Adapter l’Île-de-France à la chaleur urbaine - acte 2
Le changement climatique à l’œuvre renforce la nécessité de mieux appréhender ses effets en Île-de-France. Marquée par une augmentation de la température moyenne de +2 °C entre 1950 et aujourd’hui et la répétition de vagues de chaleur ces dix dernières années, la Région relève de nombreux enjeux associés à la chaleur, au premier rang desquels se place la surmortalité humaine. Les planifications régionales, qu’elles soient volontaristes, comme le « Plan de protection, de résistance et d’adaptation de la Région Île-de-France face au changement climatique (Pracc) » adopté en septembre 2022 par le Conseil régional d’Île-de-France, ou réglementaire, comme le Schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie en cours de révision, pointent la grande vulnérabilité de la région à la chaleur urbaine.
Les travaux de L’Institut Paris Region, au carrefour des avancées de la recherche sur le climat et de l’expertise en aménagement et urbanisme et de ses effets sur la climatologie locale, nourrissent ce diagnostic. C’est la combinaison d’une canicule sévère et d’un effet îlot de chaleur urbain (ICU) marqué, propre aux grandes agglomérations urbaines, qui définit la hauteur de l’aléa climatique. Le risque climatique, lui, peut s’apprécier à partir d’une analyse de vulnérabilité qui met en lien l’aléa et sa géographie territoriale, l’exposition et la sensibilité du territoire impacté, enfin, sa difficulté à faire face. Cette étude propose de mettre à jour l’identification des zones sujettes à l’effet d’îlot de chaleur urbain (ICU) à l’échelle de l’îlot « pâtés de maisons », d’évaluer les enjeux et les vulnérabilités actuelles associées afin d’aider à mettre en place des stratégies robustes d’adaptation à la chaleur urbaine.
Comprendre les enjeux de vulnérabilité humaine associés à l’effet d’ICU, et plus largement, aux vagues de chaleur et canicules, est encore un sujet de recherche. Néanmoins, des éléments de connaissance sur la genèse des effets d’ICU, sur sa géographie territoriale (spatiale, temporelle, intensité), sur les rétrospectives et prospectives des événements climatiques extrêmes en lien avec le changement climatique, sur la surmortalité et les facteurs de risques pour la santé humaine en lien avec la chaleur, mais aussi sur les solutions « sans regret », sont déjà nombreux pour montrer et comprendre les enjeux pour l’Île-de-France et dans ses territoires. Les travaux de cartographie de la vulnérabilité à la chaleur urbaine que donnent à voir certaines villes dans le monde soulignent ce risque climatique propre aux grandes agglomérations. Les enseignements de ce parangonnage témoignent aussi d’une absence de normalisation en la matière et de la difficulté d’accès à des données géographiques de résolution suffisante qui s’avèrent précieuses pour aller jusqu’au bout de l’exercice d’appréciation des vulnérabilités pour l’aide à la décision.
L’identification des zones à effet d’ICU en Île-de-France en mettant à jour le référentiel géographique des îlots morphologiques urbains (IMU 2022), le référentiel des Zones climatiques locales (LCZ 2022) et en intégrant les différences de température nocturne modélisées de la recherche MApUCE (projet ANR piloté par le CNRM Météo France) pour une situation estivale propice à un fort îlot de chaleur est une première étape. Les effets d’ICU sont ainsi évalués pour partie à partir des caractéristiques des îlots – à caractère urbain ou à dominante naturelle – pour rendre compte des contrastes locaux sur tout le territoire francilien entre les pâtés de maisons à effet d’ICU potentiel et les îlots de fraîcheur (IFU) afin d’apprécier l’amplification potentielle d’un aléa vague de chaleur. Ainsi, plus d’un Francilien sur deux (51%) réside dans un « pâté de maisons » à effet d’ICU significatif (moyen à fort) la nuit.
L’appréciation de la vulnérabilité actuelle (2022) de l’Île-de-France à la chaleur urbaine s’appuie sur le principe du croisement à l’échelle de l’îlot des premières données géographiques pertinentes et mobilisables relatives aux trois composantes de la vulnérabilité : les effets d’ICU ; l’exposition et la sensibilité particulière des populations, notamment par la densité d’occupation humaine et par l’âge (moins de 5 ans et plus de 65 ans) ; enfin, les difficultés potentielles à faire face comme le taux de ménages pauvres ou la non proximité à un service d’urgence hospitalière. Dans chacune de ces trois composantes, pour chaque îlot francilien, le cumul de propriétés ou de critères défavorables est sommé pour définir un indice synthétique de vulnérabilité à la chaleur urbaine : de 1, très faiblement vulnérable - à 9, très vulnérable.
Ainsi, près d’un Francilien sur trois (31%) - plus de 3 685 000 habitants - vit dans un îlot présentant une vulnérabilité potentiellement forte la nuit (indice de niveau 7, 8 et 9), selon l’ensemble des critères sociodémo-urbains considérés. Si dans les zones à effet d’ICU marqué (moyen à fort), l’indicateur des « Populations sensibles par l’âge » n’apparaît pas surreprésenté, en revanche, des surreprésentations s’observent pour les critères de suroccupation potentielle des logements, de proportion de ménages pauvres ou de ménages composés d’un seul individu.
Les grands registres d’action, enfin, ont été étudiés : les solutions de lutte contre les effets d’ICU, la prise en compte de la sensibilité des habitants et des conditions de vie, le renforcement des ressources individuelles ou territoriales. Parmi ces trois registres, les types de solutions les plus pertinentes sont recommandés à l’échelle du « pâté de maisons », en fonction de ses caractéristiques et des résultats de l’étude de vulnérabilité à la chaleur.
Disposer d’outil de porter à connaissance de tout ou partie de ces résultats pour la sensibilisation des acteurs et l’aide à la décision est un autre défi. L’Institut Paris Region a fait le choix de donner accès à ces données géographiques via son open data et le développement d’un applicatif dédié de cartographie interactive – le Cartoviz « Chaleur en ville ». L’applicatif a été retravaillé pour restituer au sein d’un même outil l’interprétation des Zones climatiques locales et propriétés LCZ associées et l’intégralité des résultats du diagnostic de vulnérabilité des îlots à la chaleur urbaine avec une proposition des registres et types de solutions recommandés.
L’aménagement, l’urbanisme, les actions sanitaire et sociales… doivent intégrer ces enjeux de vulnérabilité à la chaleur urbaine. Qu’il s’agisse de planifier et de transformer la ville pour la rendre plus résiliente ou de prévenir pour mieux gérer les crises à venir, comme aider par exemple à définir des espaces refuges lors des canicules dans les zones à vulnérabilité forte, les perspectives d’utilisation de ces données d’expertises s’avèrent potentiellement nombreuses.
Voir aussi
Chaleur sur la ville : toutes les ressources de L'Institut Paris Region avec des vidéos, cartographies, chiffres clés... ainsi que des productions externes.
Cette étude est reliée aux catégories suivantes :
Environnement urbain et rural |
Changement climatique |
Développement durable