Comparaison des autorités organisatrices des transports à Londres, Tokyo, Singapour et Helsinki

16 octobre 2019ContactSophie Laurent, Frédérique Prédali, Cédric Cariou, Martin Wolf

La gouvernance des transports est très variable d’une métropole à l’autre et produit, en fonction des contextes institutionnels et géographiques spécifiques à chacune, des situations contrastées qui peuvent alimenter les réflexions franciliennes. L’étude a permis de comparer quatre cas : deux cas européens, Londres avec une autorité organisatrice des transports (AO) aux compétences larges, couvrant à la fois les transports publics et les routes, et Helsinki, avec une AO jeune sur un petit territoire, mais une forte dynamique en matière d’innovation et de services ; et deux cas asiatiques, Tokyo avec un fonctionnement exemplaire des transports malgré l’absence d’AO, et Singapour avec une AO aux compétences larges comme à Londres, mais dans un contexte institutionnel et géographique très particulier.
Généralement, les AO ont pour mission principale d’organiser et planifier les transports collectifs, sans avoir de compétence sur d’autres modes ou les routes, comme c’est le cas à Helsinki. Tandis qu’à Londres et Singapour, leurs compétences vont bien au-delà, incluant toutes les mobilités, et également les routes. À Londres, l’AO détient des compétences larges, qui se renforcent sur le ferroviaire jadis entièrement sous l’égide de l’État, alors qu’à Singapour, la mobilité et les transports sont totalement contrôlés par l’État. Le cas de Tokyo illustre l’extrême inverse, avec des transports efficaces malgré l’absence d’AO. Les compétences élargies de certaines AO comme celle de Londres semblent permettre une meilleure coordination des actions ainsi qu’une meilleure cohérence politique et financière. Mais elles présentent des risques liés notamment à l’augmentation en conséquence de la taille de l’AO, ce qui complexifie l’organisation et la gouvernance de l’ensemble avec des possibles effets silos subséquents.
À Londres, Singapour et Helsinki, l’AO contractualise avec les exploitants des réseaux, en particulier de bus, surveille la qualité de service et met en place des mesures incitatives pour la faire respecter et tendre vers une satisfaction optimale des usagers. Plus le nombre d’exploitants est important, plus cela suppose de moyens pour gérer le lancement des appels d’offre, les négociations de contrats et le suivi au quotidien de l’exploitation, ce qui là encore peut alourdir l’AO. D’où en partie le choix fait par certaines collectivités de conserver en régie l’exploitation de certains réseaux : l’État, la collectivité principale (cas d’Helsinki pour le métro et le tramway), ou même par l’AO elle-même (cas du métro londonien).
Les systèmes de contractualisation incitatifs observés permettent à l’AO de tendre vers la meilleure qualité de service possible, avec des variations dans les approches. Londres a par exemple instauré une mise en concurrence continue par roulement et un suivi pragmatique de la qualité de service, avec des critères de suivi peu nombreux (et très incitatifs) mais sur lesquels l’exploitant peut agir directement. Un nouveau système a été mis en place depuis 2016 à Singapour, visant une attribution par lot de l’exploitation des lignes de bus. Les incitations financières envers les exploitants y sont particulièrement élevées. À Helsinki la mixité entre contrats de types anciens et nouveaux complique l’organisation et le suivi, mais on observe une volonté de viser avant tout la satisfaction client. À Tokyo, le système fonctionne en l’absence d’AO, avec une qualité de service remarquable malgré l’absence de contrat d’exploitation et de mesures incitatives, sans doute en grande partie liée à la concurrence entre les nombreux opérateurs en présence.
Dans tous les cas étudiés, même en l’absence d’AO pour lancer la dynamique comme à Tokyo, et même dans le cas de grilles tarifaires complexes, les acteurs recherchent la simplification pour l’usager à travers la dématérialisation des titres, les supports multiusages, les applications mobiles… Du point de vue financier, on observe dans la plupart des cas une couverture des dépenses d’exploitation par les recettes tarifaires supérieures à la couverture française malgré la spécificité du versement transport. Cette situation peut s’expliquer en partie par l’étendue du périmètre des transports franciliens et la densité de l’offre TC pour un tarif très raisonnable pour les abonnés, alors qu’à Londres par exemple les transports sont très chers pour l’usager et en constante augmentation, du fait de la tendance à la baisse des aides publiques et des besoins croissants de maintenance et d’extension des réseaux. À Tokyo les revenus des opérateurs sont particulièrement importants, pour des raisons historiques et grâce à une diversification ancienne de leurs sources de revenus, mais aussi du fait de l’intensité des flux sur leurs réseaux. Cette situation très spécifique est observée essentiellement dans les villes asiatiques. À Helsinki également, l’urbanisation compacte et cohérente avec le rail, favorisant un usage fort des transports collectifs y compris dans le périurbain, rapporte à l’AO des recettes importantes, qui couvrent une bonne partie des dépenses d’exploitation. Les collectivités locales apportent la majeure partie du financement complémentaire, alors qu’à Singapour les recettes tarifaires sont loin de couvrir les dépenses, et le déficit important est couvert par l’État seul.
En matière d’innovation dans les transports, de nombreux moyens sont mis sur le thème de l’environnement et des services aux voyageurs :

  • Londres vise une amélioration de la qualité de l’air via les péages urbains et zones de faible émission, le développement de la production d’énergie renouvelable
  • Helsinki met en avant des objectifs ambitieux de neutralité carbone, le principe de Mobility as a Service (MaaS) et développe un système de navettes TAD (avec et sans chauffeur à terme)
  • Tokyo mise sur l’information voyageurs, des services spécifiques, le développement de l’accessibilité, met en place des expérimentations en matière de production et de consommation d’énergie, de résistance aux risques, de verdissement des stations
  • À Singapour, ce sont le péage dynamique et le développement des véhicules autonomes qui sont l’objet de toutes les attentions.

La préparation de grands évènements comme les Jeux olympiques impulse dans tous les cas des dynamiques en matière de transport, comme des investissements sur les réseaux et des actions en faveur des modes actifs, qui doivent bénéficier aux usagers sur le long terme.

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Veille et comparaisons internationales