Patrimoine bâti, identité et territoires

Les Cahiers n° 167

30 novembre 2013Contact

Comprendre

Cent ans après la loi sur la protection des Monuments historiques, dont le champ s’est élargi du monument à l’espace, l’heure est au bilan. Aujourd’hui, en Île-de-France, près de 4 000 édifices sont protégés et ont pour corollaire un mouvement de patrimonialisation du territoire. La loi de 1983 créant les ZPPAU, a aussi marqué une évolution avec l’arrivée des collectivités locales dans le monde du patrimoine et sa prise en considération dans la planification urbaine. L’IAU îdF a été novateur en créant le premier Atlas du patrimoine protégé et en élaborant une réflexion sur le lien entre le site et son environnement. Ce mouvement accompagnait ce que l’État faisait en matière d’Inventaire et de meilleur accès à la connaissance grâce à sa base de données Mérimée, pilier d’une indispensable spatialisation du patrimoine. De la protection stricto sensu, le patrimoine s’est donc ancré dans le champ de l’aménagement, provoquant un nouveau regard. Du code du patrimoine au code de l’urbanisme, la planification intègre désormais les éléments patrimoniaux. En outre, la labellisation permet une reconnaissance et de nombreux territoires y recourent. L’élargissement du champ patrimonial a permis, au-delà d’une histoire qu’il raconte, de refléter et de se réapproprier une identité locale.

Agir

Loin de n’être qu’un élément culturel, historique ou esthétique, le patrimoine est toujours mieux pris en compte dans l’aménagement. Les tissus anciens sont requalifiés, le bâti est réhabilité et trouve de nouvelles fonctions, les ZPPAUP sont transformées en Avap pour intégrer la notion de durabilité... toutes ces transformations ont un impact direct sur l’identité et le cadre de vie. Partie intégrante de l’économie locale, le patrimoine bâti permet aussi une mise en tourisme du territoire. On ne parle plus seulement d’un tourisme monumental, la banlieue interpelle et se visite pour son patrimoine industriel et social. Les actions en faveur du patrimoine bâti sont nombreuses tant les collectivités s’appuient sur une volonté de reconnaissance : aménagements des espaces publics parisiens pour une meilleure visibilité architecturale ; reconversion des emprises des forts, devenant à la fois lieux patrimoniaux et lieux de grands projets urbains. Certains acteurs portent aussi l’envie d’une reconnaissance universelle de leur territoire et envisagent une inscription auprès de l’Unesco pour laquelle l’IAU îdF peut intervenir. Son savoir-faire et son expertise sur le patrimoine bâti s’exporte, le conduisant aussi à intégrer le patrimoine dans ses missions à l’étranger.

Anticiper

Le patrimoine s’ouvre vers un nouvel avenir. Son champ révèle de nouveaux objets et le XXe siècle en constitue le principal gisement. Dans cette approche, de nouveaux territoires non perçus jusqu’alors comme éligibles à l’histoire et à la culture sont découverts. L’analyse se poursuit sur de nouvelles époques et l’on préserve ce qu’il est encore temps de sauver. L’urbain se recycle et les patrimoines de l’industrie deviennent des lieux symboliques. Dans cette logique de durabilité et dans la perspective de préserver les ressources, les bâtiments trouvent de nouveaux usages et s’adaptent aux nouveaux besoins. Les normes actuelles, notamment thermiques, sont devenues incontournables et grâce à des savoir-faire spécifiques, des restaurations exemplaires peuvent être réalisées. Le cadre législatif oblige les documents d’urbanisme à mieux intégrer la protection patrimoniale et le 7e alinéa de l’article L.123-1-5 peut, au sein du PLU, être le support d’une politique de préservation ambitieuse. Ainsi, certaines collectivités peuvent s’en saisir, le PLU patrimoine devient alors un atout au service des élus. Des organismes compétents peuvent les accompagner, telles les agences d’urbanisme qui intègrent de plus en plus le patrimoine à leur réflexion. Désormais, le patrimoine architectural se vit et se construit tous les jours. On cherche à le comprendre, en allant au musée ; on cherche à définir ce qu’il sera demain, à travers les grands courants architecturaux de ces dernières années ; on cherche à poursuivre son devenir… au risque de se perdre.
 

Cette étude est reliée aux catégories suivantes :
Aménagement et territoires | Paysage | Société et habitat | Culture et patrimoine