Intercommunalités franciliennes et politique de l’habitat : les conditions d’une montée en puissance
Chronique de l'interco n° 14
Alors que l’habitat demeure une compétence d’État, les lois récentes confortent les intercommunalités comme un acteur majeur de cette politique face à la crise du logement.
Les intercommunalités urbaines plus investies en matière d’habitat
En 2015, 73 % des intercommunalités franciliennes sont compétentes en matière d’habitat et 66 % pour les programmes locaux de l’habitat intercommunaux (PLHi). Le plus souvent, il s’agit de compétences obligatoires. Fin 2015, 36 % des intercommunalités franciliennes sont couvertes par l’un des 41 PLHi adoptés qui affichent globalement un objectif de construction de 35 000 logements/an, soit la moitié de l’objectif régional. Ils sont, sauf exception, l’apanage d’intercommunalités urbaines, dont les politiques de l’habitat sont, dans l’ensemble, plus structurées.
Au gré de leurs mises à jour, ces documents gagnent en opérationnalité : programme d’actions plus abouti, gouvernance améliorée, adéquation plus fine aux réalités locales.
Mais on ne compte que deux intercommunalités délégataires des aides à la pierre : Cergy-Pontoise et Melun Val de Seine. Quant aux offices publics de l’habitat (OPH) intercommunaux, ils détiennent un parc de 50 000 logements, en deçà de celui des OPH communaux (300 000) ou départementaux (100 000).
Renforcement du pilotage intercommunal suite aux réformes récentes
La métropole du Grand Paris (MGP) créée au 1er janvier 2016 est appelée à constituer un acteur de poids en matière d’habitat. Sa compétence de plein droit sera exercée par étapes à partir du 1er janvier 2017.
Premier acte de cette politique, la MGP sera de produire un plan métropolitain de l’habitat et de l’hébergement (PMHH). Il devra être compatible avec le schéma directeur de la région (Sdrif) et prendre en compte le schéma régional de l’habitat et de l’hébergement (SRHH) en cours d’élaboration, sous la houlette de l’État et de la Région. Le PMHH initial sera conçu au regard des PLH préexistants.
Face au défi inédit de couvrir un territoire de 7 millions d’habitants, la MGP peut solliciter des leviers opérationnels auprès de l’État : compétences dérogatoires pour créer des zones d’aménagement concerté ou délivrer des autorisations d’urbanisme, projet d’intérêt général, mise à disposition d’établissements publics d’aménagement. Une fois le PMHH approuvé par le conseil de la métropole, la MGP sera compétente pour la politique du logement et les aires d’accueil des gens du voyage, dont le sous-équipement est patent. Elle pourra également être délégataire de l’essentiel des dispositifs gérés par l’État, à commencer par les aides à la pierre.
Un partage de compétences avec les établissements publics territoriaux (EPT) est à organiser pour l’attribution des logements sociaux, les interventions sur le parc dégradé et insalubre. Les EPT disposent également d’attributions qui requerront une articulation avec les communes : le rattachement des OPHLM, les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi) et la politique de la ville.
En grande couronne, comme au niveau national, l’intercommunalité se voit renforcée dans ses compétences habitat, politique de la ville et PLU :
- rattachement de droit des OPH communaux aux communautés compétentes pour l’habitat,
- prise en charge obligatoire des aires d’accueil des gens du voyage,
- pilotage des politiques d’attribution de logements sociaux et gestion des demandes d’attribution pour les intercommunalités dotées d’un PLHi approuvé.
Des enjeux sociaux, spatiaux, institutionnels et opérationnels
Face à l’ampleur des besoins en logement des Franciliens, la production annuelle de 70 000 logements à l’échelle régionale visée par la loi du Grand Paris et le Sdrif est un enjeu important pour les futurs PLHi, dont le PMHH. Le législateur a également fixé un seuil de 25 % ou 20 % de logements sociaux par commune. Quarante communes franciliennes font aujourd’hui l’objet d’un constat de carence au titre de la loi SRU.
À la faveur de leur élargissement, les EPCI limitrophes de la MGP déjà investis en matière d’habitat conforteront leur ingénierie. Les PLHi mobiliseront un cercle plus vaste d’acteurs. Cette dynamique pourrait d’ailleurs inciter les intercommunalités de la « couronne rurale », jusque-là moins mobilisées sur le champ de l’habitat, à s’impliquer davantage.
La place de l’intercommunalité dans les politiques de l’habitat est à plusieurs égards à consolider. Des ajustements sont aussi à trouver entre la MGP et les EPT, dans une dynamique de partage de responsabilités avec l’État. Les communes gardent, de surcroît, de fortes prérogatives via la délivrance des permis de construire. Certaines entendent conserver la maîtrise de leurs outils en créant, par exemple, des entreprises publiques locales se substituant aux OPH.
Le périmètre intercommunal ne reste-t-il d’ailleurs pas trop restrictif au vu de l’acuité des enjeux franciliens ? Une mise en cohérence régionale, complétant les interventions intercommunales, sera nécessaire pour mettre en œuvre la mixité sociale et les équilibres territoriaux placés au cœur du projet de loi Égalité et citoyenneté. C’est une des finalités du SRHH.
En bref : la compétence intercommunale de l’habitat en Île-de-France
La compétence habitat est exercée à titre obligatoire ou de plein droit par les communautés urbaines, d’agglomération et la MGP.
Cette compétence est optionnelle ou facultative pour les communautés de communes.
Son appellation est déclinée selon la catégorie de l’établissement :
. Politique locale de l’habitat pour la MGP et les communautés urbaines.
. Équilibre social de l’habitat pour les communautés d’agglomération.
. politique du logement social d'intérêt communautaire et actions, par des opérations d'intérêt communautaire, en faveur du logement des personnes défavorisées, pour les communautés de communes à dotation globale de fonctionnement (DGF) bonifiée.
. Politique du logement et du cadre de vie pour les autres communautés de communes.
L’habitat est une compétence locale partagée avec les EPT et les communes membres pour la MGP, avec les communes pour les autres intercommunalités.
La reconnaissance d’intérêt métropolitain ou communautaire, lorsque les compétences y sont subordonnées, est définie deux ans au plus tard après la création de la structure intercommunale (ex. : MGP) ou l’entrée en vigueur du transfert.
Le tableau suivant présente les dispositions issues de la loi NOTRe. Dans le cadre du projet de loi Égalité et citoyenneté, un report de la prise de compétence habitat au 31/12/2018 a été voté pour la MGP. Seul le transfert du PMHH est maintenu au 01/01/2017 (lecture Assemblée nationale, juillet 2016).
Pour en savoir plus
Projet de loi Égalité et citoyenneté, n° 3679
Loi Alur : loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové
Loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine
Loi SRU : loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains
Briant (Vincent de) « Qu’est-ce que la métropole du Grand Paris. La preuve par la politique locale de l’habitat », AJCT, mai 2014, p. 237-240
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