À Copenhague, des conteneurs flottants contre la crise du logement

Habiter autrement n° 2

24 octobre 2018ContactLucile Mettetal, Olivier Mandon, Lisa Laurence

 

À Copenhague, la start-up Urban Rigger propose des logements pour étudiants au caractère innovant : six conteneurs ont été transformés en un complexe de douze appartements « eco-friendly », flottant sur l’eau du port industriel de la ville.
Le prototype a été conçu par le célèbre architecte Bjarke Ingels (BIG) & Kim Loudrup (Urban Rigger /Udvikling Danmark).
 

L’histoire et le contexte

Le projet Urban Rigger est l’initiative d’une jeune entreprise danoise. Le concept fut d’abord pensé par un entrepreneur, Kim Loudrup. Constatant les difficultés qu’ont les jeunes à trouver un appartement en centre-ville, il eut l’idée de logements se situant dans une zone encore inutilisée : le port industriel désaffecté. Aujourd’hui 64 000 étudiants par an sont admis dans les universités de Copenhague et 24 000 environ n’ont pas de place en résidence et doivent trouver un appartement par leurs propres moyens. Plusieurs centaines de nouveaux inscrits en étude secondaire se retrouvent ainsi, chaque année, sur la liste officielle des personnes en besoin urgent de logement (éditée par l’Office municipal du logement étudiant).

La start-up Urban Rigger fut fondée en 2013, fruit d’une collaboration entre Kim Loudrup et l’architecte Bjarke Ingels (BIG), renommé pour ses constructions innovantes. Après trois ans de développement, le premier prototype, dessiné par Bjarke Ingels Group, a vu le jour en 2016. Une première plateforme a été installée sur l’île de Refshale (un ancien site industriel, situé dans le port de Copenhague), avec un contrat de location jusqu’en 2029.

D'ici août 2019, cinq Urban Riggers supplémentaires (60 nouveaux appartements) seront installés dans le port de Copenhague. Urban Rigger a remporté un projet à Göteborg, en Suède, pour 24 Urban Riggers (288 appartements), et des commandes sont en cours pour la ville de Malmö. Stockholm et New York sont intéressées, et Le Havre pourrait l’être également (en 2010, la ville inaugurait une résidence étudiante conçue à base de containers empilés, dans un style plus rudimentaire).

Les acteurs

Urban Rigger est en charge de la production et de la commercialisation des unités, tandis que l’entreprise Bjarke Ingels Group en fait le design. Leur client, dans le cas du prototype de Copenhague, est la société anonyme Udvikling Denmark (Danemark développement). La start-up travaille avec plusieurs fournisseurs privés, notamment Hanwha Q CELLS pour les panneaux photovoltaïques, ainsi que Grundfos et Danfoss pour les pompes à chaleur. L’espace sur l’eau appartient à la ville et la start-up paye une redevance pour l’occuper.

Les habitants

Ces logements sont pour l’instant destinés à des étudiants, sous la forme de locations privées. Au prix de 600 dollars de location par mois, les unités se veulent abordables pour les étudiants et visent à être compétitives par rapport au marché immobilier de Copenhague, qui affiche des loyers de 1 200 dollars dans le quartier du port. Compte tenu du caractère modulable et transportable des unités, il est question d’élargir le public concerné, notamment aux populations de migrants.

Les lieux

Le complexe est composé de six conteneurs disposés en triangle sur deux couches superposées. Ils contiennent chacun deux appartements (avec chambre, cuisine et salle de bain) d’environ 25 m² chacun. Les murs, les sols et les éléments de cuisine sont en bambou. Globalement, le choix des couleurs et des matériaux donne un aspect moderne et lumineux aux logements. Un jardin d’hiver a été aménagé au centre, et l’un des toits fait office de terrasse.

L’ensemble se divise en trois parties : 300 m2 de logements, 125 m2 de parties communes extérieures (une cours intérieure, un débarcadère pour kayak, une zone de barbecue, une zone de baignade et un toit-terrasse) et 230 m2 de ponton et de sous-sol (12 locaux de stockage, un local technique et une buanderie automatisée).

La conception

Urban Rigger mise sur le faible impact environnemental d’une solution qui consiste à recycler des containers en fin de vie. Traditionnellement, ces derniers sont fondus afin de réutiliser l’acier (un procédé très consommateur d’énergie) ou abandonnés. Au lieu d'utiliser des matériaux isolants traditionnels, Urban Rigger a opté pour l'aérogel, qui a été développé pour les engins spatiaux. Il s’agit d’un isolant constitué d’une fine feuille d’aluminium recyclé, provenant par exemple de cannettes.

L’installation est neutre en CO2. Le chauffage et la circulation de l’eau sont permis grâce à deux pompes à chaleur situées sous la ligne de flottaison. Étant en permanence en contact avec la mer, leur efficacité est maximale. Des panneaux solaires assurent l’approvisionnement en électricité. Le complexe est ainsi totalement  indépendant en énergie. De plus, en cas de déficience technique, il est possible d’utiliser la force issue des courants marins pour compenser.

La vie quotidienne

Le projet Urban Rigger est principalement développé en tant que résidence étudiante. Ce type d’habitat permet aux inscrits des universités de se rapprocher de leur lieu d’étude et de vivre en centre-ville, pour un loyer abordable. Urban Rigger est aussi une expérimentation sociale car il propose une forme de vie collective facilitée par des espaces communs généreux. La proximité de l’eau est un élément déterminant de la vie quotidienne, et la configuration des lieux en facilite l’accès, qu’il s’agisse d’y nager, de faire du kayak ou de s’allonger au bord de l’eau.

Conditions de réussite

Les unités de logements Urban Rigger ont été conçues pour utiliser l’espace aquatique comme un potentiel, en misant sur un procédé modulaire, à faible coût, pouvant être reproduit et diffusé. Urban Rigger permet d’optimiser l’espace dans des villes qui n’en disposent plus et d’utiliser les délaissés.
Ces zones maritimes sont la propriété des collectivités territoriales ; il est nécessaire d’obtenir leur autorisation et d’anticiper le coût d’amarrage. La présence d’étudiants, et donc la demande en petits logements individuels, doit être importante.

Considérant que l’industrie portuaire connaît un fort déclin, les fondateurs d'Urban Rigger souhaitent développer leur idée dans les espaces inhabités des grandes villes et faire naître ainsi de nouvelles formes d’urbanisation, en réponse au fort besoin de logements abordables. Le système de conteneur standardisé offre la flexibilité nécessaire à de multiples configurations et échelles. B. Ingels et K. Loudrup, les deux fondateurs de la start-up, ont prévu de modifier le concept et de l’adapter à de nouveaux publics, comme les populations immigrées de réfugiés. Une autre société danoise, CPH Containers, propose, elle aussi, de remédier au manque de logements étudiants avec des villages de conteneurs sur la terre ferme. 

Propos de Bjorn Norgaard, ingénieur à la production et business developper d’Urban Rigger

Je mise sur des partenariats avec les universités qui, dans les grandes villes, sont évidemment très concernées par l’enjeu du logement pour les étudiants.

Initialement, le projet était uniquement à l’attention des étudiants, mais un public beaucoup plus large est potentiellement concerné. Si nous obtenons le contrat avec la ville du Havre, les unités de logements seront destinées aux personnes âgées, aux célibataires, aux travailleurs mobiles… Et nous aurons aussi un complexe flottant pour la nourriture […] comme un restaurant composé de différentes petites cuisines. Si nous multiplions les unités, nous devons introduire des formes de mixité fonctionnelle. Il faut aussi amener de la vie, pas seulement pour les personnes résidentes, mais aussi pour s’ouvrir à l’ensemble de la ville et devenir un quartier à part entière.

Voir aussi




Photos ©Urban Rigger

Site web Urban Rigger

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