Victimation et sentiment d'insécurité en Île-de-France
Conduite début 2021 dans le contexte inédit lié à la pandémie de Covid-19, la onzième édition de l’enquête Victimation et sentiment d’insécurité en Île-de-France interroge des Franciliens dont le quotidien est encore impacté par la crise sanitaire. S’il paraît difficile d’en évaluer précisément les répercussions, les résultats montrent un recul des atteintes aux personnes et aux biens (victimations), accompagné toutefois d’une préoccupation sécuritaire croissante.
Plus de 8 000 Franciliennes et Franciliens âgés de 15 ans et plus ont été interviewés par téléphone sur leurs conditions de vie, et plus particulièrement leur exposition à l’insécurité au cours des trois années précédentes. Cette enquête, réalisée tous les deux ans par L’Institut Paris Region depuis 2001, fournit de précieuses informations sur les caractéristiques de l’insécurité par catégorie de territoires (département, etc.), de types d’espace (transports en commun, espace public, etc.) ou de populations (hommes, femmes, etc.). Parmi les éléments mis en évidence, la part de la population victime de vols sans violence ou de tentatives est en diminution (10,3 % au cours des trois années précédant l’enquête, contre 12,7 % en 2019). Une baisse significative s’observe aussi au niveau des agressions tout-venant (7,0 %, contre 8,2 %). De même, une diminution des dégradations ou destructions de véhicules rapportées par les ménages interrogés (16,6 % des ménages équipés, contre 21,7 %), ainsi que pour les vols à la roulotte (11,3 %, contre 15,3 %) et, dans une moindre mesure, les vols de deux-roues (18,1 %, contre 20,4 %) et les vols de voitures (6,6 %, contre 8,7 %). Les restrictions de déplacement de la population, pendant la période couverte par l’enquête, pourraient être un des facteurs de la réduction de la délinquance.
Le recul de la victimation s’accompagne néanmoins d’une préoccupation sécuritaire croissante, avec une plus grande proportion de Franciliens plaçant la délinquance en tête des priorités d’action assignées au gouvernement, alors que les peurs tendent elles plutôt à s’atténuer ou tout du moins à se stabiliser. Si la part de la population encline à avoir peur a augmenté entre 2017 et 2019 (+2,9 points), elle a perdu 2,7 points entre 2019 et 2021, descendant à 45,0 %. Le détail des peurs selon le lieu où elles se manifestent montre que la peur d’être seul dans son quartier le soir reste relativement stable, et ce depuis 2017 (19,5 % des Franciliens interrogés en 2021 déclarent redouter de sortir seuls dans leur quartier le soir). Un constat général qui masque toutefois de fortes disparités entre catégories de populations ou de territoires : une tendance à la baisse parmi les habitants des Hauts-de-Seine (15,4 %), à la hausse concernant les Séquano-Dionysiens (25,8 %). La peur chez soi a diminué de 2,2 points (7,0 %) par rapport à 2019, sans qu’une tendance se dégage sur le long terme. Quant à la crainte de l’agression ou du vol dans les transports en commun, elle est en recul, particulièrement marqué pour le train (-4,5 points) et le bus (-3,1 points). Pour autant, le classement des modes de transport les plus « anxiogènes » reste inchangé : le RER en tête (30,2 % des enquêtés y expriment de la crainte), suivi du métro, (29,2 %), puis du train (19,8 %), du bus (15,0 %) et enfin du tramway (13,0 %).
Cependant, en 2021, les Franciliens tendent davantage à avoir une bonne image de leur quartier que deux ans plus tôt. Faut-il y voir une réduction des nuisances due en partie aux mesures mises en place dans le cadre de la crise sanitaire (couvre-feux), qui limitent l’accès à l’espace public, ou bien une plus grande tolérance des habitants à leur quartier d'habitat, qui peut dorénavant être aussi leur lieu de travail ? Parmi les exemples d'amélioration de leur cadre de vie, figurent la propreté des rues, l’éclairage ou encore l'entretien des bâtiments et des espaces verts (cités par 25,3 % des enquêtés, contre 30,3% en 2019) et la réduction dans la perception des nuisances liées aux bandes de jeunes gênantes (21,5 %, contre 24,6 %), au vandalisme (23,1 %, contre 26,0 %), à la drogue (23,4 %, contre 26,0 %) ou au bruit (27,3 %, contre 28,7 %). Un constat qui s’accompagne d’une relative stabilité concernant les aspirations des Franciliens à quitter leur quartier. Les résultats de l’enquête viennent nuancer un discours pouvant être perçu comme alarmiste sur « l’exode francilien »: 25,4 % de la population déclare qu’elle aimerait quitter son quartier début 2021, un taux assez proche de ce qui avait été observé en 2019.
Reste que, derrière ces éléments de connaissance de la situation en Île-de-France, de fortes disparités subsistent entre catégories de populations et de territoires. Les écarts sont particulièrement marqués entre les hommes et les femmes. Ces dernières sont notamment surexposées aux vols sans violence (11,8 % des Franciliennes interrogées en 2021 déclarent avoir été victimes au cours des trois années précédant l’enquête, contre 8,6 % des hommes), une caractéristique déjà observée au cours de la première enquête (2001). Le détail par catégorie d’agressions montre que les femmes sont surtout davantage victimes de violences par des proches (2,2 %, contre 0,8 % des hommes) et d’agressions sexuelles (4,4 % des femmes, contre 0,5 % des hommes). Le sentiment d’insécurité exprimé par les femmes devrait être davantage pris en compte : la peur d’être seul(e) le soir dans son quartier concerne quatre fois plus les femmes. Quant à la peur éprouvée au domicile, elle est deux fois plus répandue chez les femmes. Des peurs qui peuvent devenir des freins à leur mobilité : 4,6 % des Franciliennes interrogées déclarent avoir trop peur pour sortir seules le soir, contre 0,5 % des hommes. Même constat pour la peur dans les transports : les femmes sont deux fois plus sujettes à redouter l’agression ou le vol (tous modes confondus).
Des disparités ressortent entre les habitants du parc social et ceux du parc privé, pas tant en matière d’atteintes subies que de sentiment d’insécurité. Dans le parc social, la population est globalement moins victime (40,0 %, contre 44,1 % de celle du parc privé), une tendance en nette amélioration par rapport à l'enquête de 2001 (-11,3 points). Le détail par catégorie d’atteintes montre toutefois une surexposition aux vols de deux-roues ainsi qu’aux vols à la roulotte. Cette population se démarque plus spécifiquement au niveau des peurs qu’elle éprouve. Les habitants du parc social restent en effet plus enclins à redouter de sortir seuls le soir dans leur quartier (23,5 %, contre 18,4 %). La peur chez soi reste aussi plus marquée, tout comme la crainte de l’agression ou du vol dans les transports en commun, quel que soit le mode de transport. À noter que la présence policière près de chez eux, jugée insuffisante voire inexistante (pour 37,3 % des Franciliens en 2021, contre 47,7 % en 2001), serait une des pistes d'amélioration du sentiment de sécurité.
Entre départements, la situation reste assez hétérogène, avec des évolutions parfois contrastées. En 2021, la Seine-et-Marne présente le taux le plus élevé (59,5 %) pour ce qui est du sentiment d’insécurité, devant la Seine-Saint-Denis. Les Parisiens et, dans une moindre mesure, les habitants en petite couronne restent davantage victimes que la moyenne des Franciliens, avec des écarts comme l’illustrent les données des départements de Hauts-de-Seine et Seine-Saint-Denis.
Autant d’informations qui s’avèrent utiles pour mesurer l’insécurité en Île-de-France et en comprendre les spécificités en fonction des catégories de populations et de territoires. Ces précisions importantes vont permettre de répondre au mieux aux attentes et besoins de chacun en matière de sécurité et, plus globalement, de bien-être et de conditions de vie. La reconduction de l’enquête victimation et sentiment d’insécurité en Île-de-France à intervalle régulier permet d’en suivre les évolutions. Et l’édition 2023 permettra de vérifier ou d’infirmer les améliorations mises en évidence concernant les victimations.
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Prévention Sécurité