Tout ce que vous devez savoir sur les élections municipales et intercommunales 2020 en Île-de-France

Chronique du paysage politique francilien n° 3   Sommaire

12 mars 2020ContactIsabelle Zugetta, Léo Fauconnet

La course à la mairie de Paris focalise l’attention médiatique. Les provinciaux s’en émeuvent mais les Grands-Parisiens et autres Franciliens pourraient en faire autant. Pourtant, que l’on parle des communes elles-mêmes, de leurs élus, des modes de scrutin ou encore des candidats, la diversité et les spécificités dans la région capitale ne manquent pas. Autant d’éléments clés pour aborder les votes des 15 et 22 mars 2020.

L’Île-de-France compte 1 268 des 34 970 communes de France, avec de fortes disparités démographiques : Paris avec plus deux millions d’habitants, quatre communes de 100 000 habitants et plus, quarante-deux communes de plus de 50 000 habitants. Mais près de la moitié des communes (551 pour être précis) a moins de 1 000 habitants, 288 sont sous la barre des 500 habitants, seize recensent moins de 100 habitants, et Montenils en Seine-et-Marne, la commune la moins peuplée d’Île-de-France, ne compte que 26 habitants.

En revanche, la démographie de la région capitale se traduit dans le gigantisme de ses établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). L’Île-de-France est bien une terre d’élection des macro-intercommunalités avec, en population, la première métropole de France (celle du Grand Paris), la plus grande communauté urbaine (Grand Paris Seine & Oise) et les principales communautés d’agglomération (Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart, Roissy Pays de France, Saint-Germain Boucles de Seine et Communauté Paris Saclay).
Du fait de cette diversité institutionnelle, les électeurs franciliens sont confrontés à une variété de modes de désignation des élus et des combinaisons différentes selon les territoires. Tout cela de manière très peu lisible pour l’immense majorité d’entre eux !

S’y retrouver dans le maquis des modes de scrutin

Depuis la loi du 17 mai 2013, deux modes de scrutin communaux différencient les communes de moins de 1 000 habitants de toutes les autres (contre une distinction à 3 500 habitants antérieurement).
Les élections municipales dans ces « petites » communes sont organisées selon un scrutin majoritaire plurinominal avec panachage. Les candidats sont élus en leur nom propre, individuellement ou au sein d’une liste (qui peut compter moins de noms que de sièges à pourvoir), à la majorité absolue au premier tour, ou relative au second. Les électeurs peuvent donc cocher des noms dans des listes différentes (le panachage). Il est possible, sous certaines conditions, d’ajouter de nouveaux candidats au second tour, mais il n’est désormais plus valide de voter pour une personne qui n’est pas candidate.
Dans les communes de plus de 1 000 habitants, il s’agit d’un scrutin proportionnel de liste à deux tours. Celle arrivée en tête, au premier tour à la majorité absolue ou au second, bénéficie d’une « prime majoritaire » de 50 % des sièges à pourvoir. Les sièges restants sont ventilés entre l’ensemble des listes y compris la première. Le seuil d’accès au second tour est de 10 % des suffrages exprimés. Les listes concernées peuvent également fusionner avec celles ayant reçu plus de 5 % des voix.
Le dispositif est exactement le même à Paris, mais à l’échelle des arrondissements, ou plutôt des 17 secteurs électoraux. Depuis la loi du 28 février 2017, les quatre premiers arrondissements forment un secteur électoral unique, auquel s’ajoutent les seize  arrondissements restant. Les candidats des secteurs électoraux élus en position haute de leur liste sont automatiquement désignés pour siéger au Conseil de Paris. Le nombre est proportionnel au poids de leur liste au sein de leur secteur et au nombre de sièges dont bénéficie l’arrondissement au regard de sa population.

Ne pas oublier de voter pour l’intercommunalité

Le choix des électeurs ne s’arrête pas là ! Ils doivent également désigner leurs représentants au sein des intercommunalités. Même si le dispositif existait déjà en 2014, les Parisiens et de nombreux électeurs de petite couronne n’étaient alors pas encore concernés, leurs communes faisant partie du dernier wagon à avoir intégré le train de l’intercommunalité.
Désormais, dans toutes les communes, qu’elles appartiennent à des EPCI « de droit commun » de grande couronne ou à la Métropole du Grand Paris (131 communes), les bulletins comprendront la liste des candidats au conseil municipal et celle des impétrants aux sièges de représentants de la commune à l’intercommunalité. Cette seconde liste doit proposer uniquement des candidats présents sur la première et dans le même ordre, mais avec la possibilité de « sauter » des noms. Ainsi, rien n’oblige que la tête de liste à l’élection municipale, c’est-à-dire le potentiel futur maire, soit également candidat au conseil communautaire ou métropolitain (bien que cela soit le plus souvent le cas).
À Paris, le système est le même mais, là aussi, à l’échelle des arrondissements. À la liste des candidats au conseil d’arrondissement, comprenant elle-même la « sous-liste » des candidats au Conseil de Paris, s’ajoutera une seconde liste des candidats fléchés pour représenter la Ville de Paris à la MGP ! Paris comptera alors soixante représentants au sein du Conseil métropolitain, qui comprend désormais 208 sièges (arrêté interpréfectoral du 14 octobre 2019). Là aussi, le poids démographique de la commune ou de l’arrondissement influe sur le nombre de représentants.
Dernière subtilité, propre à l’Île-de-France, la désignation des conseillers des établissements publics territoriaux (EPT), les 11 EPCI à statut particulier de la petite couronne autour de Paris, se fera, elle de manière indirecte. Les citoyens des 130 communes de banlieue formant (avec Paris) la Métropole du Grand Paris voteront bien directement pour leurs conseillers municipaux et leurs conseillers métropolitains, mais ce sera leurs conseils municipaux qui choisiront, en leur sein, les conseillers de territoire, c’est-à-dire les élus composant l’assemblée délibérante de chaque EPT.

Des sortants...

Malgré cette complexité, le maillage étroit de l’organisation communale reste un élément clé de la démocratie en France. On a coutume de considérer qu’un électeur sur 100 est également conseiller municipal. L’Île-de-France n’est pas en reste avec 25 939 élus communaux sortants, parmi lesquels 3 863 sont aussi conseillers intercommunaux (communautaires, territoriaux ou métropolitains).
Dans ce collège des sortants, la parité n’est pas tout à fait atteinte en ce qui concerne les conseillères municipales avec 11 712 femmes sur 25 940, soit une part de 45 %. Le retard, par contre, est beaucoup plus marqué concernant les maires – 260 édiles sur 1 268 (environ 20%) – et les présidentes d’EPCI – 2 sur 63 (3%).
Du point de vue de l’âge, on l’a vu dans une précédente chronique consacrée à la prétendue « crise des maires », même si l’Île-de-France compte plus de maires plus jeunes que la moyenne nationale, les premiers magistrats âgés restent la norme. Quelque 144 maires ont moins de 50 ans (11 %), 285 entre 50 et 59 ans (23 %), 480 entre 60 et 69 ans (38 %) et 355 maires ont 70 ans et plus (28 %). Cela est-il dû au caractère majoritairement rural de la région et à l’écrasante majorité des petites communes ? De fait, alors que dans les communes de plus de 50 000 habitants, ces quatre classes d’âge représentent respectivement un quart des maires dans les communes de moins de 10 000 habitants, les édiles de 60 ans et plus forment environ 70 % du total. Les maires de moins de 50 ans composent moins de 10 % du contingent.

Inévitablement, cette donnée se traduit par une distribution différente, selon les territoires, du nombre de mandats déjà exercés par les sortants. En Île-de-France, 50 % des maires n’ont, pour le moment, été élus qu’une seule fois au siège de premier magistrat (ce qui suppose souvent d’avoir réalisé un ou plusieurs mandats de conseiller municipal avant). Mais l’autre moitié a déjà exercé plusieurs fois la fonction : 22 % terminent leur deuxième mandat, 17 % le troisième et 12 % au moins le quatrième ! Étonnamment, dans les communes de moins de 1 000 habitants, comme dans celles de plus de 50 000, on rencontre une surreprésentation des maires qui achèvent seulement leur premier sextennat (environ 60 %). En revanche, c’est bien dans la strate des plus petites municipalités que l’on trouve le plus de maires à plus de trois mandats (39 %), et c’est dans les grandes villes qu’ils sont le moins bien représentés (27 %).

...aux candidats

Qu’en sera-t-il de cette longévité après les élections ? En tout état de cause, d’après les éléments mis à disposition par le ministère de l’Intérieur, 915 maires franciliens sortants sont de nouveaux candidats aux élections municipales en mars 2020, soit 72 %. La région compte au total 82 578 candidats, dont 73 257 le sont sur 2 242 listes. 49,4 % des candidats sont des candidates mais 29 % seulement des têtes de liste sont des femmes. 

Contrairement aux 106 communes françaises où l’élection ne pourra pas avoir lieu faute de candidats, aucune commune d’Île-de-France n’est concernée par cette carence. Bien au contraire, toutes les communes de moins de 1 000 habitants ont suffisamment de candidats pour pourvoir la totalité des sièges de leurs conseils municipaux. Cependant, dans 490 communes (39 % des communes franciliennes) avec un faible nombre de candidats, le résultat est connu d’avance : seule une liste sera présente au premier tour ou, dans les communes de moins de 1 000 habitants, on trouve juste le nombre de candidats suffisant pour pourvoir la totalité des sièges au conseil municipal.

La prochaine chronique que nous publierons après les élections sera l’occasion de comparer les résultats entre les scrutins de 2014 et de 2020. Autant d’éléments qui nous permettront de dresser un nouveau portrait du paysage électoral francilien. 

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