Alors que le fordisme industriel avait considérablement agrandi les usines pour faire de la production de masse, la transformation numérique se traduit par l’arrivée de technologies nouvelles (internet des objets, big data, cloud…) ou liées au numérique (impression 3D, robotique et cobotique*, automatisation…) qui sont de nature à modifier en profondeur la taille et le choix de localisation de certaines industries du futur. En facilitant l’éclosion de nouveaux modèles économiques plus axés sur l’usage et la proximité avec les clients, elle brouille un peu plus la frontière entre industrie et services. Plus économe, générant moins de nuisances, et surtout plus petite et polyvalente, l’usine du futur peut plus facilement s’insérer dans le tissu urbain. Elle gagnerait ainsi en réactivité vis-à-vis du marché grâce à des outils de productions numériques rendant techniquement et financièrement possible la production de biens et services toujours plus individualisés, qui relèvent de la petite série, voire du modèle unique. Ces usines d’un nouveau type seront largement dépendantes des données de masse (big data), de la conception à la production de biens totalement personnalisés, tout en limitant au maximum l’usage de matières et d’énergies non renouvelables. Avec cette numérisation croissante des usines du futur, il sera possible de répondre à des commandes personnalisées en temps réel du produit (à l’image des Speed Factories d’Adidas), de piloter à distance des équipements vendus pour en assurer la maintenance prédictive ou encore de mieux connaître les usages des produits vendus. Cette dépendance en matière de données nécessitera d’implanter ces unités de production dans des lieux offrant du très haut débit mais aussi une capacité à livrer très rapidement les produits ou à interagir avec les clientèles dans des living lab en amont ou dans les show-rooms de vente, qui seront devenus nos magasins traditionnels. Les industriels vont donc, pour une partie de leurs usines du futur, chercher à se localiser dans ou au plus près des grandes métropoles. Ce phénomène sera accentué par le type même de ces usines du futur qui, en étant plus automatisées et robotisées, feront appel à un personnel plus qualifié et issu de générations ayant des aspirations plus urbaines. Pour attirer ces profils, les industriels se trouveront en concurrence croissante avec les activités tertiaires largement présentes en cœur de métropoles. Ceci les incitera à accorder plus d’attention à la qualité de leur implantation, en favorisant des sites attractifs et en offrant des services de type urbains (restauration, commerce et surtout transports en commun) pour attirer les nouveaux talents qui feront leur compétitivité. Verrons-nous demain le quartier de la Défense attirer dans ses tours des unités de production de nouvelle génération ? L’usine du futur porte en germe une nouvelle révolution industrielle, mais aussi spatiale !
Thierry Petit, économiste à l'IAU îdF