franciliens de logement social, Aorif, juin 2016
Arrêté du 7 août 2015, portant approbation du règlement général de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine relatif au nouveau programme national de renouvellement
Observatoire national de la politique de la ville (ONPV), rapport 2015, Commissariat à l’égalité des territoires (CGET)
Assemblée nationale, Commission des affaires économiques, Rapport d'information sur la mise en application de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine
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