Les maires : ni parachutés, ni autochtones ...mais installés
Chronique du périurbain francilien n° 4
869, c’est le nombre de maires du périurbain francilien, soit près de 65 % des maires d’Île-de-France. Mais que sait-on au juste de ces élus chargés d’administrer ces territoires si souvent décriés ?
Jusque-là pas grand-chose tant les travaux des sciences sociales sont longtemps demeurés très urbano-centrés. L’Institut Paris Region a été à la rencontre de ces élus pas tout à fait comme les autres.
Un homme dans la soixantaine, cadre ou retraité…
Dans les communes périurbaines d’Île-de-France, les jeunes maires font figure d’exception. L’âge d’or du pouvoir local se situe entre 60 et 69 ans, 45 % sont dans cette tranche pour un âge moyen de 60,5 ans. Comme en 2008, les femmes sont mieux représentées qu’à l’échelle nationale : 19 % contre 16 % des maires au lendemain des élections municipales de 2014 … mais la fonction reste très masculine.
À l’image de la population périurbaine, où les cadres et les anciens cadres sont de plus en plus nombreux, 42 % des maires du périurbain sont des retraités et 19 % des cadres et professions intellectuelles supérieures. Comme partout ailleurs, mais peut-être plus tardivement dans le périurbain, les catégories populaires ont été évincées de la scène politique. C’est le cas des ouvriers qui, parmi les maires du périurbain, ne sont que 7 (soit moins de 1 %), alors que leur part est de 12 % dans l’ensemble de la population périurbaine.
Quant aux agriculteurs, alors qu’ils représentent moins de 1 % de la population active, ils constituent encore une part importante de ces maires (12 %). Leur influence, historiquement très forte dans le monde rural, n’a pas totalement disparu mais s’est sensiblement érodée sous l’effet des transformations sociologiques de ces territoires. Désormais, ils sont essentiellement présents dans les petites communes de moins de 500 habitants, situées aux franges de la région Île-de-France, où se maintiennent une identité et des cadres sociaux ruraux.
Ce constat mérite d’être géographiquement nuancé, il existe en effet des différences entre les départements de la grande couronne. En proportion, c’est en Seine-et-Marne et en Essonne que les maires agriculteurs sont les plus nombreux (13 et 14 %) et c’est dans les Yvelines que les maires sont le plus souvent retraités, plus de la moitié d’entre-eux.
…qui s’est construit une légitimité locale
Rarement nés sur leur terre d’élection, les maires ont néanmoins des attaches avec le territoire qu’ils ont pu fréquenter étant enfant, comme lieu de promenade ou de villégiature. Ils s’y sont ensuite installés, et la majorité des enquêtés y résident de longue date (plus de 15 ans). Ils ne sont donc ni des « autochtones », ni des « parachutés » qui s’empareraient à la hussarde d’une municipalité. Ils ont acquis leur brevet de territorialité grâce à leur investissement au sein de la sphère associative communale puis sur la scène politique municipale. Ils se sont progressivement construit un capital de notoriété, une légitimité leur conférant un statut d’éligible. Ces maires sont, à l’image d’une grande partie de leurs administrés, des cadres qui sans être « des gars du coin », pour reprendre le titre d’un ouvrage de Nicolas Renahy sur le monde rural, s’y sont ancrés, se sont engagés dans la vie communale jusqu’à investir la scène politique municipale. L’affirmation de ces nouvelles figures de maires, de ces installés, corrobore la thèse selon laquelle le périurbain n’a pas un caractère transitoire mais est bien un espace qui s’est construit une histoire, une identité propre depuis les premières vagues de périurbanisation des années 1960.
Témoignage
À la conquête d’une mairie périurbaine
« Je suis arrivé ici en couches culottes, j’ai aujourd’hui 58 ans et c’est mon village. À partir de là que vous dire […]. Je suis né à Paris, cette maison qui appartenait à mes parents, c’était la maison de week-end, la maison de vacances, bref la maison de campagne. Et, par la suite, je me suis installé ici définitivement avec mes parents qui ont compris qu’à 27 kilomètres de Paris on pouvait continuer à aller y travailler même si les déplacements n’étaient pas facilités comme aujourd’hui. Quand mon père est décédé, je me suis installé dans la maison pour conserver ce patrimoine qu’il avait construit. Et j’ai une mère de 94 ans qui vit avec nous parce que nous voulions qu’elle puisse rester dans son environnement. Donc, il y a des racines.»
Si vous voulez, ma vie, c’est cette plaine qui fonde notre identité et qui nous rassemble, ce sont ces arbres et ces gens que je connais depuis très longtemps et qui me connaissent depuis mon enfance. J’ai donc vu l’évolution du territoire. Et, à partir de là, mon investissement est né de la joie que j’avais enfant et adolescent à vivre ici, et à l’envie de faire quelque chose pour mon village et pour l’ensemble de la collectivité …et puis, il y a eu mes premiers engagements.
Étant enseignant en physique des matériaux, je suis particulièrement sensible à l’approche environnementale. Je m’y suis donc intéressé pour ma commune et j’ai œuvré pour l’environnement, sans pour autant être écologiste. Ensuite, je me suis occupé du collège en tant que Président de la Fédération de Parents d’élèves, et puis un jour des gens m’ont dit « C’est ton village, est-ce que tu n’aurais pas envie de t’investir ? » Et j’ai dit oui.
En 2001, je suis devenu maire-adjoint en charge de la culture, des associations, du sport, etc. Vous savez dans un petit village comme le nôtre le nouveau venu a toutes les responsabilités de terrain parce que ce sont les plus délicates. C’est vrai que c’est plus facile d’être dans son bureau à gérer les affaires, plutôt que d’être en face à face avec les administrés à gérer le contact humain. Mais je ne regrette pas, parce que c’est le meilleur moyen d’appréhender réellement ce qu’est un village. Ensuite le maire qui m’avait approché, avec toute sa sympathie, m’a dit, mon pépère tu vas prendre la suite parce que c’est comme ça, et j’ai dit oui. Aujourd’hui je suis en fin de mandat de maire et je me représente pour les élections de 2014 (ndlr maire réélu lors des dernières municipales). »
Un maire du périurbain de l'Ouest francilien
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