Dans le cadre de l’Atelier international du Grand Paris, l’équipe des Urbanistes Associés, autour de Christian Devillers, a choisi de focaliser sa démarche sur les modes de vie et les usages du territoire. Afin de compléter l’analyse quantitative des bassins de vie présentée dans ce même numéro, nous avons réalisé1 une enquête exploratoire sur un territoire-pilote de l’Île-de-France, le Centre Essonne-Seine-Orge (Ceso), afin de mettre au point des éléments de méthode pour une approche qualitative plus large de la territorialisation des modes de vie dans le Grand Paris. En outre, l’exemple particulier de ce territoire, qui appartient à la grande couronne francilienne, a permis de questionner la spécificité des modes de vie et de leur ancrage spatial dans de tels espaces, par rapport à Paris et à la petite couronne.
Les éléments structurants des modes de vie
Étudier les modes de vie revient à analyser des pratiques, quotidiennes ou non, mais aussi l’imaginaire qui leur donne sens : chaque individu s’accommode de facteurs divers (capacités économiques, milieu socioculturel, capacités de déplacement…) considérés tantôt comme des contraintes, tantôt comme des opportunités. L’activité professionnelle pèse fortement sur les modes de vie, particulièrement dans la grande couronne. Mais le hors-travail les influence aussi fortement, ce qui suppose une organisation du mode de vie différente en fonction de la temporalité (semaine, week-end, congés). Ce temps permet, d’abord, de réaliser des activités contraintes (recours aux services administratifs ou de santé, courses d’approvisionnement, corvées ménagères…), mais les activités choisies y occupent une place déterminante. En témoignent une sociabilité des habitants du Ceso (réseaux amicaux et familiaux très forts, appartenance à des communautés professionnelles, relations de voisinage, réseaux communautaires…) et un engagement associatif souvent très riches ainsi que des pratiques de loisirs très fréquentes. Trois choses frappent : l’étendue de la gamme couverte par les engagements hors-travail, l’importance des réseaux, des activités et des équipements évoqués dans l’enquête et l’intensité de ces pratiques.
Le niveau d’équipement du territoire y joue un rôle. Par exemple, si le succès des activités de randonnée ou de course pédestre correspond à une tendance plus générale (les sports ou les activités de plein air rencontrent partout un grand succès), le fait que toute une partie du territoire soit « généreuse » pour ce type de pratiques n’a rien d’anecdotique : c’est un point fort qui peut donner une certaine unité de l’idée qu’une partie des habitants se fait du territoire. D’autres activités, culturelles et artistiques, n’ont pas la même transversalité, mais beaucoup sont très dynamiques et s’appuient sur des équipements forts : elles sont suffisamment satisfaisantes et diverses pour que l’on n’ait pas « besoin » de Paris.
Description de l’enquête
Cette enquête a été réalisée grâce à l’aide de l’Audeso (Agence d’urbanisme et de développement Seine-Orge) et en liaison avec la thèse (en convention Cifre) réalisée au sein et à l’initiative de cette agence d’urbanisme par Pauline Silvestre.
Compte tenu des contraintes matérielles et temporelles, nous avons réalisé, au cours de l’été 2013, une enquête auprès de vingt-cinq « experts » du territoire. L’expression désigne des acteurs qui, par leur activité professionnelle, leur engagement associatif ou leurs pratiques personnelles, sont amenés à côtoyer une ou des catégories d’usagers du territoire et donc à bien connaître leurs modes de vie. Ils devaient également présenter des profils différents et être implantés dans des intercommunalités variées. La construction de cette population d’enquête a été réalisée grâce à la collaboration avec l’Audeso qui possède une très bonne connaissance de son territoire et de ses acteurs.
L’analyse des entretiens visait trois objectifs :
- caractériser les éléments qui structurent les modes de vie pour les différentes catégories de population ;
- mettre en évidence la manière dont les individus inscrivent leur mode de vie dans l’espace ;
- établir une géographie des modes de vie sur ce territoire de la grande couronne.
Les résultats de cette enquête exploratoire auraient besoin d’être consolidés, mais ils fournissent la base d’un portrait du Ceso. Pour le reste de l’Île-de-France, ils donnent des pistes certainement pertinentes pour la grande couronne, mais pas nécessairement pour le noyau central.