La gouvernance de la sécurité publique en Île-de-France
Cette étude sur la gouvernance de la sécurité publique en Île-de-France cherche à décrypter un système multiscalaire en mutation. À partir d’une enquête qualitative, elle interroge la contribution des différentes strates politico-administratives sur fond de réformes territoriales et pose la question du « qui fait quoi ? » dans un contexte qui favorise à plusieurs titres le renforcement des pouvoirs locaux. À l’évocation du dispositif français de sécurité intérieure, c’est pourtant la prépondérance de l’État qui ressort immanquablement des analyses comparées. S’agissant plus précisément de la région-capitale, cet aspect s’illustre à travers la position dominante de la préfecture de police de Paris. En matière d’ordre public, cette institution bicentenaire au statut singulier tient le premier rôle, ayant même renforcé son aire d’influence ces dernières années dans une logique d’extension métropolitaine de son périmètre d’intervention. Ce rôle n’est cependant pas exclusif puisque la participation d’autres acteurs est encouragée, laissant une place croissante aux autorités locales dans la coproduction de sécurité.
Le constat vaut en premier lieu pour les communes, y compris pour la ville de Paris qui, malgré son régime particulier, intensifie son action en matière de tranquillité et de lutte contre les incivilités. Certes, les politiques municipales de sécurité varient localement, mais l’investissement des maires se confirme globalement et progresse d’autant plus visiblement que la pression sécuritaire s’est raffermie face à la menace terroriste – en atteste la montée en puissance des polices municipales sur le triple plan des missions, des effectifs et des équipements. Le niveau communal (voir infra-communal) est en tout cas perçu comme un échelon déterminant pour la mise en œuvre des actions de prévention/sécurité, en prise directe avec le territoire, les problèmes et la population.
Les intercommunalités sont elles aussi censées avoir leur rôle à jouer. Juridiquement, elles sont compétentes pour la prévention de la délinquance et peuvent mutualiser les agents de police municipale et les dispositifs de vidéosurveillance. Mais en pratique, elles s’approprient encore assez timidement ce champ d’action potentiel parce que là n’est pas forcément leur priorité et que les maires se montrent assez réticents à se dessaisir de la gestion directe des affaires de sécurité. Néanmoins, en Île-de-France et plus spécialement en grande couronne, plusieurs exemples témoignent d’une implication manifeste de certains groupements, signe d’une intercommunalisation naissante de la prévention/sécurité autour de projets qui dépassent les frontières municipales et permettent aux communes de mettre en place des dispositifs qu’elles n’auraient pas les moyens d’assumer seules.
Quant aux conseils départementaux, ils semblent aujourd’hui davantage concernés par les enjeux de sécurité quoique leur niveau d’investissement reste très inégal. Comme prévu par les textes, ils concourent à la prévention de la délinquance à travers l’exercice de leurs compétences sociales. Certains se démarquent cependant par des initiatives qui relèvent à proprement parler du champ de la sécurité. À l’instar de la Région Île-de-France dont le « bouclier de sécurité » se déploie dans l’agglomération dense comme dans les zones périurbaines et rurales, ils se positionnent avant tout comme des partenaires financeurs, en soutien des villes et des forces étatiques. Leur politique volontariste indique pour le moins que la suppression de la clause de compétence générale est sans grande incidence sur ce plan.
En Île-de-France, la gouvernance de la sécurité locale relève donc d’un système pluralisé dans lequel les différents niveaux de collectivités territoriales et les intercommunalités interviennent aux côtés des forces de l’État. Dans ce système, les enjeux de coordination sont centraux, souvent problématiques et d’autant plus saillants que l’architecture institutionnelle est enchevêtrée. Ils exigent d’inscrire le partenariat dans le concret, de pallier les incohérences de périmètres et d’organiser l’action par-delà les découpages administratifs pour traiter les problèmes tels qu’ils se posent aux travers des territorialités et des flux constitutifs de la réalité métropolitaine actuelle. La métropolisation de la sécurité n’est donc pas réductible à des effets de redécoupage institutionnel. C’est d’abord une question d’articulation des acteurs et des échelles dans un contexte de complexification des régimes urbains.
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