Nous nous sentons toutes petites face au mur d’écrans sur lesquels défilent, comme dans les grandes salles boursières, les cours des matières premières, accompagnés de messages chocs : « la spéculation est la cause du déséquilibre entre l’offre et la demande ». Pas de sensiblerie, le pavillon donne une idée du chemin qu’il reste à faire avant d’atteindre l’objectif « Défi Faim Zéro » de la FAO1.
Plus que jamais conscientes des enjeux alimentaires mondiaux et impatientes de voir quelles solutions les pays peuvent proposer, nous voici prêtes à affronter le decumanus et ses 1,5 km. L’immensité devient réalité. À perte de vue, les pavillons se succèdent de part et d’autre de l’allée centrale. La rigueur du cordeau contraste avec l’hétérogénéité architecturale. Entre notre liste des pavillons incontournables présélectionnés, l’attirance visuelle pour certains bâtiments et… la longueur des files d’attente, un certain pragmatisme s’impose : avancer et nous arrêter autant que faire se peut. À gauche, le Brésil et son grand filet-canopée attire l’œil, mais la foule a raison de cette première envie. Notre première escale sera la Belgique où un spéculoos nous est gentiment offert à l’entrée. Les nouvelles technologies ont la part belle : aquaponie, hydroponie, ainsi que les insectes, solution pour nourrir la planète ? À l’étage, ce sont (ouf !) des chocolats et des diamants (quel rapport ?) qui sont proposés.
Nous mettons ensuite le cap vers la Corée du Sud et de grandes interrogations : quoi manger ? Comment ? Pour combien de temps encore ? Elle fait l’éloge du kimchi et de la fermentation, met en exergue les procédés de conservation. C’est intéressant et pédagogique. Mêlant tradition et high-tech, ce pavillon nous interpelle d’entrée par des images chocs confrontant obésité et malnutrition.
Un petit détour par la Cascina Triulza s’impose à nous. Ancienne ferme reconvertie en pavillon de la société civile, elle se dresse comme l’un des rares vestiges d’une époque révolue. Mais qui se souvient qu’avant d’être un délaissé ferroviaire et routier, il y a quelques décennies, ce terrain accueillait des champs qui nourrissaient Milan ? Demain, le site devrait être transformé en un quartier de logements et de bureaux, entre voies ferrées et autoroutes. En attendant, les enfants essaient de traire une fausse vache dont il sort du vrai ou du faux lait… Nous n’avons pas la réponse.
Nous retournons sur le decumanus pour découvrir les « clusters », espaces mutualisés (entre pays qui n’ont pas les moyens de s’offrir un pavillon) autour d’un produit : riz, cacao, café, céréales et légumineuses, fruits et légumes… À priori une bonne idée pour parler des matières premières, des flux mondiaux, de nutrition et malnutrition, de durabilité, mais, derrière quelques panneaux bien conçus, les espaces se résument à quelques produits artisanaux, trois affiches… ici, point de queue, on traverse et on passe son chemin.
Nos pas nous guident ensuite en Malaisie dans un pavillon agréable mais qui nous laisse songeuses quant au traitement du thème : forêt de pluie, défilés de mode sur grands écrans, savoir-faire autour de la gomme d’hévéa et la nature en pilules pour nourrir et soigner.
Cela ne nous coupe pas l’appétit pour autant et nos estomacs se rappellent à nous. Une exposition consacrée à l’alimentation, qui plus est en Italie, laissait présager mets et délices. Et pourtant, dans l’allée centrale, les charrettes géantes de fruits et légumes, de salaisons, de poissons sont en plastique. Elles nous rappellent notre enfance quand on jouait à la marchande de quatre saisons. Les points de restauration ne manquent pas, mais dans le pays des antipasti, des risottos et du gorgonzola nous résistons à l’appel de McDo’, Nutella et autres stands de restauration rapide. Ce sera donc jambon, parmesan et melon dans une assiette en plastique. Les produits sont bons, mais le charme est quelque peu rompu. Pour oublier ces déboires, nous nous dirigeons vers le pavillon des vins italiens. Ici, on fait appel à tous les sens, la vue, l’odorat, le goût. 35 000 bouteilles sont proposées à la dégustation. Notre choix se porte sur Florence et sa région… Chianti, Rosso di Montepulciano, Brunello di Montalcino nous requinquent.
Le pavillon italien est, quant à lui, résolument inaccessible au regard du temps d’attente. Non loin de là, l’Union européenne, acteur déterminant des politiques agricoles, nous tend les bras. Petite récréation, plutôt destinée aux enfants sous la forme d’un dessin animé présentant les aventures d’Alex l’agriculteur et Sylvia l’ingénieure de l’eau. Réunis pour sauver leur village d’une inondation, ils reprendront ensemble la boulangerie, se marieront et auront beaucoup d’enfants.
Revenons sur l’axe principal. Le pavillon français nous accueille par un French garden, potager et fruitier. Il met en avant ses productions, ses savoir-faire scientifiques et technologiques, son patrimoine gastronomique. Films et animations nous parlent de santé, d’agroécologie. Le pavillon est beau, tout en bois, conçu pour pouvoir être démonté et réutilisé après l’exposition. Le thème est bien traité. Des conférences sont proposées, pour celui qui se donne la peine de chercher le programme et de rejoindre le lieu des conférences en ville à 45 mn de là. On peut toutefois assister à des mini-conférences de 10 mn dans le pavillon au milieu des visiteurs qui discutent, circulent et prennent des photos.