La participation des citoyens en matière de sécurité locale
En France, dans le contexte actuel de lutte anti-terroriste, les appels à la vigilance se multiplient, confortant l’idée que la sécurité est l’affaire de tous, y compris de la population. À partir d’une enquête exploratoire, cette étude de l’IAU cherche à saisir la place que tiennent les citoyens dans la gestion de la sécurité quotidienne – celle que les institutions leur accordent ou celle qu’ils s’approprient de fait. Elle donne un aperçu des pratiques existantes et montre que si la participation citoyenne est réelle en ce domaine, elle n’est cependant pas égale à tous les niveaux.
Une participation marginale aux instances décisionnelles
Sur le plan de la gouvernance des politiques locales de sécurité et de prévention de la délinquance, l’implication des habitants reste relativement marginale. Dans les instances dédiées, à de très rares exceptions, aucune place ne leur est faite pour leur permettre de peser directement sur la prise de décision. Nombre d’acteurs institutionnels témoignent néanmoins d’un souci croissant de consultation et de concertation en amont, d’où l’utilisation, encore très modérée, d’outils tels que les enquêtes en population, les référendums, les réunions publiques ou les marches exploratoires. Quant aux conseils de quartier, conseils citoyens et autres lieux institués de démocratie participative, ils offrent des espaces pour discuter collectivement des questions de sécurité. Reste à travailler leur articulation avec les instances de pilotage des politiques de sécurité et de prévention de la délinquance pour permettre un travail en profondeur par-delà le traitement réactif des doléances. Cela étant, parfois, c’est hors des dispositifs institutionnels que les citoyens font entendre leur voix, dans une logique protestataire qui s’exprime indépendamment des pouvoirs publics (voire contre eux), à l’image, par exemple, des manifestations et collectifs de lutte contre les abus policiers.
Des initiatives citoyennes pour une surveillance et une réappropriation de l'espace public
Sur le plan du policing et de la production de l’ordre local, la participation citoyenne est plus manifeste. Outre les comportements relevant du civisme ordinaire, souvent peu visibles et néanmoins déterminants pour le vivre-ensemble, le phénomène le plus notoire est celui des réseaux de vigilance de voisinage. Qu’ils soient encadrés par les pouvoirs publics (dispositif dit de participation citoyenne) ou fédérés par l’entremise d’une plateforme web (celle de l’entreprise Voisins vigilants), ces réseaux connaissent une forte expansion. Les corps de réserve de la gendarmerie et de la police nationale montent également en puissance et représentent une autre forme d’engagement des citoyens au service des forces de sécurité. Ces modes d’implication ne doivent pas nous en faire oublier d’autres, qui jouent davantage sur les registres de la prévention, de la médiation et de l’éducation. D’autres encore consistent en des mobilisations sporadiques de résidents, à des fins de réappropriation d’espaces collectifs dont ils se sentent indûment dépossédés (à cause du trafic de stupéfiants notamment) et tentent de se ré-emparer pour déloger les fauteurs de troubles identifiés.
Entre empowerment et vigilantisme, des pratiques et des grilles de lecture diverses
En somme, la participation citoyenne en matière de sécurité locale recouvre une diversité de pratiques correspondant à des profils et des projets spécifiques. Elle revêt des formes plus ou moins ponctuelles ou pérennes, individuelles ou collectives, axées sur le niveau stratégique de la conduite des politiques ou sur le niveau opérationnel de l’action sur le terrain. Cette participation citoyenne peut être institutionnellement encadrée ou totalement autonome, suscitant des positionnements variables de la part des pouvoirs publics selon les configurations locales et la nature des projets portés. Quand elle part du haut, qu’elle est organisée par les autorités, elle soulève les mêmes enjeux que la plupart des démarches de démocratie participative. Elle pose notamment des questions de représentativité, d’effectivité et d’équilibre entre la nécessité de structurer les dispositifs et le risque de les vider de tout leur sens à les cadrer trop. Mais même quand elle part du bas, qu’elle émerge de la population, souvent, elle donne à voir des points de connexion avec les institutions, car au fond, c’est vers elles que ces mouvements citoyens sont souvent tournés, ce sont elles qu’ils cherchent à interpeller in fine.
Quant à l’impact de ces différentes pratiques, il n’est pas évident d’en juger faute d’évaluation systématique et rigoureuse. Les quelques cas de figure traités montrent néanmoins que les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des objectifs visés, ni même ceux qui étaient initialement recherchés. Ils montrent aussi que les retours d’expérience et les jugements portés sur ces initiatives dépendent, pour beaucoup, de l’angle de vue de ceux qui les émettent.
Cette étude est reliée aux catégories suivantes :
Société et habitat |
Prévention Sécurité