Les territoires seine-et-marnais

19 janvier 2015Catherine Mangeney et Jérôme Bertrand

Le conseil général de Seine-et-Marne a adopté en 2010 son projet de territoire dessinant les grands enjeux et priorités d’action pour les années à venir. Dans cet esprit, le conseil général a choisi d’engager une réflexion sur la territorialisation de ses engagements à l’échelle de grands « bassins de vie », véritables territoires de projets.

Dès 2010, la réflexion sur une déclinaison opérationnelle des enjeux du projet de territoire du département était au cœur des débats : quelle taille pour des territoires pertinents ? Pour ne citer que quelques exemples, l’État avait mené sa propre étude sur les grands bassins de vie, la Région avait identifié des grands faisceaux dans le cadre de la révision du schéma directeur de la région Île-de-France et le conseil général de Seine-et-Marne avait identifié dix grands bassins de vie pour une étude transports1 … Dans le même temps, la question de l’élaboration d’une nouvelle carte de la coopération intercommunale couvrant l’ensemble du territoire départemental était sous-jacente.

Insuffisance et multiplicité des découpages existants

Auparavant, la question des « infraterritoires » seine-et-marnais était abordée à travers différents découpages :

  • les divers découpages administratifs (arrondissements, cantons, intercommunalité) ;
  • les zonages d’organisation (maison départementale des solidarités, bassins d’emploi de Pôle Emploi …) ;
  • les découpages d’interventions (bassins d’habitat de l’État, Scot, PNR, territoires de projet…) ;
  • les zonages d’observation (bassins de vie de l’Insee, zones d’emploi de l’Insee, les grandes entités paysagères de L'Institut Paris Region…).

Or, tous ces périmètres ne correspondent pas toujours – ou pas totalement – au vécu des habitants. Ils présentent, en outre, le défaut de ne pas prendre en compte les interdépendances avec les territoires limitrophes, soit du cœur de la métropole, soit du Bassin parisien. D’autre part, pour certains experts, cette notion de « bassin de vie » n’a pas de signification au regard des interactions d’une grande partie de l’espace seine-et-marnais avec la métropole francilienne. Enfin, même si elles étaient à prendre en considération, il est à noter que les intercommunalités en Seine-et-Marne ont été créées sans forcément tenir compte de cette notion.

Pour un découpage opérationnel, multicritère et partagé

Le conseil général a donc décidé de définir, en association avec l’État, la Région, les services départementaux, mais aussi l’université de Paris-Est Marne-la-Vallée et L'Institut Paris Region, une base commune qui permette d’aboutir à une dizaine de grands territoires autorisant une mise en œuvre territorialisée, une articulation et une coordination des différentes politiques contractuelles du département.

L’objectif a été de construire un outil d’analyse multicritère croisant les données de flux (déplacements entre le domicile et le lieu de travail et entre le domicile et le lieu d’étude, des habitudes de consommations et des zones de chalandises des hyper et supermarchés, …), avec les périmètres administratifs, les découpages existants des services départementaux, les autres données géographiques, paysagères, historiques et morphologiques...

L’enjeu de l’outil étant de voir l’évolution des périmètres obtenus selon l’intégration et la pondération des différents critères, afin d’évaluer les atouts, limites et recouvrements de tout découpage envisagé. En effet, le conseil général, conscient qu’il était « illusoire de prétendre donner une réponse simple, unique et incontestable » à cette question, souhaitait plutôt « rapprocher les points de vue, donner plus de sens et de justification aux périmètres utilisés, fournir une clé de lecture compréhensible aux découpages utilisés et harmoniser les approches territoriales des différents services »2. Il s’agissait finalement « d’apporter des éléments permettant d’éclairer les choix de l’action publique » en proposant différents scénarios de découpages et d’évaluer ces propositions à l’aune des cinq chantiers prioritaires identifiés dans le projet de territoire élaboré au niveau du département : accessibilité et qualité des services pour tous ; développer et innover : de nouvelles clés pour la mobilité ; diversifier l’offre de tourisme et de loisirs ; bâtir le territoire modèle de la construction durable ; inventer un nouvel équilibre ville-nature.

Il est illusoire de prétendre
donner une réponse simple,
unique et incontestable
à la question des découpages
territoriaux

L’analyse des recouvrements géographiques des différents périmètres retenus montre les permanences d’organisation spatiale autour d’une même polarité, mais aussi des phénomènes de multipolarisation dans certains secteurs du département, tels que l’arc central de Pontault-Combault en passant au nord de Roissy-en-Brie et aboutissant entre Montereau-Fault-Yonne et Bray-sur-Seine. Dans ces espaces multipolarisés, le choix des habitants peut varier en fonction des biens et services auxquels ils désirent accéder, ou selon des critères davantage « sociologiques » comme, par exemple, les habitudes des pratiques spatiales, le territoire vécu ou l’entourage, ou bien selon les facilités d’accès (proximité d’un échangeur d’autoroute ou d’une gare). Ces espaces peuvent alors former ou définir les lignes de partage territorial.

Un découpage dépendant du projet politique à mettre en oeuvre

La superposition des différents découpages a donc permis d’identifier certaines grandes lignes de partage territorial (taux de recouvrement entre les différents découpages), plus ou moins marquées selon les éléments intégrés et selon la pondération attribuée. Différents tracés d’un découpage opérationnel potentiel ont ainsi été proposés au conseil général, qui a ensuite adopté le découpage qu’il pensait répondre le mieux à ses besoins, en tenant compte des périmètres des intercommunalités à fiscalité propre.
La délimitation des « bassins de vie » du département seine-et-marnais a donc procédé, de manière tout à fait assumée, d’une méthode volontairement pragmatique, itérative et « arbitrée », visant un objectif de mise en oeuvre territoriale de sa politique de contractualisation établi a priori. C’est ce qui en fait tout l’intérêt, même si à l’appellation « territoires de projets » retenue en interne pourrait être substituée l’appellation de « territoires opérationnels » ou « territoires d’intervention de l’action publique », tant le découpage apparaît ici clairement dépendant de l’objectif politique qu’il doit soutenir et qui est sa raison d’être.

Catherine Mangeney est démographe, chargée d'études équipements à L'Institut Paris Region et Jérôme Bertrand est urbaniste, chargé d'études transports à L'Institut Paris Region.


1. Diagnostic et enjeux du transport public en Seine-et- Marne, Étude 2006 – 2007, CG 77.
2. Aide à la définition du cahier des charges de l’étude, L'Institut Paris Region, 2011.

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