Retour sur les municipales 2020 : les « nouveaux » profils des maires et présidents d'intercommunalités en Île-de-France
Chronique du paysage politique francilien n° 7 Sommaire
Après le temps médiatique des élections, le scrutin du printemps et de l’été 2020 a laissé la place aux désignations des maires et présidents d’intercommunalités, véritable « 3e tour électoral ». Avec la mise à jour de notre cartographie interactive et de nos données sur la gouvernance des communes et intercommunalités, cette chronique apporte des éléments inédits d’analyse et de bilan sur la séquence électorale de 2020 en Île-de-France. Derrière un renouvellement communal timide, la constance politique de l’échelon local semble cacher une tendance plus profonde d’affirmation du pouvoir intercommunal.
L’histoire racontée depuis un an par la série de nos chroniques sur les élections municipales et intercommunales de 2020 en Île-de-France est avant tout celle de la stabilité, pour ne pas dire de l’inertie, du système démocratique communal. Si renouvellement il y a, celui-ci s’opère de manière très progressive avec une réelle continuité dans le gouvernement des territoires.
Une chose est sûre, la « crise des maires », dont le diagnostic revendiqué par l’AMF faisait l’objet de notre premier numéro, a fait long feu. Comme indiqué en mars, juste avant le 1er tour, près de trois quart des édiles sortants se sont représentés. En fin de compte, plus que d’usure ou de lassitude du pouvoir municipal, il faudrait plutôt évoquer une relative désillusion chez les nouveaux venus. Parmi les 285 maires franciliens sortants qui n’ont pas souhaité « rempiler » (auxquels il faut en ajouter 10 qui ont concouru en position inéligible), un tiers terminait son premier et donc unique mandat au printemps dernier.
Les maires d’Île-de-France : le changement dans la continuité
Concernant les résultats du scrutin, nos données « sorties des urnes » de juillet (cf. chronique n° 6) faisaient état d’une forte stabilité au regard des listes arrivées en tête dans les communes de plus de 1 000 habitants. La mise à jour du répertoire national des élus, opérée pendant l’été par le ministère de l’Intérieur, permet d’affiner la vision sur l’ensemble du territoire régional en intégrant les identités des maires effectivement désignés par les conseils municipaux renouvelés. L’abstention massive et la prime aux sortants, diverse selon les contextes locaux mais souvent renforcée par la gestion de proximité de la crise sanitaire, ont fait leur œuvre : sur les 1 268 communes franciliennes, 812 ont conservé leur premier magistrat !
La continuité s’incarne même du côté des « battus ». Seuls 26 sortants qui se représentaient en position éligible n’ont pas du tout été réélus ; 123 se sont maintenus dans l’assemblée communale comme simples conseillers municipaux ; 12 gardent un pied dans l’exécutif comme maires adjoints ou conseillers délégués.
Pour ce qui est des « gagnants », malgré des changements de maires qui ne concernent qu’un tiers des communes (456), un renouvellement relatif s’opère tout de même. Comme le montre l’infographie ci-dessus, la génération des édiles élus pour la première fois dans les années 2000 est en train de s’effacer. La moyenne d’âge est descendue de 63 à 59 ans. Du point de vue de la parité, la féminisation est en progrès, même, si là aussi, l’évolution est mesurée avec 277 femmes maires contre 220 précédemment. À ce rythme, la barre des 50 % sera atteinte en 2050 !
Les intercommunalités franciliennes : équilibres confirmés et nouveaux enjeux de pouvoir
La carte politique des intercommunalités est le décalque de celle des communes. Si les conseillers communautaires sont désormais désignés au suffrage universel direct, le système du fléchage (voir chronique n° 3) assure que les résultats électoraux des municipalités déterminent ceux de leurs groupements. Il en est résulté en 2020 une stabilité quasi totale de la couleur politique des exécutifs des EPCI d’Île-de-France. Comme le montre la carte ci-dessous, les majorités sont restées les mêmes partout, sauf dans deux cas, largement médiatisés, d’EPT en petite couronne : Plaine Commune est passé d’une majorité communiste à socialiste et Est Ensemble a suivi le chemin inverse. Les exécutifs, dominés par la droite, restent très largement majoritaires, avec 47 EPCI sur 62, à quoi il faut ajouter la Métropole du Grand Paris. Les partis de gauche conservent 11 structures, dont 4 EPT.
Cette stabilité ne signifie pas que les intercommunalités sont des institutions dépourvues d’enjeux politiques. On sait qu’elles ne sont pas autant régies par le fait majoritaire que les conseils municipaux. Cela résulte du mode de scrutin, mais également, dans certains territoires notamment périurbains et ruraux, d’une représentation plus fréquente des élus divers et sans étiquettes, ainsi que d’un certain respect de la primauté politique des communes, y compris de celles gouvernées par des maires d’opposition. En Île-de-France, encore plus qu’ailleurs, les intercommunalités, conçues comme des « coopératives de villes » et non comme des échelons indépendants et stratégiques, restent la norme. Pour autant, plus qu’avant semble-t-il, la compétition pour l’accès aux postes de responsabilité intercommunaux a fait rage durant l’été dernier. De nombreuses candidatures dissidentes se sont manifestées au sein des majorités établies et en opposition avec certaines présidences sortantes. Des tentations de promouvoir au niveau intercommunal des élus minoritaires dans leurs communes de rattachement ont été constatées. Les débats autour des exécutifs des grands syndicats intercommunaux corroborent cette impression que les intercommunalités, désormais dotées de moyens juridiques, financiers et humains importants, sont devenues de véritables lieux de pouvoir. Ces éléments sur l’évolution de la gouvernance intercommunale en Île-de-France gagneront à être étayés par des études, que nous nous attacherons à mener durant la mandature qui s’ouvre.
Une réalité s’impose néanmoins : les présidents des EPCI sont désormais des élus incontournables de la géopolitique francilienne. Si, parmi les 63 sortants, 7 ne se représentaient pas aux élections municipales (cf. notre chronique n° 5), au final ce sont 20 nouveaux noms qui ont fait leur entrée sur la carte des groupements de communes franciliens. On dénombre 6 femmes, dont 3 nouvelles présidentes, auxquelles s’ajoute Valérie Lacroute qui a retrouvé son siège à la tête du Pays de Nemours après avoir renoncé à celui qu’elle occupait à l’Assemblée nationale. Selon une étude nationale de l’AdCF (« Exécutifs intercommunaux : des analyses cartographiées » juillet 2020), l’Île-de-France est, avec près de 70 % de présidents sortants réélus, de très loin la région où la stabilité est la plus forte.
Le profil électoral des présidents d’intercommunalité est également intéressant à observer. Ainsi, la très grande majorité d’entre eux sont maires de leur commune d’origine. On dénombre par ailleurs deux présidents de conseils départementaux : Patrick Septiers (Moret Seine & Loing en Seine-et-Marne) et François Durovray (Val d’Yerres Val de Seine en Essonne). En grande couronne, 3 maires adjoints (Rambouillet Territoires, Dourdannais en Hurepoix, Val d’Essonne) et un « simple » conseiller municipal (Pays de Montereau) président des intercommunalités. En petite couronne, seul Michel Leprêtre, président de l’EPT Grand-Orly Seine Bièvre, n’est pas maire.
On constate donc, comme ailleurs en France, que l’intercommunalité reste entre les mains de maires et ne s’affirme qu’exceptionnellement comme un lieu de pouvoir autonome.
À cela s’ajoute que les EPCI franciliens continuent en 2020 à être gouvernés par des accords qui garantissent une place importante aux communes « périphériques » ou aux petites communes, dans une recherche d’équilibre politique avec les centralités qui sont souvent déjà les lieux d’élection des barons locaux. Si les présidents d’intercommunalités sont des élus de premiers plans dans leurs territoires, ils ne sont pas pour autant majoritairement issus des villes les plus importantes de ceux-ci. Au niveau régional, seuls 25 chefs d’exécutifs sur 62 (hors MGP) sont issus de la commune la plus peuplée de l’intercommunalité (cf. carte ci-dessus). En petite couronne, c’est-à-dire dans la zone la plus dense de l’agglomération où la notion de ville-centre est moins opérante, on rencontre tout de même 6 présidents d’EPT sur 11 issus de la commune démographiquement la plus importante. En revanche, comme le montre notre carte, en grande couronne, là où les bassins de vie et leurs chefs-lieux sont plus facilement identifiables, les élus des villes-centres sont très rarement ceux qui dominent l’entité intercommunale. Il existe des contre-exemples significatifs à Meaux, Provins, Melun, Nemours, Versailles, Houdan ou encore Cergy. Dans le Val-d’Oise et les Yvelines, on observe une plus grande mainmise du pouvoir urbain sur l’institution intercommunale. À l’inverse, en Essonne, aucun des maires des villes les plus importantes de chaque territoire, que ce soit Dourdan ou Étampes dans le rural, Massy dans l’agglomération ou même Évry-Courcouronnes, ne préside la structure de coopération intercommunale.
En définitive, la séquence électorale de 2020 n’a bouleversé ni les équilibres politiques territoriaux en Île-de-France ni ceux qui régissent les rapports entre les communes et leurs intercommunalités. La montée en puissance des secondes ne pourra être confortée que par une évolution du système électoral et le renforcement de leur légitimité politique. Dans la période de gestion de crise que nous connaissons, au cours de laquelle l’État ne manquera pas de réaffirmer sa recherche d’efficacité et de rationalisation de l’action publique décentralisée, il sera intéressant d’observer les mutations de la gouvernance locale de la région capitale.
Carte interactive des intercommunalitÉs
Pour aller plus loin dans l’analyse de la construction politique et institutionnelle des groupements intercommunaux franciliens, nous avons mis à jour et fait évoluer l’interface de notre Observatoire des intercommunalités d’Île-de-France. Vous y trouverez les données précises sur les nouvelles présidences, mais également des historiques, les compétences transférées...
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