Grand Paris : pour aller plus loin
Par Fouad Awada, directeur général de L'Institut Paris Region
Le suspense est à son comble depuis l’annonce, par le président de la République, le 17 juillet dernier, de sa volonté de « simplifier drastiquement les structures » du Grand Paris à l’automne.
Il faut reconnaître que le législateur avait fait fort avec la loi Maptam, qui a institué deux nouveaux niveaux d’administration (métropole et EPT) s’ajoutant aux trois préexistants (région, département, commune), sans rien supprimer et sans régler les épineuses interrogations découlant de cette superposition. Problème d’articulation sur un même territoire entre la Région et la MGP, et problème de maîtrise par la MGP de son territoire face à la puissance des communes, notamment Paris.
Dès lors, trois questions majeures appellent des décisions qui détermineront l’efficacité de la gouvernance de la première métropole de France : 1 - quelle sera la nature de la MGP, EPCI ou collectivité « à finalité stratégique » ? 2 - quel sera le périmètre de la MGP, entre un maintien des limites actuelles et une extension qui peut aller jusqu’à celles de la Région ? 3 - quels niveaux de collectivités supprimer ?
La nature de la MGP, EPCI ou collectivité « à finalité stratégique », est une question qui renvoie à deux débats. Le premier est celui de savoir si le statut et les missions opérationnelles d’EPCI restent efficients à plus de 7 millions d’habitants, une échelle jamais expérimentée et qui peut nécessiter une organisation particulièrement sophistiquée des services. Le second débat porte sur l’objectif recherché en termes de coopération intercommunale : on connaît la règle, plus l’EPCI est grand, plus les maires gardent leur autonomie et plus il est petit plus la mutualisation est forte. Il est dès lors permis de s’interroger sur l’impact, en termes de renforcement des solidarités intercommunales, d’un affaiblissement simultané des départements (qui assurent une forme de cohésion du territoire) et des EPT (qui sont l’échelle locale de coopération) au bénéfice d’un EPCI de plus de 7 millions d’habitants. À contrario, faire accéder chaque EPT au statut d’EPCI traduirait une ambition moins forte pour la MGP mais constituerait un pas de géant pour la cause de l’intercommunalité dans la petite couronne.
Une fois la nature de la MGP déterminée, EPCI ou métropole stratégique, il faudra aussi lui déterminer un périmètre cohérent. « La zone dense » crient en chœur nombre d’élus qui, de Paris à la toute proche banlieue, regardent la grande couronne avec inquiétude, comme s’ils y voyaient une sorte de cambrousse ou de bush, si éloigné de leur urbanité qu’ils estiment seule éligible au prestigieux statut de métropole. Les élus de la grande couronne s’en offusquent et brandissent la réalité la plus brillante de leurs territoires, rappelant non sans raison que la grande couronne compte quatre universités et un nombre de grandes écoles presque aussi élevé qu’à Paris, qu’elle accueille des pôles de compétitivité, que la Safran et le Génopole sont à Evry, le CEA et Polytechnique à Saclay, le Technocentre Renault à Guyancourt, HP aux Ulis, Airbus à Elancourt, et que tant de centres de recherche liés aux industries de pointe et aux innovations les plus avancées se trouvent à Mantes, Cergy, Rambouillet, Nemours et autres pôles de la grande couronne. Ils rappellent que les nombreux EPCI de l’agglomération parisienne hors MGP à qui on dénie le statut métropolitain sont chacun aussi peuplés et plus dynamiques que bien des agglomérations ayant accédé au statut de métropole en province.
Mais la question du périmètre est surtout posée avec acuité à propos de la superposition des niveaux de collectivités entre Région et Métropole, pour une même population et un même bassin d’emploi. Aujourd’hui, la MGP couvre 60 % de la population régionale. Si elle devait s’étendre à la seule partie agglomérée (unité urbaine de Paris) de la région, elle en couvrirait 88 %. Une des deux collectivités serait à l’évidence de trop et ferait doublon pour définir les grandes politiques de mobilité, de transition énergétique et numérique, et pour la planification.
D’où la position constante de la Région, sous l’ancienne majorité comme sous l’actuelle, de plaider une seule collectivité stratège sur ce périmètre, qu’elle soit nommée Région, Métropole, ou tout autre nom ! C’est une vérité historique que de dire que la « région parisienne » devenue Île-de-France a été conçue dès l’origine comme une « région-métropole » alors que toutes les autres régions de France étaient conçues comme des « régions-territoires ».
Devant cette vérité, certains plaident pour l’élargissement des limites de l’Île-de-France jusqu’à l’océan à l’ouest et jusqu’au moins l’Oise au nord, pour la faire entrer dans le « droit commun » des régions-territoires. Mais l’ajout de moins de 2 millions d’habitants au 12 millions actuels ne déplacerait en rien le centre de gravité de l’action régionale qui restera centré sur Paris. Et, de toute manière, cette possibilité ne semble plus ouverte aujourd’hui : qui peut penser sérieusement remettre en cause les limites de la Normandie et des Hauts de France issues de la carte régionale récemment approuvée ?
Le troisième arbitrage attendu concernera le ou les niveaux à supprimer. Les pistes évoquées sont donc deux : d’une part, les départements et, d’autre part, un des deux membres du couple Région Métropole. Pour ce qui est de ce dernier, l’opération serait simple puisqu’elle s’apparenterait à un mariage plutôt qu’à un décès, ce qui exclut le besoin de régler un quelconque héritage. Pour ce qui est des départements, l’opération de suppression poserait deux questions : la première concerne l’étendue géographique de la mesure : concernera-t-elle les seuls départements de la petite couronne ? concernera-t-elle la composante « département » de la Ville de Paris ? ira-t-elle jusqu’à faire disparaître ou dépecer des ou les départements de grande couronne ? L’autre question porte sur les collectivités qui hériteraient des compétences départementales : les communes, les EPCI, et/ou la Région… On peut comprendre aisément que cette suppression éventuelle des départements soit une opération on ne peut plus délicate et, surtout, de longue haleine.
Quoi qu’il en soit, les arbitrages attendus ne seront pas uniquement dictés par la vision d’avenir qui les sous-tendra : un critère de poids s’invitera d’office, celui de l’efficacité de la dépense publique. Gageons que soit retenue la solution la plus mobilisatrice et en même temps la moins dispendieuse, la plus directement opérationnelle et la plus ambitieuse pour le beau projet du Grand Paris.
Voir aussi
Recueil de cartes sur l'Île-de-France pour mieux comprendre les dynamiques territoriales à l'œuvre.
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