Sept millions de sportives et de sportifs franciliens

Extrait du cahier BOUGER ! Le sport rythme la ville

16 juillet 2020

En 50 ans, la pratique sportive a beaucoup évolué. Massification, extension à des disciplines nouvelles, développement d’une pratique « auto-organisée » : toutes ces évolutions revisitent l’aménagement et la programmation urbaine.

Sept millions de sportifs, soit 63 % de la population régionale âgée de 4 ans ou plus, pratiquent une activité sportive au moins une fois par semaine en Île-de-France. Ce niveau de pratique est proche de la moyenne des autres régions de France métropolitaine. Les activités s’organisent autour de deux pôles : la pratique encadrée et celle auto-organisée. La première, très présente chez les plus jeunes, concerne notamment la pratique dispensée dans les clubs associatifs1. La seconde se réalise en dehors de toute structure ou encadrement, seul ou en groupe. Chez les adultes, ces deux modes de pratique occupent une place équivalente et souvent concomitante. Qu’elles soient encadrées ou autonomes, le sport offre une grande palette d’activités : près de 200 disciplines différentes sont déclarées dans nos enquêtes2.

Offre sportive et cadre de vie, des impacts sur la pratique 

C’est à partir des années 1960 que nous assistons à une massification de la pratique sportive, résultant notamment des politiques publiques volontaristes en matière de construction d’équipements.  Alors que seule une personne sur trois née avant 1955 a côtoyé une association de sport au cours de sa jeunesse, ce sont 83 % des personnes nées entre 1985 et 19953 qui sont concernées. Ainsi, la pratique s’est étendue à de nouvelles populations, avec notamment une part des licences féminines qui a doublé entre 1960 et 19804. Malgré cette extension, la pratique sportive touche encore inégalement les populations et les territoires. Les hommes, les jeunes, les cadres, les plus diplômés et les personnes en bonne santé sont les plus nombreux à pratiquer. Avec 55 % de pratiquants à raison d’une heure par semaine, le département des Hauts-de-Seine est le plus « sportif ». À l’opposé, on trouve la Seine-Saint-Denis (44 %). Même en gommant l’effet de structure sociodémographique des territoires, les disparités persistent. Ainsi, à âge, sexe, et niveau d’études équivalents, un Altoséquanais aura toujours une probabilité plus élevée d’être sportif qu’un habitant du reste de la région. Les marqueurs sociaux et culturels ne sont donc pas les seuls facteurs : la structure de l’offre, par son nombre d’équipements, leur diversité, mais aussi un cadre de vie de qualité (nombreux espaces verts, continuités urbaines, écologiques, cyclables, etc.) jouent un rôle essentiel sur l’activité sportive.

S’affranchir des équipements traditionnels

Jusque dans les années 1980, la pratique s’est très largement répandue grâce aux associations sportives, puis de nouvelles pratiques et modalités ont émergé. Depuis la fin de cette période, la pratique encadrée associative s’est peu accrue. Si les associations restent un vecteur essentiel de la pratique sportive, c’est davantage en dehors du cadre traditionnel que le sport s’est développé, de manière auto-organisée, dans une recherche de faible contrainte : pratiquer où et quand on veut et ne pas dépendre des horaires d’ouverture des équipements et des créneaux en club. La diversification des pratiquants a conduit à une grande différenciation des attentes. Au regard des motivations des sportifs réguliers franciliens de 15 ans et plus, le sport s’inscrit aujourd’hui moins dans une pratique de compétition que d’épanouissement et de bien-être. Les équipements sportifs traditionnels ne suffisent plus à contenir les nouvelles aspirations. Et de fait on assiste à une forme de « sportivisation » de la ville et des espaces publics mais aussi à un renouvellement de l’offre privée, plus souple, plus ludique et plus conviviale, avec des politiques d’implantation qui mêlent stratégies foncières et publics cibles (zone d’activités, milieu urbain dense, centres-villes, etc.).

Proximité et temps disponible

Pour 80 % des sportifs, le lieu de pratique se situe à proximité de leur lieu de résidence. Encore une faible part de sportifs pratique à proximité de leur lieu de travail, et très peu utilisent la pause déjeuner (12 %) pour s’exercer. Choix volontaire ou par défaut ? Certainement que le sport s’inscrit encore fortement dans une pratique sociale de son quartier, de sa ville. Il n’en demeure pas moins qu’une offre sur le temps de travail ou autour de ce temps, de même que sur et autour du temps de transports, comme dans les gares ou en proximité, reste encore peu développée. Le frein principal à l’augmentation de l’activité sportive relève le plus souvent des contraintes de temps (horaires qui ne conviennent pas, d’autres activités qui entrent en concurrence, équipements éloignés…). Ces contraintes, ajoutées au temps passé à se déplacer en Île-de-France (92 minutes par jour en moyenne5) peuvent expliquer que certains Franciliens combinent sport et mobilité active (43 % des Franciliens). De même, 43 % des mères, notamment celles qui vivent seules (52 %), accompagnant leur enfant sur le lieu de leur activité sportive seraient intéressées par une offre simultanée, sportive ou non : un moyen d’optimiser son temps dans un planning souvent très contraint. Une demande encore rarement intégrée à la programmation des équipements.

Aménager pour favoriser l'activité

La pratique d’activités physiques et sportives est encore à développer sur le territoire francilien, avec un effort particulier à fournir pour combler les inégalités d’accès. D’autant plus que cette pratique reste insuffisante dans un objectif de santé : seuls 14 % des Franciliens ont un niveau d’activité physique et sportive conforme aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé6. En effet, pratiquer une heure de sport par semaine reste insuffisant si le pratiquant mène en parallèle une vie essentiellement sédentaire. Pour encourager les Franciliennes et les Franciliens à faire du sport, il est important de renouveler l’offre d’équipements tout en créant un cadre de vie qui incite les populations à intégrer de plus en plus l’activité physique dans leur quotidien. Cela consiste notamment à favoriser des environnements propices aux mobilités actives et à développer un design urbain qui conduit les personnes à faire de l’activité physique sans le percevoir comme une contrainte.

Claire Peuvergne, géographe, directrice de l’IRDS, L’Institut Paris Region

1. Ces associations sont pour la plupart affiliées à une fédération sportive. La pratique fédérale en Île-de-France s’organise autour de 31 fédérations unisport Olympiques, 53 fédérations unisport non Olympiques, 18 fédérations multisports et/ou affinitaires et 5 fédérations scolaires. En 2017, l’Île-de-France comptait 2,5 millions de licences.
2. Enquêtes de l’IRDS sur les pratiques sportives des Franciliens (EPSF) 2007-2017.
3. « L’entrée dans la vie sportive en club des Franciliens », Dossier de l’IRDS n° 15, mai 2011, 12 p.
4. Un demi-siècle de licences sportives, STAT- Info (04-06), ministère de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative, novembre 2004, 8 p.
5. Source : EGT 2010.
6. « La pratique sportive des Franciliens : fréquence, durée et intensité », Dossier de l’IRDS n° 34, juin 2016.

VERS UNE MEILLEURE ACCESSIBILITÉ UNIVERSELLE

Ce sont surtout les personnes qui s’estiment en bonne santé qui sont sportives : 43 % des personnes atteintes de maladies chroniques ont une pratique hebdomadaire, contre 57 % pour ceux qui ne sont pas atteints6. Un écart que l’on retrouve sur la pratique encadrée et sur la pratique intensive, mais qui tend à se réduire sur des pratiques auto-organisées. Des résultats identiques sont observés pour les personnes en excès de poids, ou celles ayant des limitations fonctionnelles. À défaut de trouver une offre encadrée adaptée à leur besoin, c’est dans la pratique autonome en dehors des équipements sportifs que certaines de ces personnes trouvent le moyen de s’exercer. Il en va de même pour la pratique des personnes handicapées. Bien que les effectifs licenciés aient crû de manière importante depuis 2000 au sein des deux fédérations sportives qui les représentent, la pratique reste confidentielle et l’offre trop peu développée dans la région. C’est particulièrement vrai pour les personnes porteuses d’un handicap mental ou psychique. Ainsi, les personnes qui tireraient le plus grand bénéfice à faire du sport sont celles qui en sont les plus éloignées. Les causes sont multiples : accessibilité et adaptation des équipements en premier lieu, mais aussi formation de l’encadrement sportif qui s’organise progressivement pour accueillir des pratiquants souvent très éloignés de leur public habituel.

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