Surtout, le numérique induit un changement complet des lieux d’éducation, de leur architecture et de leur aménagement intérieur. Un peu partout en France, on continue de concevoir des collèges et des lycées comme il y a vingt ans, à de très rares exceptions près, comme le futur collège du Val Fourré à Mantes-la-Jolie3. En général, les seules innovations architecturales – et ce n’est pas rien – concernent l’écologie : panneaux solaires, recyclage des eaux usées, cantine zéro déchets…
Mais quid des élèves ? Pour Stéphane Simon, directeur général du Lieu du Design, un organisme associé à la Région Île-de-France, « On ne peut plus enseigner de manière frontale, classique, ni continuer de commander des mètres de rayonnages pour les CDI quand les élèves n’ouvrent plus un livre. Tout cela pose la question du bâti, notamment l’aménagement des salles de classe et des CDI, mais aussi des espaces de circulation, qui représentent en moyenne 30 % de la surface d’un lycée ».
Dans certains pays comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Danemark ou les États-Unis, la révolution digitale de l’école bat son plein4 : les ordinateurs remplacent les manuels et des établissements new look sortent de terre. Transparents, gais, conviviaux, comme le lycée Ørestad de Copenhague, l’un des plus innovants au monde. Dans ce grand bâtiment vitré construit il y a dix ans déjà, les salles de classes sont totalement ouvertes et les espaces de circulation ont été pensés pour que les élèves continuent d’apprendre autrement. Une architecture adaptée à une pédagogie 100 % digitale.
En Île-de-France, la question du design a été intégrée à la politique régionale des « Lycées 100 % numériques »5. Avec une double priorité affichée : aller vite et s’appuyer sur les besoins des équipes pédagogiques. Le Conseil régional a confié au Lieu du Design le soin d’imaginer des solutions pour équiper huit lycées volontaires6 dès la rentrée 2017 : ici des salles de classe, là le CDI ou le foyer, parfois le hall d’accueil… « L’idée est d’aller vite et de tester des solutions que nous pourrons ensuite généraliser à tous les lycées dès l’année suivante » explique Pascal Coroller, chef du service Équipements pédagogiques et numériques des lycées à la Région.
Chacun des huit établissements pilotes fait face à une problématique spécifique: un espace à aménager, une attractivité à développer, une filière de formation à numériser…. Enseignants et élèves ont aussi été invités à plancher sur leur vision du lycée de demain au festival Futur en Seine. À quoi rêvent les élèves ? À un lycée connecté, accueillant et ouvert, mais sans abandonner complètement cahiers et stylos. Si tout le monde s’accorde à dire que le CDI traditionnel est mort – le CDI 2.0 sera convivial et connecté ! –, la salle de classe constitue un vrai casse-tête. Dans un cours numérique, l’écran remplace le tableau, le bureau de l’enseignant a disparu et les tables des élèves sont disposées en arc de cercle autour de l’enseignant. Mais puisqu’en France personne dans la sphère éducative n’imagine encore se passer totalement de l’enseignement traditionnel, il faut que les salles de cours soient modulables et le mobilier conçu pour être manipulé facilement et… en silence ! De même, il n’est pas question de décloisonner totalement les salles de classe comme cela se pratique dans les établissements avant-gardistes du monde anglo-saxon, où l’on vante la devise « à pédagogie ouverte, classe ouverte ». L’aménagement des espaces de circulation laisse aussi les proviseurs perplexes. Que faire de tous ces espaces perdus ? Le lycée Prony d’Asnières, rénové il y a cinq ans, a un gigantesque hall d’entrée. Le lycée Robert-Schuman de Charenton-le-Pont (Val-de-Marne), qui date de 2009, a été construit en triangle, un vrai casse-tête pour l’aménagement d’espaces collaboratifs pour les élèves. Les enseignants croisent aussi les doigts pour que les ordinateurs ne tombent pas – trop souvent – en panne. Pour prévenir ce genre d’incidents, la Région a promis de mettre en place un service de maintenance à distance des ordinateurs des lycées, en commençant par une cinquantaine d’entre eux dès 2018.