Conditions de vie et aspirations des Franciliens en 2021

L'enquête annuelle de L'Institut Paris Region

21 septembre 2021ContactDelphine Brajon, Jérémy Courel, Catherine Embersin (ORS), François Michelot

Plus d’un an après l’irruption de la Covid-19 dans nos vies, L’Institut Paris Region publie ici les premiers résultats issus de la seconde édition de l’enquête « Conditions de vie et aspirations des Franciliens », menée du 8 au 28 juillet 2021 par Médiamétrie auprès de 4 200 Franciliens.
L’édition inaugurale, menée à la sortie du premier confinement à la fin du printemps 2020, avait montré l’essor du télétravail chez les actifs franciliens et le lien entre conditions de vie et acceptation du confinement.
Les restrictions successives ont contraint les Franciliens à être « résilients » dans les différentes sphères de leur vie quotidienne (travail, logement, déplacements, consommation, santé, etc.), ce qui s’est traduit par une évolution de leurs habitudes et aspirations, la période suscitant également de nouvelles préoccupations.
Dans quelles conditions les Franciliens télétravaillent-ils ? Quel a été l’impact de la crise sur l’accès aux soins ? Qu’envisagent-ils pour améliorer les conditions de déplacements dans la région ? Quels sont leurs projets de mobilité résidentielle ?
Les acteurs publics comme les citoyens trouveront, avec les premiers résultats issus de cette enquête annuelle, des éléments de réponse à leurs questionnements sur les conséquences de la crise actuelle mais aussi des enseignements à tirer pour les politiques publiques à venir.
Dans les prochains mois, L’Institut Paris Region publiera des analyses explorant de façon plus aboutie les conditions d’exercice du télétravail et ses conséquences, la consommation et l’usage du e-commerce, le recours aux soins, et enfin, les conditions de vie et aspirations des jeunes Franciliens.

 

Nos experts décryptent l’enquête

LOGEMENT - François Michelot, démographe (département Habitat et Société)

36 % des Franciliens disent envisager de déménager : est-ce à dire que l’épidémie a provoqué une envie de partir loin de l’Île-de-France ?

Un déménagement prend du temps : visites, plan de financement, vente du logement actuel oui préavis de départ… Les Franciliens bien engagés dans ce processus ne représentent qu’un cinquième de ceux qui envisagent déménager en Île-de-France ou ailleurs. Le plus souvent, la démarche est tout juste enclenchée, voire pas du tout. Il y a loin, en effet, de l'intention au passage à l'acte, sachant qu’avant la crise sanitaire, ils étaient près d’un tiers à vouloir déjà changer de logement, mais seuls 11 % déménageaient chaque année, dont la grande majorité en Île-de-France.

Notre enquête montre que la moitié des Franciliens qui envisagent de déménager souhaiterait quitter l’Île-de-France. Cela ne signifie pas que tous ces Franciliens vont réellement quitter la région à court terme. Le processus de déménagement se projette dans un avenir d’autant plus lointain quand il s’inscrit hors de la région.

Il semble encore prématuré de saisir tous les effets de la crise sanitaire sur la mobilité résidentielle en Île-de-France. L’Institut Paris Region travaille actuellement sur les données de demande de financement d'un projet immobilier, qui donneront un éclairage pour mieux appréhender la question des déménagements au cours des trois dernières années. Les résultats de cette étude seront disponibles fin 2021.

« Améliorer son cadre de vie » est cité comme la première raison d’envie de déménager : est-ce un effet du confinement ?

Si parmi les Franciliens qui souhaitent changer de logement, 36 % invoquent l’amélioration de leur cadre vie, 20 % évoquent des raisons familiales. Souvent, un projet de déménagement est le résultat de la conjonction de plusieurs facteurs. Dans la majorité des cas, l’argument « amélioration du cadre de vie » s’accompagne d’autres motifs qu’ils soient familiaux, professionnels ou patrimoniaux.

Il y a eu sans doute un effet confinement qui a accentué certaines aspirations jusqu’ici latentes. L’amélioration du cadre de vie reflète plusieurs réalités, ce n'est pas seulement s'installer à la campagne en dehors de l’Île-de-France, ce peut être aussi rechercher un appartement avec balcon ou terrasse, ou souhaiter vivre dans un espace moins dense, moins pollué, moins bruyant.

TÉLÉTRAVAIL - Delphine Brajon, économiste (département Économie)

L’enquête montre un quasi-doublement en un an du nombre de télétravailleurs et du nombre moyen de jours télétravaillés. Ce phénomène va-t-il, selon vous, se pérenniser ?

Nul doute que la crise sanitaire a contribué à inscrire durablement le travail à distance et il est assez probable que la situation continue d’évoluer vers une articulation hybride entre travail présentiel et télétravail pour les professions qui le permettent. La pratique s’est développée pour de nouveaux métiers, mais aussi pour certaines tâches y compris pour des métiers qui nécessitent une présence physique et s’est surtout renforcée pour les individus qui télétravaillaient déjà. Selon notre enquête, 42 % des actifs franciliens ont télétravaillé au cours des 12 derniers mois.

Le nombre moyen de jours télétravaillés était de 1,4 jour par semaine avant la crise, ce qui bien entendu est très variable d’une personne à l’autre et d’un métier ou secteur à l’autre. Sur les 12 derniers mois, avec les conditions très particulières que nous avons connues (un deuxième puis un troisième confinement en novembre 2020 et avril 2021), cette moyenne a été portée à 2,6 jours. Et pour les mois à venir, les préconisations des employeurs portent ce chiffre à 2,4 jours (sur la base des personnes interrogées qui connaissent leur futur rythme de télétravail).

Une majorité d’actifs se déclare pour le maintien, voire l’augmentation du temps télétravaillé. Est-ce un tournant dans l’équilibre des temps de la vie d’un actif ?

La plupart des télétravailleurs sont enclins à poursuivre l’expérience, étant nombreux à apprécier les avantages procurés par le travail à distance : gain de temps et de confort, flexibilité dans l’organisation... Car le télétravail facilite l’articulation entre obligations individuelles, familiales et professionnelles.

Mais ces bénéfices ne sont pas partagés par tous : 6 % de salariés ne souhaitent pas télétravailler et 7 % de ceux qui télétravaillent aujourd’hui souhaiteraient en diminuer la fréquence.

Le développement du télétravail va-t-il affecter la manière de concevoir la ville, ses transports, son immobilier ?

La réduction des besoins de surface de bureaux est aujourd’hui encore peu perceptible. Les pôles tertiaires, où la pratique du télétravail est très développée (quartier central des affaires, La Défense), pourraient même accueillir plus de salariés qu’auparavant, mais deux à trois jours par semaine plutôt que la semaine entière. Par conséquent, la réalité des salariés à moyen ou long terme pourrait être un travail qui se pratique dans plusieurs espaces fonctionnels, alternant entre bureaux de l’entreprise, tiers-lieux et domicile.

Le télétravail va aussi changer l’usage des espaces de bureaux. Pour rester attractives, les entreprises favoriseront la qualité des espaces de travail : des locaux accessibles, des aménagements de qualité avec une diversité d’espaces de travail, des agencements nouveaux, des espaces collectifs pouvant accueillir clients et partenaires, et favorisant la cohésion des équipes. Les bureaux anciens ou excentrés par rapport au cœur de métropole pourraient pâtir de ces dynamiques.

Finalement, le télétravail pourrait contribuer à polariser encore davantage la géographie des emplois tertiaires, au risque de contrecarrer les politiques de rééquilibrage territorial préconisées par le Sdrif par exemple.

SANTÉ - Isabelle Grémy, spécialiste de santé publique, directrice de l’ORS

La pandémie a boosté les téléconsultations médicales en Île-de-France. Est-ce selon vous une solution dans la lutte contre certains déserts médicaux, certaines saturations de services d’urgence ?

La réponse à la désertification médicale est multiple. La téléconsultation et plus généralement les opportunités offertes par les technologies de l’information (télésurveillance, téléconsultation d’expert/ou d’imagerie, téléconsultation etc.) ne sont qu’un des multiples aspects de la lutte contre la désertification médicale. Beaucoup d‘autres leviers qui, mis en place de façon coordonnée, combinés et à différents échelons institutionnels et territoriaux, peuvent y contribuer : une réorganisation des soins de première ligne par exemple (les maisons pluri-professionnelles de santé) ou des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé ou autre formes d’exercice (CPTS), des aides contractuelles à l’installation de médecins proposées par l’État, l’assurance maladie ou même par les collectivités territoriales, une réorganisation de l’accès aux études de médecine et le développement de la prévention….

La crise sanitaire a aussi conduit à des reports, voire des annulations, de soins ou de suivis. Faut-il s’attendre à une dégradation de la santé des Franciliens et, si oui, d’ici combien de temps ?

Avec 36 % de personnes qui ont renoncé à des soins dont les motifs sont principalement en relation avec la crise sanitaire, on peut s’attendre à un impact. Cependant, avant d’en préciser l’amplitude et le calendrier, il faut pouvoir dans un premier temps connaître les diagnostics des pathologies, les chirurgies, les actes de dépistages, les soins qui n’ont pas été effectués ou qui ont été repoussés et qui pourraient affecter la morbidité et la mortalité dans les mois ou les années qui suivent.
Les conséquences au fil du temps dépendront du type pathologies affectées par le renoncement ou retard aux soins, de l’histoire naturelle de ces maladies, notamment de leur temps d’installation et de leur gravité, de la mise en place de traitements alternatifs (remplacement, par exemple, d’une chirurgie par un traitement médical), du délai du renoncement. Ainsi, on sait déjà que l’espérance de vie a baissé avec la pandémie de Covid en raison des conséquences directes de la mortalité par Covid. L’évolution dans les prochaines années de l’incidence, des complications, de la mortalité des pathologies mal ou diagnostiquées avec retard durant la pandémie pourront nous renseigner sur les conséquences indirectes de ce renoncement aux soins.

 

Voir aussi 

Toutes nos publications sur la crise sanitaire, sociale et économique liée au Covid-19.

Cette étude est reliée aux catégories suivantes :
Emploi | Déplacements | Mobilité résidentielle | Santé

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