Dans l’imaginaire collectif, le sénateur français est un homme aux cheveux gris, qui a exercé dans la fonction publique et cumule des mandats.
Qui sont les nouveaux sénateurs franciliens ?
Chronique du paysage politique francilien n° 8 Sommaire
Les représentants franciliens au Sénat sont-ils vraiment à l’image de ce cliché ? Après un renouvellement complet de ses élus locaux dans les dernières années (cf. Note rapide n° 970, Les nouveaux élus franciliens : portraits et territoires), l’Île-de-France était la seule région métropolitaine dont la totalité des sièges de sénateur était remise en jeu lors des élections du 24 septembre 2023. Implantation territoriale, âge, parité et cumul : cette chronique esquisse un portrait détaillé des 53 représentants de notre région siégeant au Palais du Luxembourg.
Un renouvellement de près de la moitié des sénateurs franciliens
Le premier enseignement des dernières élections sénatoriales est qu’elles ont conduit à un important renouvellement. Parmi les 53 sénateurs que compte l'Île-de-France, ce ne sont pas moins de 23 sièges qui ont changé de titulaire, soit un taux de renouvellement de plus de 43 %. Cette tendance s'inscrit parfaitement dans le contexte national, où l'on observe un taux de renouvellement de 44,1 % parmi les 170 sièges à pourvoir sur l'ensemble du territoire français. En Île-de-France, quinze sénateurs ne se représentaient pas, tandis que huit sortants n'ont pas été réélus.
Au niveau départemental, c’est à Paris que le renouvellement a été le plus important où huit des douze sièges ont changé de titulaire. Cela vient poursuivre un mouvement engagé en 2017, les quatre sortants réélus entamant seulement cette année leur deuxième mandat.
Avec l'arrivée de neuf nouveaux élus pour occuper les 18 sièges de sénateur à pourvoir, les trois départements de l’Est (Seine-et-Marne, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) ont enregistré un taux de renouvellement de 50 %. Une particularité mérite toutefois d'être notée : Laurence Rossignol, nouvellement élue dans le 94, était déjà sénatrice lors de la précédente mandature, mais dans l’Oise (Hauts-de-France). Dans les Yvelines, l’Essonne et les Hauts-de-Seine, la stabilité est de mise, avec seulement trois nouveaux parlementaires pour 18 places.
Une tendance au rajeunissement des sénateurs
Le rajeunissement des élus au Palais du Luxembourg s’inscrit dans une tendance progressive. En 2014, l'âge moyen des sénateurs était de 61 ans et neuf mois ; aujourd'hui, cette moyenne s'est abaissée à 59 ans et onze mois. Dans la Note rapide n° 970, publiée en janvier 2023, nous faisions le constat d’un « personnel politique francilien [qui] se caractérise par un âge moyen plutôt inférieur à celui des élus de province et par une représentation plus forte des moins de 30 ans [à] mettre en relation avec le fait que l’Île-de-France est la région la plus jeune de France ». Les sénatoriales de 2023 ont confirmé cette tendance avec le passage d'un âge moyen des sénateurs franciliens à 58,8 ans contre 62,8 ans avant les élections. Pour l'anecdote, soulignons que le doyen, Pierre Cuypers (Seine-et-Marne), a célébré son 79e anniversaire, tandis qu'Aymeric Durox (Seine-et-Marne), le benjamin, n'a soufflé que 38 bougies.
Cependant, en restant fidèle à l'origine latine du mot sénat - senatus qui signifie « conseil des anciens » -, la moyenne d'âge de ses élus demeure élevée. À titre de comparaison, celle des députés franciliens est de 47,9 ans. Le critère d'âge minimal de 24 ans pour être candidat, contrairement aux 18 ans requis pour tous les autres scrutins, constitue potentiellement une explication. Toutefois, d'autres facteurs tels que l'expérience et les réseaux sont également à considérer.
Une longue expérience politique… en évolution
Les sénateurs sont élus au suffrage universel indirect par des « grands électeurs » constitués des parlementaires, des conseillers régionaux et départementaux et des délégués des conseils municipaux. Ce mode de scrutin favorise le choix de personnes s’étant constituées, dans le temps long, un fort capital politique.
L’expérience politique moyenne des sénateurs franciliens, au sens de la durée des mandats préalables, est de vingt ans (médiane de seize ans). Deux sénateurs, Christian Cambon et Pierre Cuypers, ont entamé leur premier mandat local en 1971, cumulant ainsi une expérience de cinquante-deux ans dans la vie politique de notre région. À l’inverse, trois sénateurs, Aymeric Durox, Francis Szpiner et Adel Ziane, affichent une expérience politique relativement récente de seulement trois années.
Parmi les 53 sénateurs élus en 2023, 25 ont ou ont eu une expérience politique en intercommunalité, 21 en qualité de conseiller régional et 13 comme conseiller départemental. Seuls trois sénateurs, Laure Darcos, Yannick Jadot et Corinne Narassiguin, n’ont jamais exercé de mandat municipal.
Cependant, la durée de l'exercice du mandat de sénateur proprement dit tend, elle, à diminuer. Quelque 22 sénateurs n'avaient ainsi aucune antériorité dans l'hémicycle avant ce premier mandat, et seuls huit élus bénéficient d'une expérience au Palais du Luxembourg dépassant les dix ans.
Le cumul des mandats demeure la règle
Depuis 2014, l’encadrement du cumul des mandats par les sénateurs a été renforcé :
- un sénateur ne peut pas cumuler un mandat exécutif local, c'est-à-dire la présidence ou la vice-présidence d'un conseil régional, d’un département ou d’un EPCI. Il ne peut pas non plus être maire ou adjoint au maire ;
- il peut conserver en parallèle un seul et unique mandat de conseiller local (régional, départemental ou du bloc communal, sauf s’il s’agit d’une commune de moins de 1 000 habitants).
En résumé, un sénateur peut cumuler son mandat avec celui de conseiller régional, ou de conseiller départemental, ou de conseiller municipal (et éventuellement celui de conseiller communautaire, métropolitain, et/ou territorial). Ces règles ont été mises en application depuis les élections de 2017.
Qu'en est-il en Île-de-France ?
Depuis une décennie, on observe une hausse continue du cumul de mandat de sénateur francilien avec des mandats locaux, non exécutifs, à l'inverse des députés et en dépit d’une législation identique (cf. Note rapide n° 970). Le taux de sénateurs cumulant ainsi un mandat local est passé de 57 %, lors de la mandature de 2011, à 62 % pour la mandature 2017, puis à 66 % en 2023.
Au soir des sénatoriales de septembre 2023 en Île-de-France :
• douze sénateurs n'ont aucun autre mandat en cours ;
• neuf exercent un mandat local non exécutif (quatre « simples » conseillers municipaux, trois conseillers départementaux et deux conseillers régionaux), ce qui constitue un cumul autorisé par la loi ;
• quinze exercent plusieurs mandats, mais tous au sein du « bloc communal », ce qui est également permis par la loi (cela concerne quinze conseillers municipaux, ou de Paris, siégeant également au sein du conseil d’un EPCI de droit commun, d’un EPT et/ou de la Métropole du Grand Paris).
Par ailleurs, 17 nouveaux élus du Palais du Luxembourg se sont trouvés dans l’obligation de renoncer à tout ou partie des responsabilités électives et exécutives qu’ils exerçaient jusqu’alors :
• deux députés européens (Agnès Evren et Yannick Jadot) ;
• cinq maires, dont Louis Vogel le premier magistrat de Melun, également président de son EPCI et conseiller régional, ainsi que Marie-Carole Ciuntu, maire de Sucy-en-Brie, vice-présidente de la Région Île-de-France et conseillère territoriale et métropolitaine ;
• sept maires adjoints, dont trois issus de l’exécutif parisien (Ian Brossat, Colombe Brossel et Anne Souyris), et Marie-Do Aeschlimann ayant dû renoncer à ses délégations à la commune d’Asnières-sur-Seine, à l’EPT Boucle Nord de Seine et à la Région Île-de-France ;
• trois élus cumulant des mandats dans plusieurs collectivités territoriales (deux conseillers municipaux également élus dans leur département et un élu communal également conseiller régional).
Une féminisation en panne
D’après l’Observatoire des inégalités (bilan des élections sénatoriales publié en ligne le 26 septembre 2023), la parité, après une évolution très forte dans les dernières décennies, ne progresse plus au Sénat et recule même à l’Assemblée nationale.
En 1998, à l’échelle nationale, seulement 6 % des membres de la Chambre haute étaient des femmes. Ce pourcentage a ensuite progressé à 22 % en 2008, à 31 % en 2017, à 35 % en 2020, pour atteindre finalement 36 % en 2023 avec seulement un point de progression. De son côté, l’Île-de-France fait un peu mieux avec une représentation féminine approchant les 40 %, soit 21 élues, aux dernières élections. Paris se distingue avec sept sénatrices sur un total de douze élus, le département des Yvelines atteint la parité, tandis que les Hauts-de-Seine et l'Essonne se situent dans la moyenne. En revanche, la Seine-Saint-Denis et le Val-d’Oise présentent un retard significatif avec seulement une sénatrice dans chacun de ces départements.
Les élections sénatoriales de 2023 auront parachevé un mouvement très important de renouvellement du personnel politique francilien, confirmant les spécificités et les dynamiques de la sociologie et de la géopolitique de notre région. Le détail des identités et des territoires d’ancrage politique des élus franciliens peut être retrouvé dans la cartographie interactive Cartoviz des Élus et Élues d’Île-de-France, qui sera mise à jour pour intégrer tous les mouvements résultant des règles limitant les cumuls de mandat en début d’année 2024.
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