Qualité, usages, assainissement et gestion de l’eau

Article extrait de l'état des lieux de l'environnement en Île-de-France

18 mars 2024Contact

Outre son rôle sur le plan paysager et hydrographique, l’eau est une ressource dont il faut assurer durablement la gestion. Relativement abondante en Île-de-France, elle n’en connaît pas moins des tensions liées aux prélèvements lors d’épisodes de sécheresse sévère. Essentiels à la vie, l’eau et les milieux associés à sa présence (rivières, berges, étangs, mares...) assurent des services écosystémiques en termes d’approvisionnement (production d’eau potable, irrigation…), de régulation (effet tampon, effet rafraîchissant…), de transport de biens et de personnes (rivières navigables) et d’évacuation des effluents avant traitement (assainissement), mais également sur le plan culturel et social (agrément, loisirs, paysage…). Si la qualité de l’eau du robinet s’est améliorée en Île-de-France (elle est globalement bonne), la qualité environnementale des eaux brutes n’est pas toujours dans un état satisfaisant.

Des progrès sur l’état écologique des cours d’eau, mais une qualité des eaux souterraines dégradée

Les cours d’eau franciliens sont soumis à plus de pressions qu’ailleurs dans le bassin Seine-Normandie. Leur état s’est néanmoins un peu amélioré depuis 2013. En revanche, de nombreux petits cours d’eau et des masses d’eau souterraines présentent un état écologique préoccupant, en raison des pollutions diffuses azotées (provenant notamment des fertilisants agricoles et des rejets de stations d’épuration) ou issues des produits phytosanitaires. Seules 16 % des rivières d’Île-de-France présentent un bon état chimique. Ce chiffre monte à 85 % lorsque l’on ne prend pas en compte les polluants ubiquistes : des substances à caractère persistant, bioaccumulables, présentes dans les milieux aquatiques (hydrocarbures aromatiques polycycliques, mercure…).

Enjeux

Dans un contexte de changement climatique qui augmentera le stress hydrique estival et limitera les recharges des nappes, il s’agit de maîtriser les volumes d’eau prélevés, mais aussi de limiter les pollutions diffuses, notamment agricoles (azote, phosphore et pesticides), ainsi que les pollutions émises par le milieu urbain. Des changements de pratiques agricoles doivent répondre à ces enjeux. En milieu urbain, la gestion intégrée de l’eau de pluie (noues, bassins à ciel ouvert, toitures végétalisées, espaces de pleine terre de différentes formes et de différentes tailles accueillant une végétation plus ou moins développée…) doit également permettre, en partie, de répondre à ces défis, en filtrant les polluants et en compensant l’imperméabilisation des sols. Développer les usages alternatifs à l’eau potable (utilisation d’eau de pluie et d’eaux grises) et promouvoir la séparation des urines constituent des pistes pour limiter les consommations d’eau, recycler l’azote et le phosphore, et limiter la pollution des milieux aquatiques. Ces pratiques doivent notamment être développées dans les nouveaux écoquartiers.

Concernant les eaux souterraines, leur état chimique est médiocre pour 85 % des 13 masses d’eau, comme sur l’ensemble du bassin Seine-Normandie, malgré une légère amélioration liée à la résorption progressive de substances désormais interdites d’utilisation. Les captages qui présentent les dépassements des normes réglementaires les plus fréquents pour les nitrates et les pesticides se situent principalement en Seine-et-Marne, dans les Yvelines et le Val-d’Oise. L’état quantitatif reste bon dans l’ensemble avec, cependant, des tensions quantitatives locales.

Masses d'eau souterraines

1%

sont en bon état quantitatif

Des niveaux de consommation d’eau élevés malgré une forte baisse

La baisse des consommations d’eau s’explique par l’amélioration des processus industriels, la disparition des industries fortement consommatrices en eau (les centrales thermiques, notamment) et la baisse de la consommation domestique. L’eau délivrée au robinet des consommateurs franciliens (3,3 millions de mètres cubes par jour) est produite à partir de 920 ouvrages de prélèvement. Parmi ces ouvrages, 19 prises d’eau de surface fournissent 55,3 % des débits exploités et 901 captages (forages, puits, sources, etc.) d’eaux souterraines fournissent 44,7 % des débits exploités. Cette eau est globalement de bonne qualité. Cependant, plus de 119 points de prélèvement ont dû être abandonnés entre 2000 et 2017 en Île-de-France, en raison de problèmes de qualité liés aux pollutions aux nitrates et aux pesticides.

Des menaces sur la ressource liées au changement climatique

Les projections du changement climatique sur le bassin Seine-Normandie laissent envisager de nombreux impacts sur le cycle hydrologique dès le milieu du xxie siècle avec, notamment, une tendance à la diminution des débits des cours d’eau. Cette tendance devrait faire augmenter la pollution des milieux aquatiques, puisque la baisse des volumes entraîne mécaniquement une baisse de la capacité de dilution des rejets d’effluents. Une grande partie du territoire régional devrait également connaître de très longues sécheresses du sol, quasiment sans retour possible à l’état actuel. La baisse de certaines nappes pourrait, en outre, atteindre plusieurs mètres, voire plus d’une dizaine de mètres au niveau local, sans même tenir compte de prélèvements accrus pour l’irrigation. Ces projections mettent à mal une éventuelle diversification agricole, qui sera soumise à des conditions d’irrigation contraintes, nécessitant des solutions alternatives.

Assainissement et gestion intégrée de l’eau en ville

L’Île-de-France présente des disparités entre des zones denses en population, souvent très imperméabilisées, et des zones rurales, avec, comme conséquence, un système d’assainissement domestique très concentré : la station Seine-Aval, à Achères, traite près de la moitié des effluents des 12,2 millions de Franciliens. Ces rejets très concentrés ont un impact important sur les milieux naturels, nécessitant des traitements poussés et un suivi constant. D’autant que ce système d’assainissement, majoritairement unitaire (réseaux mélangeant les effluents domestiques et les eaux de pluie), est vulnérable aux pluies d’orage et à la baisse des débits des rivières, annoncées par le changement climatique. En effet, le besoin de traitement est encore plus fort si les rivières n’ont plus de capacité de dilution ; et, à l’inverse, les très fortes pluies peuvent lessiver les surfaces imperméables et faire déborder les réseaux unitaires dans les milieux naturels, augmentant les pollutions.

L’enjeu d’une gestion intégrée de l’eau en ville est ainsi accentué par la densité urbaine et le changement climatique : il s’agit de désimperméabiliser et de gérer la pluie par des techniques alternatives aux réseaux, dont les atouts dépassent la dimension strictement hydraulique (végétation, biodiversité, fraîcheur, espaces publics…).

Enjeux

Au-delà de l’amélioration des traitements en stations d’épuration et de la conformité des branchements, la suppression ou la réduction d’usage des micropolluants doit être engagée. Par ailleurs, la promotion de solutions alternatives au système d’assainissement actuel, comme la séparation des urines, ouvre des pistes pour recycler l’azote et le phosphore, et limiter la pollution des milieux aquatiques. La désimperméabilisation des sols urbains et l’intégration des techniques alternatives de gestion des eaux de pluie aux aménagements sont deux réponses aux problèmes d’inondations et de débordements de réseaux sans traitement par temps de pluie. Les enjeux de réouverture des rivières, mais également de baignabilité de la Seine et de la Marne, prévus dans le cadre des Jeux olympiques d’été de 2024, constituent des leviers pour sécuriser l’assainissement, notamment par temps de pluie. Intégrer la gestion de l’eau de pluie aux aménagements répond à une diversité d’enjeux : biodiversité, adaptation au changement climatique et mise en valeur du paysage urbain.

Un système d’assainissement encore très concentré, largement unitaire et linéaire

Malgré une amélioration du traitement des eaux usées dans les stations par temps sec (mise en conformité avec la directive européenne « eau résiduaire urbaine » de 1991), des dysfonctionnements subsistent sur la collecte et le réseau (mauvais branchements) et, plus généralement, par temps de pluie. Dans un réseau unitaire, eaux usées et eaux de pluie transitent dans une même canalisation. Ce système d’assainissement, majoritaire dans l’agglomération parisienne (alors qu’il est plutôt séparatif dans les zones rurales), présente des limites, notamment le non-traitement des eaux usées en cas de fortes pluies et le surdimensionnement des canalisations par temps sec. C’est pourquoi les acteurs de l’eau promeuvent la gestion des eaux pluviales à la source et la désimperméabilisation, pour diminuer les apports d’eau de pluie aux réseaux. Par ailleurs, les stations d’épuration ne sont généralement pas conçues pour traiter les micropolluants, comme les cosmétiques, les médicaments, les solvants ou les plastifiants.

Du système d’assainissement francilien, il n’y a que 200 grammes d’azote par personne et par an qui retournent aux terres agricoles. Ainsi, sur environ 5 kilogrammes d’azote par personne et par an qui entrent dans le système d’assainissement, 1,9 kilogramme est rejeté dans le milieu naturel, et 2,8 kilogrammes sont traités et détruits par dénitrification et incinération de boues. Ce fonctionnement linéaire est imparfait : malgré des améliorations, il implique encore des pollutions sur les milieux naturels, ainsi qu’un gaspillage d’énergie et de nutriments utiles aux productions végétales, tout en émettant des gaz à effet de serre. Des alternatives sont étudiées pour valoriser en engrais agricoles les nutriments des excrétats humains, moyennant une séparation à la source des urines.

Une gestion intégrée de l’eau en ville qui progresse, mais à un rythme faible

Différentes techniques alternatives permettent de gérer les eaux de pluie en évitant la surcharge des réseaux lors de pluies intenses. Il s’agit soit de techniques enterrées (bassins, cuves…), soit de techniques à l’air libre, dont une partie est végétalisée (noues, bassins végétalisés, espaces de pleine terre de différentes formes et tailles, et certaines toitures stockantes présentant des substrats et des végétalisations plus ou moins importants). Ainsi, l’eau peut être évaporée, évapotranspirée par la végétation visible en surface et mieux appréhendée par les citoyens comme par les services qui gèrent ces ouvrages. La multifonctionnalité de ces ouvrages est un bénéfice par rapport à un patrimoine de tuyaux : rafraîchissement, création d’espaces verts supports de biodiversité, filtration des polluants qui améliore la qualité des cours d’eau, infiltration vers la nappe phréatique, meilleure résilience aux inondations… Autant d’atouts justifiant la place que la multifonctionnalité de ces aménagements exige par rapport à des réseaux classiques monofonctionnels. Cependant, le développement de cette gestion intégrée de la pluie n’est pas encore suffisant par rapport aux besoins.

Au cours des siècles précédents, les rivières urbaines ont été polluées et artificialisées, au point parfois de les intégrer au réseau d’assainissement et de les enterrer. Aujourd’hui, la réouverture des rivières répond à plusieurs enjeux : une gestion plus vertueuse du cycle de l’eau, une réappropriation par les riverains et une meilleure gestion du risque inondation. Depuis le début des années 2000, plus de 5 kilomètres de rivières ont été rouverts, notamment sur l’Yvette, la Bièvre, le Croult, le petit Rosne et le Ru de Rungis. De nombreux projets supplémentaires sont en cours ou à l’étude (environ 15 km).

1/4 à 1/3

seulement des surfaces aménagées ou réaménagées entre 1982 et 2012 ont été gérées par des techniques alternatives dans les départements précurseurs de Seine-Saint-Denis et des Hauts-de-Seine.

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