Pantin à l'heure de la mixité sociale : portraits de cadres résidents

Les Franciliens - Territoires et modes de vie   Sommaire

02 juillet 2021

La ville de Pantin est devenue le symbole des processus de gentrification qui opèrent dans des secteurs traditionnellement modestes du cœur de la métropole francilienne. Cette mutation urbaine et sociale s’est traduite par un recul de la pauvreté, une hausse de la part des cadres, un triplement des prix des appartements anciens depuis le début des années 2000, mais aussi par une accentuation des contrastes sociaux entre quartiers de la politique de la ville (les Courtillières, les Quatre-Chemins) et ceux qui attirent des populations plus aisées. Comment est vécue cette métamorphose ? Qui sont ces nouveaux-venus ? Quels parcours de vie, quelles aspirations ? Comment vivent-ils leur installation ? Éléments de réponse avec quelques portraits de ces nouveaux résidents pantinois. 

Areski (32 ans), directeur de l'expérience utilisateur chez BETC

Sevran (93) → Boursonne (Oise) → Pavillons-sous-Bois (93)

Areski est originaire du Val-d’Oise (Argenteuil, Herblay). Il effectue ses études à Paris et emménage dans le 2e arrondissement, puis dans le 10e près de l’agence de communication BETC, où il commence à travailler. Il suit l’agence lorsque celle-ci s’installe en 2016 à Pantin pour de bonnes raisons : la proximité professionnelle, le dynamisme de la commune, sa vie culturelle, la possibilité de déplacements à vélo et les opportunités immobilières. Areski prospecte de Laumière à Paris, au Pré-Saint-Gervais, en passant par Les Lilas, Romainville, Bobigny, mais c’est à Pantin qu’il s’installe il y a deux ans et demi. En attendant de trouver un bien à acquérir, il loue un appartement meublé au 7e étage d’un immeuble avec vue sur le canal, à 7 min à pied de BETC. Seule « frontière » à sa quête immobilière, le quartier des Quatre-Chemins, à ses yeux trop enclavé, éloigné du centre-ville et, bien qu’en mutation, encore trop peu sûr. Un témoignage qui accrédite la vision d’une ville marquée par une coupure entre un quartier paupérisé à l’ouest des voies ferrées et, de l’autre côté, un centre en fort développement. 

« Il existe plusieurs Pantin dans Pantin... »

« Banlieusard de base », les secteurs périphériques de la capitale ne l’ont jamais repoussé, Pantin offrant en outre l’avantage d’une banlieue desservie par le métro, et très praticable à vélo. L’implantation et la qualité de vie pantinoises sont telles que son « centre de gravité s’est complètement modifié » : il ne se rend plus à Paris que tous les trois/quatre mois. Areski déplore l’impact de la gentrification, déjà entamée il y a quelques années de cela, mais renforcée par l’arrivée des « BETCiens » et « néo-Pantinois » : le prix du mètre carré a doublé en dix ans et les familles ne trouvent plus à se loger.
Si Pantin était jusqu’à récemment une destination professionnelle, elle s’affirme désormais comme une commune d’ancrage résidentiel et familial. Plusieurs « bulles » cohabitent : celles des « néo » et des Pantinois historiques, mais une certaine porosité s’opère peu à peu, à travers par exemple les nombreuses instances de participation populaire, la programmation culturelle variée, et les espaces de « rassemblement » : cinéma 104, lieux hybrides tel le Dock B, d’abord enclave BETC au pied des Magasins généraux, aujourd’hui fréquenté par les Pantinois, jeunes, moins jeunes, célibataires, familles. « On ne s’installe pas à Pantin par hasard. Il faut quand même partager certaines valeurs, politiques, écologiques, et être ouvert à la mixité sociale. »

Les plus, les moins

+

  • Village urbain, esprit de quartier.
  • Qualité de vie, calme et convivialité.
  • Ville en plein essor culturel et économique.

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  • Inégalités sociales et urbaines très marquées.
  • Une transformation sociologique qui continue à faire flamber loyers et prix de l’immobilier : en moyenne 6900-7300 euros le m2, notamment dans le quartier Église de Pantin, qui constitue désormais le « triangle d’or » de la commune.

Lucile (35 ans), directrice de création chez BETC, et Johann (35 ans). Un bébé de 18 mois.

Est parisien → Pantin

Comme son conjoint, Lucile est une « vraie » parisienne, qui a toujours vécu dans l’est de la capitale, notamment vingt-cinq années chez ses parents dans le 19e arrondissement. Devenue locataire dans le 10e, Lucile se met en quête d’un bien à acquérir avec son conjoint Johann, toujours dans l’Est parisien. Entre-temps, BETC, l’agence où elle travaille, déménage à Pantin. 
Ils visitent une vingtaine de sites, mais c’est une petite maison accolée à un ancien hôtel à Pantin qui les fait franchir le périphérique il y a trois ans. Une situation idéale dans le quartier Pommiers (Haut-Pantin), à 10 min du canal. Prix d’acquisition : 6 000 €/m2 pour 85 m2 en loi Carrez (110 m2 de surface totale). S’il est certes confortable de se rendre à pied sur son lieu de travail, c’est avant tout le charme de cette maison qui décide de leur installation. Un emménagement qui aurait eu lieu de toute façon, même si BETC était restée à Paris.
Lucile découvre une ville métamorphosée. Elle considérait Pantin comme peu fréquentable, gardant le souvenir de visites chez des amis de sa famille habitant le secteur Hoche, « un des pires quartiers où habiter quand j’étais enfant », et de promenades à vélo vers les Magasins généraux, alors haut lieu du graff, mais aussi zone « un peu glauque », suscitant en elle un sentiment d’insécurité. Aujourd’hui, c’est plutôt « bobo », pas encore de réel « mélange », mais les différentes sphères sociales se côtoient sans difficulté dans le centre-ville, se retrouvent même au Dock B, au skate park, etc. Il demeure cependant une ligne de fracture qui coupe la ville en deux : d’une part le secteur église/canal, d’autre part celui situé de l’autre côté de la ligne SNCF, qu’elle juge « moins secure ».

« La seule chose qu'il manque à Pantin, c’est la mer… »

Lucile et Johann ne pouvaient pas trouver « meilleur environnement et qualité de vie ». Ils se sentent parfaitement implantés, en étant impliqués dans les concertations citoyennes (réunions avec les élus sur la révision du PLU, construction d’un nouveau stade, etc.) et actifs sur le groupe Facebook Pantin Family, « une communauté solidaire » qui fédère anciens et nouveaux Pantinois autour d’échanges d’infos, de bons plans, de discussions sur l’évolution de la ville, etc.

 

Les plus, les moins

+

  • Plus de surface d’habitation, de lumière, de calme et d’espaces verts : le stade Charles-Auray en face, deux parcs à proximité, jamais bondés.
  • Une crèche formidable.

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  • Peu de commerces de proximité : une première épicerie à 10 mn à pied, une boulangerie encore plus éloignée (quartier de l’église).

Claire (48 ans), chargée de coordination technique au Centre national de la danse, et Olivier (48 ans). Deux enfants de 15 ans et de 3 ans.

Brunoy (91) → Pantin → Noisy-le-Sec → Pantin

Claire a vécu depuis l’enfance principalement à Vincennes (Val-de-Marne), puis à Brunoy (Essonne). Embauchée au CND en 2006, cette mère avec enfant souhaite se rapprocher de son lieu de travail situé à Pantin et réduire ses temps de transport. Autre exigence d’implantation : une bonne desserte en transports en commun, la proximité de Paris avec une liaison directe en métro. Initialement, Claire n’est pas particulièrement attirée par Pantin, qu’elle trouve même « très moche avec sa RN3 traversante ». Elle réexamine toutefois ses opinions et aspirations résidentielles pour se rapprocher du CND et d’un travail qui va probablement se pérenniser : elle s’installe une première fois à Pantin en 2006 dans une location privée, puis à Noisy-le-Sec pendant trois ans, où elle peut accéder pour la première fois à la propriété. Mais l’expérience ne la convainc pas et elle retourne à Pantin en 2017. Les prix immobiliers qui ont flambé entre-temps ne lui permettent plus d’acquérir un bien. Elle obtient alors assez facilement un logement social dans les nouvelles constructions situées en bord de canal, dans le « centre-église » : loyer de 960 €/mois pour 84 m2 (toutes charges comprises), qu’elle partage avec son compagnon et leurs deux enfants. 

« Après quelques réticences sur le territoire,
je mène une vie épanouie à Pantin… »

Claire est depuis tombée sous le charme de Pantin et goûte à une qualité de vie qu’elle n’aurait pas soupçonnée il y a quelques années. Elle a pu y développer une vie sociale et culturelle riche, des amitiés solides. Elle apprécie l’équilibre entre les logements sociaux et en accession, l’animation liée à l’activité économique, qui favorisent dans son quartier un « brassage » de populations harmonieux. C’est un quotidien paisible aux portes de Paris, et très peu de dégradations et d’actes de malveillance sont à déplorer. 
Claire et son conjoint se sentent tout à fait Pantinois et impliqués dans la vie sociale et de loisirs, grâce notamment à leurs enfants, mais aussi à travers l’association qu’ils ont créée pour enseigner la programmation informatique aux plus jeunes. Cela leur a permis de découvrir les quartiers des Courtillières et des Quatre-Chemins, très isolés géographiquement, à tel point qu’ils n’avaient pas conscience de leur appartenance à Pantin. 

 

Les plus, les moins

+

  • Richesse de la vie sociale et culturelle.
  • Le canal de l’Ourcq, point de rassemblement et lieu de promenade des plus agréables.
  • Qualité du logement social neuf. Mixité sociale.
  • Commune très active en faveur des habitants et des jeunes.
  • Proximité parisienne. 

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  • Les revers du développement urbain : beaucoup de constructions et de « béton ».
  • Très peu d’espaces verts.

Emmanuel (34 ans), directeur d’une société de conseil et de formation, et Claire (35 ans). Un enfant de 1 an.

Paris 16e → International → Paris 16e → Pantin, Quatre-Chemins

Emmanuel a vécu dans le 16e arrondissement de Paris (Trocadéro) jusqu’à l’âge de 20 ans. La poursuite de ses études le conduit dans diverses villes françaises et européennes, puis il regagne Paris. Il imagine alors monter un projet d’habitat partagé en indivision avec des cousins et cousines, et un ami. Ils recherchent alors une maison à rénover à Aubervilliers ou Pantin, seuls territoires où trouver encore quelques opportunités. Le groupe fait ainsi l’acquisition en 2015 d’une maison avec jardin et dépendance dans le quartier des Quatre-Chemins à Pantin, avec de lourds travaux à la clé. L’ensemble est redécoupé en logements individuels totalement indépendants, complétés par un espace collectif. C’est un habitat à la fois de jouissance, occupé par deux cousins, et de rapport pour les autres membres du groupe avec la mise en location de certains appartements. Coût de l’acquisition : 510 000 euros, auxquels s’ajoutent 160 000 euros de travaux.

Le métier d’Emmanuel consiste à accompagner les entreprises et les organismes dans la mise en place de nouveaux modèles de gouvernance partagée, telle l’holacratie, à travers la mutation des rôles de pouvoir : partage des responsabilités et responsabilisation, décision par consentement, processus de médiation, définition de la « raison d’être » individuelle et collective, etc. Ces principes ont également été mis en pratique au sein de l’indivision, qui prévoit une gouvernance collégiale et concertée. Les décisions les plus importantes sont prises grâce à un processus de gestion par consentement. Chacun est « responsable » de son appartement, occupé ou loué, et verse un loyer mensuel à l’indivision. Ce loyer est calculé sur la seule surface privative sans prise en compte des espaces partagés, car « quand quelque chose est dû, il s’accompagne d’exigence, quand c’est offert, on en prend soin ». La conception de l’espace et de la circulation au sein de la maison permet de respecter l’indépendance de chacun et de limiter éventuellement les tensions. 

« À Pantin, nous avons trouvé un quartier et un espace idéal
où mettre en place notre projet d’habitat partagé »

Le métier d’Emmanuel consiste à accompagner les entreprises et les organismes dans la mise en place de nouveaux modèles de gouvernance partagée, telle l’holacratie, à travers la mutation des rôles de pouvoir : partage des responsabilités et responsabilisation, décision par consentement, processus de médiation, définition de la « raison d’être » individuelle et collective, etc. Ces principes ont également été mis en pratique au sein de l’indivision, qui prévoit une gouvernance collégiale et concertée. Les décisions les plus importantes sont prises grâce à un processus de gestion par consentement. Chacun est « responsable » de son appartement, occupé ou loué, et verse un loyer mensuel à l’indivision. Ce loyer est calculé sur la seule surface privative sans prise en compte des espaces partagés, car « quand quelque chose est dû, il s’accompagne d’exigence, quand c’est offert, on en prend soin ». La conception de l’espace et de la circulation au sein de la maison permet de respecter l’indépendance de chacun et de limiter éventuellement les tensions. 

Emmanuel apprécie le cosmopolitisme des villes qu’il a traversées et où il s’est senti très à l’aise. La gentrification, à Pantin ou ailleurs, est un sujet largement débattu « entre cousins ». Ils pratiquent volontiers l’autodérision : « Oui, nous sommes des bobos parisiens qui débarquons… ». Emmanuel reconnaît le « bobo en lui », par exemple, lorsqu’il fait ses courses dans le quartier de l’église, secteur qui correspond davantage à ses « codes sociaux ». Selon lui, c’est l’hyperconcentration de la gentrification en centre-ville qui pose problème à Pantin. Un processus qu’il a observé à l’étranger. Par ailleurs, à Londres et à New York, désignées généralement comme des métropoles au multiculturalisme « réussi », les diverses communautés se côtoient assez peu, chacune demeurant sur son territoire. Un même regard qu’il porte sur la « mixité sociale », en France notamment, où « la peur de l’autre semble davantage marquée ». Dans le cadre d’une de ses missions professionnelles, en accompagnement des agents d’accueil PASS (permanence d’accès aux soins de santé) des exilés à la mairie de Saint-Denis, en coordination avec l’hôpital Avicenne, Emmanuel constate l’existence d’interactions entre les communautés, mais pas de réelle rencontre. Une « difficulté de la rencontre » qui empêche de créer une communauté plus large que les communautés d’appartenance.
Il pointe ainsi l’absence « d’espaces de rencontre ». Les tentatives pour rééquilibrer la ville de Pantin et aménager de tels lieux, comme la Cité fertile, la Halle Papin, etc., ont attiré immanquablement les mêmes publics parisiens, mais aucun habitant des Quatre-Chemins, par exemple. Cette position de « gentrifieur » peut paraître d’autant plus inconfortable que le groupe ne vit pas replié sur lui-même et réfléchit à des solutions pour endiguer le phénomène, ne serait-ce qu’à une micro-échelle de quartier. Emmanuel et son cousin avaient ainsi repéré une salle de cinéma désaffectée dans le secteur, pour y aménager un lieu où les différentes communautés pouvaient se retrouver. Des discussions ont été entamées avec le maire, mais n’ont pu aboutir, le bien en question étant une propriété privée. 
La mairie, elle, continue à maintenir un parc social important, à construire du logement « mixte », social et en accession. Cela permet de « ne pas exclure » et de « ne pas repousser plus loin ». En ce sens, cet objectif est atteint, selon Emmanuel.
Pour l’heure, à défaut de pouvoir agir plus concrètement aux Quatre-Chemins, la « rencontre » a lieu au sein même de la maison, grâce à la présence des locataires aux profils très variés : médecins de l’hôpital Avicenne, réfugiés libyens, cousine en cheminement spirituel de retour du Mexique, etc.

 

Les plus, les moins

+

  • « Il n’y a que des plus à Pantin. » Sur le plan de la mobilité, les bureaux de sa société, situés rue des Archives dans le Marais, sont accessibles en 30 min.

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  • La limite serait précisément « l’image » de Pantin : ville clivée, emblème de la gentrification.

Caroline, 55 ans, ingénieur de recherche en sciences humaines au CNRS, présidente de l’association Les 5-Chemins, à Pantin

Versailles (78) → Pantin, 5-Chemins

Caroline s’est installée dans le quartier des 5-Chemins à Pantin en 2011, près de la rue Cartier-Bresson, dos au cimetière (de l’Est parisien) et proche du futur écoquartier. Ce quartier est séparé de celui des Quatre-Chemins par les sheds, anciens bâtiments industriels réhabilités. 
Elle a longtemps vécu à Versailles, mais n’avait plus de raison d’y résider et a cherché à se rapprocher de membres de sa famille installés dans l’Est parisien. Afin d’éviter les complications de la vie en copropriété, elle se met en quête d’une petite maison dans une banlieue proche de Paris, où elle travaille. La nouvelle ligne du RER E, qui dessert Pantin, oriente ses recherches. Elle évite de prospecter du côté des Quatre-Chemins, quartier trop bruyant, avec beaucoup d’immeubles en mauvais état, entraînant de lourdes charges de copropriété. Elle recherche avant tout le calme, peu de charges, et finit par acquérir une maison dans une micro-copropriété de deux lots, ancien habitat ouvrier caractéristique de cet ancien quartier industriel. Les 5-Chemins offrent un avantage de poids : l’accès à pied à trois modes de transport, RER, métro et tram. Un secteur par ailleurs en pleine mutation.

Dès son installation, Caroline a apprécié ce quartier « de l’autre côté de la voie ferrée » pour son calme et son esprit familial. Elle se l’est approprié progressivement, « même le soir vers 21 h… 23 h, en y promenant mon chien ! », sans jamais ressentir de crainte particulière grâce à une vie nocturne peuplée de petits commerçants, de personnes qui traînent un peu, dans une ambiance « méditerranéenne » assez bonhomme. Depuis Caroline a eu vent de petits gangs qui sévissaient dans son secteur, avec vols à l’arraché, de plus en plus violents. Des commerçants ont été agressés, rackettés, et se sont réunis en association pour se faire entendre auprès de la mairie. Ses connaissances aux Quatre-Chemins se plaignent aussi de la dégradation de leurs conditions de vie par l’insécurité et ont créé le collectif SOS Quatre-Chemins.. 

« J’ai pu acquérir à Pantin une petite maison, dans un quartier en pleine rénovation,
convivial, et desservi par trois modes de transport…  »

Caroline est devenue présidente de l’association de quartier Les 5-Chemins, qui a une activité d’animation, mais dont les membres sont de plus en plus investis dans le suivi des projets urbains, principaux leviers d’amélioration du cadre de vie. Régulièrement, l’association prend rendez-vous avec les élus pour des « déambulations » dans le quartier, afin de discuter in situ des sujets qui affectent le quotidien des résidents : voirie, propreté, rénovation, etc. Les associations des Quatre-Chemins et 5-Chemins se soutiennent dans leurs initiatives et partagent leur expérience auprès des élus. Caroline témoigne de la présence d’un élan solidaire pour venir en aide aux personnes en grande précarité dans ces quartiers, mais déplore qu’une partie de la population ne participe pas aux consultations et débats organisés par la mairie. En ce sens, les associations tiennent un rôle de relais pour les prises de contact et le dialogue avec les élus.
Au regard de la rénovation urbaine, elle constate que « ces quartiers reviennent de très loin… Et il reste tant à faire… La ville n’a pas vraiment le choix ». Le programme de renouvellement urbain s’inscrit sur le temps long : la gestation puis la mise en route des projets s’étirent sur des décennies. Caroline assiste ainsi depuis dix ans à la transformation de son secteur. Le premier effet positif est d’abord « visuel » : les Quatre-Chemins, quartier alors délabré et extrêmement sale, est devenu un peu plus « propre », modifiant considérablement l’aspect général de la ville. Le marché Magenta, qui génère beaucoup de salissures, va être entièrement rénové. La mairie a également détruit des îlots insalubres dans lesquels il y avait eu des incendies mortels. Des immeubles de logement ont été reconstruits et agrémentés du square Anne-Frank, qui profite aujourd’hui aux enfants et aux adultes. Le parc Diderot a été agrandi et a fait l’objet d’une dépollution des sols. Rue Cartier-Bresson, l’ancienne usine des sciures de bois, désaffectée, squattée, puis incendiée, a été entièrement restaurée en tant que patrimoine industriel pour y aménager des appartements de standing. Ce nouvel ensemble immobilier, La Fabrique, a attiré une population beaucoup plus aisée, inédite dans ce secteur. La population pantinoise se transforme en même temps que son parc immobilier. L’environnement gagne certes en qualité, mais les Pantinois vivent une situation délicate « d’entre-deux » en étant confrontés aux effets secondaires de ces grands travaux (invasion de rats). Restent de fortes attentes concernant la voierie, très abîmée, avec des trottoirs impraticables pour les poussettes et les enfants, des problèmes de visibilité et de signalisation. 

Caroline est aussi sensible à la fragmentation sociale et urbaine du territoire communal. Elle cite le projet phare de l’écoquartier qui vise ce désenclavement en reliant les Quatre-Chemins et 5-Chemins à la gare et à la mairie. La mairie a négocié âprement avec la SNCF pour racheter une friche ferroviaire et y lancer ce chantier. Ce nouvel ensemble accueillera, entre autres, un centre de santé et un pôle artisanat. La rue Denis-Papin attenante a été refaite, végétalisée, et dotée d’une piste cyclable. En revanche, désenclaver les Courtillières, quartier le plus éloigné du centre-ville, de l’autre côté du cimetière et du fort d’Aubervilliers, est une opération plus complexe. Pour l’heure, seule l’ouverture de l’ensemble des portes du cimetière permet aux habitants de le traverser et d’accéder plus facilement à la rue Diderot et au secteur de la gare.

Conséquence de cette fragmentation communale, Caroline déplore le peu d’échanges entre les différents secteurs de Pantin. Au moment des fêtes de quartiers, les habitants des Quatre-Chemins participent très peu aux animations des 5-Chemins. À chacun ses fêtes, ses brocantes... Les habitants des Quatre-Chemins accèdent plus facilement à Aubervilliers, grâce notamment à une ligne de bus qui relie les deux communes. Les jeunes sont attirés par Paris, et les familles fréquentent La Villette. Les abords du canal de l’Ourcq se sont en effet boboïsés et ne proposent pas vraiment de restauration populaire. L’emploi peut parfois être un moyen de faire communiquer les quartiers. Caroline connaît par exemple dans son quartier des personnes recrutées chez Hermès pour l’activité d’entretien ou de restauration à la cantine.

 

Les plus, les moins

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  • Opportunité immobilière.
  • Quartier agréable, convivial et solidaire, avec beaucoup de potentiel. 

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  • La fracture urbaine et sociale.

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