L'immobilier logistique francilien

Quelles trajectoires à l'horizon 2040 ?

14 novembre 2023ContactAntoine Beyer

Conjuguer au futur les besoins d’immobilier logistique dans la perspective de sobriété foncière inscrite dans le SDRIF-E

La perspective ZAN (Zéro artificialisation nette) à l’horizon 2040 implique un fort contingentement de l’artificialisation foncière régionale. Elle interpelle les professionnels du secteur, qui font valoir le nécessaire déploiement de l’immobilier logistique afin d'accompagner les mutations économiques et soutenir la réindustrialisation du pays. Face à cet effet ciseaux, il est indispensable de chercher à quantifier et à localiser plus précisément les besoins franciliens. La combinaison de différents scenarios permet d’envisager un futur possible, et bien que la variable pivot soit la superficie d’entrepôts à produire, la distribution géographique du bâti permet d’en prévoir les effets en termes de transport pour confronter les tendances aux objectifs du SDRIF-E.

Jusque-là, les études portant sur le secteur logistique se sont concentrées sur la compréhension de la géographie et des dynamiques passées de distribution des entrepôts. On compte entre 14 et 15 millions de m2 d’entrepôts à l’échelle francilienne, soit 1,2 % de la surface urbanisée (données Drieat, Afilog et L'Institut Paris Region). Mais à l’heure de la planification écologique et des ambitions de décarbonation, il est urgent d’anticiper la demande. Or, la prestation logistique combine des variables nombreuses (coût et disponibilité du foncier, taille des entrepôts, emprise au sol, types de véhicule et dispositifs de livraison, choix de motorisation, prix de l’énergie, option de massification du transport). Leurs interactions liées à des projections relativement ouvertes donnent donc un nombre élevé de combinaisons. C’est pourquoi, pour contraindre les choix, nous avons opté pour la méthode des scenarios, avec pour valeur centrale le besoin de surface logistique francilien à l’horizon 2040.

L’identification de quatre scenarios

En partant d’une analyse multifactorielle identifiée à partir de la méthode PESTEL, l’évolution probable du parc d’entrepôts peut se structurer autour de quatre trajectoires à la fois cohérentes et contrastées.

 

 

Le scénario « extensif » (+ 750 000 m2/an), repose sur l’hypothèse d’une évolution très dynamique des modes de consommation (e-commerce, offre omnicanale) fondée sur un élargissement constant de l’offre et de sa livraison instantanée (type quick commerce) au détriment des circuits classiques en magasin. L’adaptation logistique suppose des offres exigeantes (livraison express, retours…), dans un cadre où les canaux sont partiellement dédoublés. Cela conduit à multiplier les très grandes surfaces logistiques aux limites de l’Île-de-France et dans les régions voisines susceptibles de massifier les envois. Ce schéma suppose en retour de s’appuyer sur des plates-formes d’éclatement en zone dense pour optimiser la logistique du dernier kilomètre. Grande et petite logistique sont donc partie liée.

Un deuxième scénario correspond à une logique « business as usual », à savoir la poursuite des tendances dans un contexte économique suiviste. Les mécanismes de mutation de la consommation se prolongent sans rupture majeure sur la base de la demande annuelle de nouvelles surfaces d’entreposage de ces dernières décennies, à savoir 500 000 m2 annuels. À l’horizon 2040, le réseau routier structure toujours le transport de marchandises : radiales (autoroutes et routes nationales) et rocades (A 86 et Francilienne) restent des axes autour desquels les promoteurs s’installent pour avoir une accessibilité maximale à toute l’Île-de-France.

Le scénario « intensif » (+ ****m2/an) est une voie qui permet de répondre à une demande accrue en limitant l’emprise au sol de la fonction d’entreposage. En effet, le recours massif aux innovations permet d’optimiser l’entrepôt en combinant plusieurs technologies : automatisation, robotisation et digitalisation. Cette option gourmande en capital n’est valide que pour un foncier suffisamment contraint et coûteux. C’est pourquoi, elle se concentre d’abord à proximité des zones denses et des transports à faible externalités : VUL électriques, vélos cargos.

Enfin, le scénario « restrictif » (+ *** m2/an) retient deux options qui peuvent se combiner : un contexte réglementaire restrictif et des revendications environnementalistes. Dans les deux cas, une volonté forte permet de limiter la croissance du parc immobilier et de favoriser la mutation des sites existants. Les quelques nouveaux entrepôts à construire s’implantent à proximité des zones logistiques existantes, sans revenir sur le déséquilibre régional (la plupart des grands pôles logistiques se trouvent à l’est, où l’accessibilité routière est meilleure).

Les quatre trajectoires ont été présentées à différents panels d’acteurs (Région, État, chercheurs, aménageurs, haute fonction publique…) qui ont évalué la probabilité d’occurrence de chacun des scénarios. La synthèse des résultats obtenus présente une projection territoriale des scénarios, pondérée par les avis recueillis. Cette carte donne ainsi une représentation de l’immobilier logistique francilien à l’horizon 2040 à dire d’expert, qui ajouterait 8 millions de m2 aux 14 millions existants.

 

L’enveloppe foncière disponible du SDRIF-E doit prendre en compte divers objectifs politiques : le développement urbain résidentiel (+ 70 000 logements annuels en faveur du renforcement des pôles urbains secondaires), les besoins propres à la transition énergétique (infrastructure de transport alternatif et déploiement des énergies renouvelables), ainsi que les ambitions de réindustrialisation. On peut estimer à moins de 900 ha, le potentiel de surfaces en extension à vocation logistique. Seul le scenario « restrictif » entre dans l’épure foncière envisagée avec ses 680 ha de besoins exprimés, voire une combinaison à 50 % des scenarios « intensif » et « restrictif » qui porteraient les besoins d’artificialisation à 870 ha d’ici à 2040.

Ces résultats mettent en pleine lumière la trajectoire à suivre pour concrétiser l’effort de sobriété qui est à fournir par les acteurs du secteur, mais aussi la nécessité d’un changement radical des représentations et des discours des aménageurs. La plus grande vigilance doit être apportée dès à présent par les pouvoirs publics pour éviter les débordements et pour ce faire, mettre en place des dispositifs facilitant par tous les moyens l’intensification des activités d’entreposage.

Cette étude est reliée aux catégories suivantes :
Aménagement et territoires | Foncier | Économie | Mobilité et transports | Transport de marchandises et logistique | Planification | Planification territoriale

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