Intercommunalités franciliennes, enseignement supérieur et recherche : entre compétitivité et ancrage territorial

Chronique de l'interco n° 13

16 juin 2016ContactAgnès Parnaix et Corinne de Berny

Alors que l’enseignement supérieur et la recherche (ESR), compétences d’État, relèvent sur le plan local d’un « chef de filât » régional, comment s’organise l’action d’intercommunalités profondément restructurées suite aux récentes lois Maptam du 27 janvier 2014 et NOTRe du 7 août 2015 ?

Une intercommunalité sur quatre compétente

Avec 635 000 étudiants, l’Île-de-France compte le quart des étudiants inscrits en France métropolitaine et 41 % des dépenses de recherche y sont localisées. Dans ce contexte, une vingtaine d’intercommunalités ont manifesté leur l’intérêt pour l’ESR, au titre de compétences ou d’actions déjà engagées. Ces structures, anciens syndicats d’agglomération nouvelle, districts ou communautés plus récentes font, sauf exception, partie des plus importantes d’Île-de-France sur le plan démographique. Sans obligation légale, elles s’engagent au titre du développement économique, de l’aménagement de l’espace ou de compétences dédiées. Certaines ont statutairement limité leur intérêt au logement pour les étudiants.

Suite à la restructuration intercommunale intervenue en 2016, la continuité des compétences est, dans l’ensemble, assurée, mais des incertitudes demeurent pour certains établissements ayant fait l’objet de fusions ou d’un changement de statut (Evry Centre Essonne, Plateau de Saclay, Marne la Vallée –Val Maubuée, Plaine Commune). Au 1er janvier 2016, seulement le quart des intercommunalités franciliennes accueillant des sites d’enseignement supérieur sont compétentes en la matière, pour certaines sur une base territoriale partielle. Toutefois, cette géographie est susceptible d’évoluer au cours des deux prochaines années, au gré des décisions d’extension ou, au contraire, de restitution de compétences.

Nouveaux acteurs, nouvelles attributions ?

Alors que la loi Maptam a explicitement investi la plupart des métropoles d’une compétence obligatoire en ESR, rien de tel pour la métropole du Grand Paris (MGP).Néanmoins, sur décision des deux tiers de son conseil, la MGP pourra, dans les deux années à venir, se saisir de cette politique, à moins qu’elle n’en laisse l’initiative éventuelle aux établissements publics territoriaux (EPT). Dans ce cas, la ville de Paris, où sont inscrits la moitié des étudiants franciliens, conserverait ses propres attributions. Les EPT, qui succèdent aux groupements à fiscalité propre dissous au 31 décembre 2015, pourront, s’ils le souhaitent, rétrocéder des compétences, dans le même délai, aux communes. En grande couronne, l’appui des intercommunalités à l’ESR pourra relever de compétences obligatoires en développement économique, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une déclaration d’intérêt communautaire.

La nouveauté essentielle tient au « chef de filât » régional, introduit par la loi Maptam. Depuis la loi du 22 juillet 2013 relative à l’ESR, la Région est également chargée d’élaborer, en concertation avec les collectivités territoriales et leurs groupements compétents, un schéma régional de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (SRESRI). Dans le cadre de la conférence territoriale de l’action publique (CTAP), qui rassemble les acteurs, une « convention territoriale d’exercice partagé », engageant ses signataires, fixera les modalités concrètes de l’action commune.

S’accorder sur une vision stratégique, un enjeu à partager

Les intercommunalités, tout comme les collectivités territoriales, voient dans les politiques d’ESR un facteur d’attractivité, un outil de développement économique, d’aménagement de l’espace et de « vivre ensemble ». La CTAP et la préparation du SRESRI offrent une occasion de mettre en lumière ces enjeux partagés. Néanmoins les acteurs pourront-ils s’accorder sur une vision stratégique ? Comment concilier la polarisation des développements, destinée à conforter la compétitivité et la visibilité du secteur à l’international, et le maillage du territoire qui favorise l’accès des jeunes à l’enseignement supérieur ? Comment passer d’une politique de soutien à une stratégie territorialisée ?

Mais le principal défi est sans doute ailleurs. De nombreuses intercommunalités accueillent des sites universitaires sans être investies de cette compétence, tandis que les établissements d’ESR ont des politiques d’ancrage territorial inégales. L’entrée d’acteurs locaux dans la gouvernance complexe, tout particulièrement en Ile-de-France, de l’ESR est loin d’être achevée. Le double mouvement de réforme territoriale et universitaire facilitera-t-il cette ouverture mutuelle, propice aux projets ?

La concertation régionale aura sans doute le mérite de mettre les acteurs autour de la table, et de prendre la mesure des enjeux de mutualisation, dans un contexte de renforcement des contraintes budgétaires.

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