Cours de la Seine (abbé de La Grive)

1732-1737

17 juillet 2019

Échelles diverses

Jean de La Grive fut chargé en 1731 par le prévôt des marchands Michel Turgot d'établir une carte « exacte et détaillée » du cours de la Seine depuis sa source jusqu'à quelques lieues de Rouen, avec les « rivières qui s'y jettent ». L'ensemble, conservé à la Bibliothèque nationale de France, est relié en un volume de plus de 200 pages, 35 cartes décrivant le cours de la Seine dans le périmètre de l'Île-de-France. Sur les cartes, les petits affluents sont mentionnés. Certains depuis ont perdu de leur importance d'usage, comme l'Essonne, dont le cours est bien détaillé, puisque cette rivière drainait (comme l'Orge) une partie des céréales de la Beauce. Le relevé fut achevé en 1738. Des plans à grande échelle réalisés par de La Grive ressortent plusieurs notations qui permettent de mieux comprendre non seulement l'état du fleuve, mais aussi le rapport existant entre les hommes et le fleuve. Si le bâti n'est pas expressément détaillé, en revanche les masses construites figurent avec le réseau viaire, indiquant leur retrait - ou leur proximité - par rapport au fleuve en fonction des risques de crue. Si les ponts sont rares, les bacs sont bien présents, de même que les moulins. Il s'agit de repères pour la navigation, qui demeure l'objet premier des cartes comme en témoigne le signalement des îles et aussi de certaines roches qui affleurent comme devant Ris-[Orangis] ou Morsan-[sur-Seine], ou encore la notation à la hauteur de Conflans-[Sainte-Honorine] « dans les hautes eaux, les bateaux suivent ce bras jusqu'à Herblay[y] », sans oublier les points où il faut prévoir des « chevaux de renfort », soit pour transborder à la hauteur des ponts (Poissy), soit pour faciliter le halage (Maisons-[Laffitte]). Notons encore à la hauteur d'Epina[y]) la mention de deux « gores », indiquant l'emplacement de nasses pour barrer la rivière et en capturer les poissons, ce qui sous-entend une entrave à la circulation fluviale. À certains endroits comme Saint-Ouen, le dessinateur a d'ailleurs ajouté que ces gores « sont nuisibles », soulevant l'hypothèse d'un conflit d'usages comme le XVIIIe siècle commence à en connaître avec la densification de la région de Paris (ici entre pêcheurs et bateliers, à d'autres endroits entre transport de personnes et transport de marchandises). L'intérêt de cet ensemble souligne la nécessité de travailler à des échelles de plus en plus précises pour comprendre les détails et voir parfois comment s'expriment certaines complémentarités. Ainsi, la mention de la route de traverse du sud de la forêt de Saint-Germain, qui n'a de sens que parce qu'elle indique que le méandre peut être évité, si besoin est, par une voie de terre, via Saint-Germain et Poissy et leur pont respectif. Si ces cartes préfigurent les futurs plans d'intendance, et bien évidemment le futurs cadastres, elles préfigurent tout autant les plans d'aménagement.