Gouvernance(s) et ingénieries métropolitaines

Les Cahiers n° 160

18 octobre 2011Contact

Comprendre

Réfléchir à la gouvernance métropolitaine, c’est s’affranchir d’une lecture territoriale institutionnelle pour considérer, avec un œil nouveau, l’émergence de la société civile et les nouvelles formes d’actions collectives qui l’accompagnent. Comme toutes les grandes régions métropolitaines, l’Île-de-France est aujourd’hui confrontée à une complexification de sa gouvernance. L’atomisation et la multiplication des acteurs décisionnels (privés et publics) ont entraîné de nouvelles relations – jeux de lutte et de coopération – qui nécessitent un processus de concertation et de régulation. Pour ce faire, les lieux de débats, supports de l’expression des divergences stratégiques, sont nécessaires et conditionnent la venue d’une «bonne gouvernance » métropolitaine. Mais parler de gouvernance, notamment en Île-de-France, évoque davantage une régulation des rivalités entre forces politiques et institutionnelles que le développement d’une stratégie partagée entre acteurs publics et privés. La forte conflictualité entre institutions franciliennes et la prégnance des enjeux géopolitiques ne sont d’ailleurs pas nouvelles et émaillent le XXe siècle. La précédente consultation des architectes sur le Grand Paris illustre la confrontation entre deux institutions (État, Région) qui revendiquent l’aménagement – dans une acception élargie du terme – du territoire francilien. Car si le «Grand Paris » constitue un support original de réflexion prospective sur les enjeux urbains, n’est-il pas aussi (et surtout ?), un moyen politique permettant à l’État de réinvestir la scène métropolitaine pour « reprendre la main » sur la gouvernance francilienne ?

Agir

Sommes-nous condamnés à l’inaction face à des enjeux de niveau métropolitain quand plusieurs grands acteurs se disputent la responsabilité des choix dans un contexte de pénurie budgétaire et de crise financière internationale ? Probablement… sauf à accepter la réalité interterritoriale (Martin Vanier et Marc Weil), à mettre en place un partage des compétences, des règles de négociation et procédures d’arbitrage, y compris dans le domaine des transports (Alain Meyère) ; ou sauf à réaliser que Région et métropole franciliennes se superposent, que c’est une chance (Jean-Pierre Palisse) et qu’il est urgent de proposer une réforme territoriale attribuant à la Région la prise en charge de l’intérêt métropolitain (Vincent Fouchier). La Région Île-de-France appelle à sortir de la confusion (Alain Amédro). Le débat n’est pas clos. Les exemples étrangers (Sebastian Loew, Adam Knelman Ostry, Jeremy Smith) montrent des métropoles mondiales qui confrontées aux mêmes difficultés cherchent à inventer des instances de coordination à la fois métropolitaines et légitimes, à se doter d’ingénieries de bon niveau, à financer de lourds projets d’investissement afin de répondre aux évolutions métropolitaines et de participer à une politique de relance économique. En Île-de-France, les réflexions sur le Grand Paris ont débouché sur de nouveaux outils contrôlés par l’État (Daniel Canepa, Bertrand Lemoine) et les communicants font de larges offres de services (Bernard Deljarrie) aux collectivités locales qui s’activent pour avoir une chance de compter dans la métropole (Patrice Berthé, Jacques Marsaud). Le Francilien s’y retrouvera-t-il ?

Anticiper

Face à l’ampleur des mutations en cours dans la gouvernance des territoires confrontés aux défis de la métropolisation, les acteurs politiques et techniques doivent inventer – ensemble – de nouveaux cadres de pensée et d’action. Dans ce paysage nouveau et incertain, marqué par une raréfaction de l’argent public, innover et anticiper s’avèrent indispensables. Mais quels dispositifs mettre en place pour favoriser le partenariat et la mise en réseau ? Différentes pistes émergent comme celle d’adosser l’action à une réflexion intellectuelle forte et transversale, d’organiser des dispositifs qui favorisent la réflexivité, l’innovation, l’expérimentation ou de renforcer les liens avec la recherche. D’autres sont proposées comme celles de refonder le débat démocratique et public, d’impliquer davantage les citoyens mais aussi de mieux articuler les sphères politique et technique. Les ingénieries territoriales – les agences d’urbanisme en premier lieu – ont un rôle central à jouer comme outil d’aide à la décision, comme productrices de stratégies urbaines et d’aménagement, en étroite relation bien sûr avec les élus. Elles ont beaucoup à apporter dans la compréhension des nouvelles dynamiques et dans des solutions adaptées aux territoires, notamment en matière de développement durable et de solidarité, ainsi que dans l’élaboration de nouvelles manières de travailler.

Cette étude est reliée aux catégories suivantes :
Aménagement et territoires | Aménagement | Île-de-France 2030