Agir sur les trajectoires du pavillonnaire
Avec 1,5 million de logements, le pavillonnaire francilien loge aujourd’hui un peu plus d’un quart des ménages de la région. C’est une forme d’habitat désirée et souhaitée par une grande partie des Français et qui permet d’accueillir des populations aux profils divers. Manque de mixité générationnelle et sociale (risque de clubbisation), dépendance à l’automobile, empreinte environnementale, le pavillonnaire est souvent combattu par certains élus, environnementalistes et urbanistes. L’émergence de la loi climat et résilience, avec l’objectif Zéro Artificialisation Nette – ZAN, amplifie ces oppositions avec d’un côté l’objectif de réduire l’urbanisation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, et de l’autre celui de poursuivre la construction de logements en France en intensifiant l’existant.
Face aux injonctions contradictoires l’équation paraît difficile à résoudre : comment continuer à construire près de 70 000 logements de qualité par an en Île-de-France qui répondent aux besoins et aspirations des franciliens, sans urbaniser et artificialiser des espaces naturels et de pleine-terre ? Comment loger les ménages, notamment les plus modestes, en évitant leur éviction vers des territoires plus éloignés ? Comment préserver les qualités du pavillonnaire tout en accompagnant ses évolutions ? Le tissu pavillonnaire est perçu comme une réserve foncière à activer pour les uns, des lieux de biodiversité à préserver pour les autres, un eldorado envié ou un tissu urbain qui se vide et se dégrade.
Cinq trajectoires de transformation identifiées pour accompagner les collectivités
Le pavillonnaire est souvent né sans projet de territoire, au coup par coup. L’absence de projet initial ne doit pas empêcher de penser les trajectoires de son évolution, alors que la densification douce se charge déjà de le transformer à bas bruit, au gré des opportunités, donc encore sans projet. Élément complexe pour les collectivités, ces espaces se singularisent par des parcelles de petite taille, occupées, appartenant à de nombreux propriétaires particuliers. Ils sont pourtant un maillon de la densification de la ville et de mise en œuvre du ZAN : 6 000 logements collectifs sont ainsi réalisés par an sur des emprises d’habitat individuel. Ils sont complétés par 4 500 logements individuels supplémentaires par an. L’Institut Paris Region s’est penché sur cet espace urbain spécifique, en classant pour la première fois l’ensemble des tissus pavillonnaires en cinq trajectoires, afin d’examiner des dynamiques très diverses, et de permettre aux collectivités de mieux intégrer ces espaces dans une cohérence territoriale, tout en respectant leur équilibre, face aux intérêts du marché et des particuliers.
- L’Habitat immobile, un pavillonnaire surtout récent et/ou régi par des règles de gestion collectives, il ne peut évoluer de ce fait et peut être fragilisé. Il représente 52 % de l’habitat individuel francilien.
- L’Habitat dégradé, réparti en tâche léopard, il fragilise certains secteurs avec des bâtis souvent surexploités et suroccupés.
- L’Habitat patrimonialisé, valorisé et protégé par le marché immobilier ou les documents d’urbanisme du fait de leur rareté ou intérêt patrimonial.
- L’Habitat réinvesti, pavillonnaire ancien rénové en termes énergétiques, transformé par petites touches comme une véranda, une surélévation, adapté à de nouveaux usages comme la colocation ou le coliving...
- L’Habitat densifié, transformé globalement ou par densification douce : dans dents creuses, par division parcellaire, densification horizontale…
Des outils pour agir
Comment répondre aux enjeux spécifiques portés par chaque trajectoire avec les outils de l’urbanisme, de l’aménagement et de l’habitat ? L’étude ne propose pas de nouveaux outils, mais des pratiques à repenser pour les combiner. Sont notamment rappelés:
- le besoin d’ouverture des imaginaires face aux formes urbaines qui peuvent constituer la ville, particulièrement l’habitat intermédiaire, ou individuel superposé ;
- l’indispensable mobilisation des habitants, sans qui rien ne peut aboutir, pour co-construire les évolutions possibles, pour partager les savoirs et donner à voir les possibles, pour engager l’évolution des ensembles immobiles ;
- l’inscription des transformations dans le temps long, notamment à travers l’imbrication des échelles – celle du territoire (urbanisme/planification, du quartier (projet urbain/aménagement) et du bâtiment (habitat) ; et des dispositifs – de planification, de projet et d’accompagnement ;
- et l’implication de nouveaux acteurs pour coordonner les actions, comme les aménageurs ou les établissements publics fonciers, ainsi que des médiateurs présents en « permanence » aux côtés des habitants.
Enfin, de possibles adaptations du cadre fiscal et législatif sont soulignées.
Cette étude s’inscrit dans le champ des travaux menés depuis de nombreuses années par L’Institut Paris Region pour comprendre les dynamiques et enjeux actuels du pavillonnaire francilien. À sa suite, sont envisagés :
- une territorialisation plus poussée sur des territoires test qui restent à définir ;
- un troisième volet qui porterait spécifiquement sur les jardins du pavillonnaire.
En parallèle, des outils cartographiques ont été développés par L’Institut pour répondre aux besoins des collectivités d’anticiper la transformation de leur pavillonnaire. À ce jour, ils ont notamment permis de :
- modéliser les potentiels de construction offerts dans les documents d'urbanisme locaux, au regard des règles de construction mais aussi de préservation des cœurs d’îlots ;
- analyser si les transformations du pavillonnaire autorisées dans ce document étaient en adéquation avec le projet politique porté par la collectivité ;
- le cas échéant, accompagner les territoires dans la modification des règles d’urbanisme pour qu’elles soient conformes au projet politique.
Cette étude est reliée aux catégories suivantes :
Aménagement et territoires |
Aménagement |
Densification |
Foncier |
Périurbain |
Société et habitat |
Habitat et logement