Étudier les perspectives de croissance des ressources pour les collectivités revient donc à analyser les dynamiques prévues pour ces quatre grandes catégories.
Pour ce qui concerne les taxes adossées au foncier, les perspectives sont plutôt positives pour 2022. Depuis la Loi de Finances 2018, les valeurs locatives, base de taxation des impôts assis sur le foncier bâti, évoluent en fonction de l’indice des prix à la consommation. Avec une inflation de 3,4 % à la fin de l’année 2021, les impôts fonciers sur le bâti devraient progresser d’autant, et ce, sans compter sur l’éventuel levier des taux à disposition des communes (taxe foncière) ou des EPCI (taxe d’enlèvement des ordures ménagères, cotisation foncière des entreprises (CFE)). En procédant à une simple extrapolation, la croissance en volume des bases foncières contribuerait à augmenter les recettes réelles de fonctionnement d’environ 1,3 % (+250 à +300M€) parmi les communes franciliennes par rapport à la dernière année précédant la crise sanitaire (2019).
Les évolutions d’impôts attendues sur la fiscalité économique sont beaucoup plus contrastées. Si les EPCI devraient bénéficier d’une croissance de la CFE du fait de l’évolution des bases foncières, une baisse notable de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) devrait être observée. En fin d’année dernière, les services de la DGFIP (direction générale des finances publiques) anticipaient une baisse de 4 à 5 % par rapport à 2021, avec des évolutions extrêmement contrastées selon les EPCI. Les premières projections communiquées, relayées par Intercommunalités de France en novembre 2021, révélaient que plus de 80 % des EPCI franciliens pourraient connaître des baisses de CVAE : une dizaine subirait des baisses supérieures à 10 %. Les recettes définitivement perçues au titre de la CVAE seront connues ce mois de mars 2022 par les intercommunalités. Cette baisse s’ajoutera par ailleurs à une autre qui, elle, concernera tous les groupements à fiscalité propre : la dotation de compensation de la part salaires versée par l’État (voir chronique précédente). Il conviendra d’analyser dans quelle mesure les baisses de fiscalité économique subies par les EPCI pourraient faire l’objet d’une baisse des attributions de compensation qu’elles versent aux communes (disposition facilitée depuis la loi de Finances 2022). Enfin, il convient de noter que, à court terme, la taxe sur les bureaux – taxe spécifique à l’Île-de-France perçue par la Région – devrait être préservée : celle-ci est payée par le propriétaire quelle que soit l’occupation des locaux.
La part des ressources des collectivités provenant d’une fraction de taxes nationales progresse depuis 20 ans. Avec les conséquences en chaine de la suppression de la taxe d’habitation et la baisse des impôts de production, la TVA y tient une place prépondérante pour les Régions, les départements, Paris et les EPCI. Dans l’attente des chiffres consolidés qui sortiront cet été, on estime que cette taxe abonde pour au moins 7,5 milliards d’euros les comptes de ces structures dans la région. Pour 2022, les perspectives de croissance de cette ressource devraient être positives : +5 à 6 % selon les projections du gouvernement.
Enfin, les droits de mutation, qui constituent une ressource importante pour les communes (850 M€ en 2020) et départements (1,7 Mds), devraient progresser sur 2022. Les budgets primitifs (BP) votés par les Yvelines (+27 % par rapport au précédent BP), la Seine-et-Marne (+22 %) et la Seine-Saint-Denis (+2 %) vont dans ce sens.
Quelles répercussions de l’inflation sur les budgets 2022 ?
Avec la situation internationale, les exercices budgétaires de 2022 devraient être fortement contraints par les conséquences en chaine de l’inflation observées sur certaines matières, au premier rang desquelles celles dont les prix sont directement ou indirectement corrélés avec des énergies fossiles.
Une des premières conséquences devrait être le renchérissement des dépenses consacrées à l’énergie, l’achat de combustibles et de carburants. Celles-ci représentaient en 2020 plus de 700 M€ dans la région, soit environ 2 % des dépenses de fonctionnement constatées cette même année (périmètre : communes, EPCI, départements, région et syndicats- Source : calculs de L’Institut d’après balances comptables DGFIP). Le poids de ce poste est légèrement supérieur pour le bloc communal qui a en charge des compétences opérationnelles davantage assurées sous maitrise d’ouvrage directe : entretien de la voirie, gestion d’équipements scolaires, sportifs ou culturels. Une partie de cette dépense est toutefois préservée d’une dérive des prix à court terme - l’électricité - du fait des mesures gouvernementales visant à limiter l’augmentation du prix du kWh. De la même façon, l’évolution des cours des aliments ne sera pas sans conséquence sur les comptes des communes, départements et Région qui ont respectivement la charge de la restauration scolaire des écoles primaires, des collèges et lycées.
Une autre répercussion indirecte en perspective pour les collectivités provient des contrats passés par les prestataires de services. Le recours à l’externalisation représente en 2020, 2,3 milliards d’euros en Île-de-France (toutes collectivités et intercommunalités confondues). Sur des contrats pluriannuels, des clauses de révision sont préalablement définies par les collectivités afin que les prix facturés par les prestataires internalisent les évolutions de coûts que ces derniers ont à supporter. Au regard des évolutions observées dès 2021 et de celles attendues, la crainte est forte que les services publics externalisés nécessitant une forte consommation d’énergie connaissent une hausse significative des coûts : collecte des déchets, distribution de l’eau, gestion des eaux usés, transports. À titre d’exemple, en utilisant une formule de révision « type » utilisée par de nombreuses intercommunalités franciliennes, l’évolution du seul paramètre « prix des carburants » pourrait avoir renchéri les coûts de collecte de 3 % en 2021, soit environ plus de 15 M€. Au regard des prix constatés en ce début d’année puis au mois de mars avec le conflit en Ukraine, la crainte est forte que les prix augmentent encore davantage cette année. L’augmentation des prix pourrait par ailleurs être doublé pour les services publics administratifs (SPA) avec l’augmentation de la TVA induite (pas de possibilité de récupérer la TVA pour les SPA sur les dépenses de fonctionnement).
Enfin, il conviendra d’analyser dans quelle mesure ces tensions sur les dépenses de fonctionnement, couplées à des perspectives de hausse des taux d’intérêts, pourront limiter l’épargne des collectivités et, in fine, impacter le financement de projets d’investissements qui subissent les mêmes tensions sur les coûts et l’approvisionnement des matières.
Valentin Sauques