Les industries de la santé en Île-de-France : portrait d’une filière stratégique

Note rapide Économie, n° 1043

22 octobre 2025ContactValérie Constanty

Secteur stratégique, la filière des industries de la santé regroupe plus de 2 200 établissements employant plus de 85 000 salariés en Île-de-France. Majoritairement implantée dans la métropole du Grand Paris, elle emploie une plus forte proportion de cadres et de femmes que l’ensemble de l’économie marchande francilienne. Les salariés y sont mieux rémunérés et plus âgés. Les grands groupes internationaux occupent une place importante.

La filière (ou écosystème) des industries de la santé est, en France comme en Île-de-France, un secteur stratégique qui s’inscrit dans un contexte de croissance internationale de la demande en santé. Son développement participe à la réindustrialisation du territoire national et permet de sécuriser l’approvisionnement en médicaments via la relocalisation de leur fabrication. Il est par ailleurs intimement lié au dynamisme du processus d’innovation, tant pour améliorer la prise en charge médicale que pour réduire l’empreinte environnementale. Le contexte de transition climatique nécessite l’émergence et la promotion de technologies innovantes, voire de rupture. Aussi cette filière fait-elle l’objet de l’attention des pouvoirs publics (lire encadré plus loin).
Cette filière comprend l’ensemble des établissements concourant à la recherche, au développement, à la fabrication de produits et à la fourniture de services, ainsi qu’à la commercialisation de gros de produits nécessaires aux soins en santé. Il peut s’agir de laboratoires de recherche, d’établissements industriels de production pharmaceutiques, de sites de production de dispositifs médicaux ou de réalisation de diagnostics in vitro.
Ainsi, son périmètre dépasse celui des seuls établissements des entreprises dites du « cœur de la filière ». En effet, certaines entreprises œuvrent exclusivement dans le domaine médical tout en relevant d’autres activités. Une expertise conjointe de L’Institut Paris Region et du pôle Medicen Paris Region réalisée en 2023 a permis de recenser ces acteurs complémentaires (lire « Pour comprendre »).
Dans le cadre de cette étude, en 2022, la filière des industries de la santé représente plus de 2 200 établissements situés en Île-de-France et 85 000 salariés, soit moins de 2 % des effectifs de l’économie marchande régionale (voir infographie ci-dessous). Sept salariés sur dix relèvent d’établissements appartenant aux secteurs d’activité du « cœur de la filière » : l’industrie pharmaceutique, la fabrication d’équipements et de matériels médicaux, et le commerce de gros de produits pharmaceutiques. Regroupant 42 % des salariés à lui seul, le commerce de gros de produits pharmaceutiques est le principal pourvoyeur d’emplois au sein de la filière, devant la fabrication de préparations pharmaceutiques, qui représente 13 % des salariés. En amont de la filière, 10,3 % travaillent dans la recherche et développement (R&D), et 5 % dans le secteur de la programmation informatique. Relèvent de cette dernière activité la société Doctolib, installée à Levallois-Perret, et la start-up franco-américaine Owkin, à Paris, spécialisée dans l’intelligence artificielle appliquée à la santé.

 


En 2022, en Île-de-France, les établissements des industries de la santé emploient en moyenne 38 salariés, contre 11 pour l’ensemble des établissements franciliens du secteur marchand non agricole. Les industries de la santé se caractérisent par la présence importante des entreprises de taille intermédiaire (ETI), dans lesquelles près de la moitié des salariés de la filière travaillent (contre 27 % de l’ensemble des salariés franciliens du secteur marchand). Inversement, 26 % des salariés de la filière travaillent dans une grande entreprise, et 25 % dans une petite et moyenne entreprise (PME), contre respectivement 31 % et 42 % pour l’ensemble des salariés franciliens.

DES EMPLOIS CONCENTRÉS DANS LA MÉTROPOLE DU GRAND PARIS

Près des trois quarts des 85 000 emplois régionaux de la filière sont localisés dans la métropole du Grand Paris (MGP). À elle seule, Paris concentre 13 500 emplois, soit 16 % du total régional. Dans les Hauts-de-Seine, les établissements publics territoriaux (EPT) Paris Ouest La Défense et Grand Paris Seine Ouest regroupent respectivement 16 500 et 7 900 emplois, soit à eux deux 29 % de l’emploi de la filière dans la région, principalement sur les communes de Rueil-Malmaison, Levallois-Perret, Courbevoie, Puteaux, Boulogne-Billancourt et Issy-les-Moulineaux (voir infographies plus loin). Ce département accueille neuf des 20 plus gros établissements de la filière : ceux de Doctolib, dans la programmation informatique, Novartis, Janssen ou MSD France. Dans le Val-de-Marne, les industries de la santé sont très présentes dans l’EPT Grand Orly Seine Bièvre (9 400 emplois), avec des sites majeurs dans les communes de Gentilly et de Vitry-sur-Seine, qui accueillent trois des 20 plus gros établissements franciliens, tous trois appartenant à Sanofi (R&D en biotechnologie et autres sciences physiques ou naturelles). Elles le sont également à Rungis, avec un établissement de l’entreprise AbbVie. En dehors de la MGP, la communauté d’agglomération (CA) Paris-Saclay constitue le principal pôle d’emploi des industries de la santé, avec 6 700 salariés, dont près d’un tiers sur la commune des Ulis (Essonne), qui abrite notamment un gros établissement de LFB Biomédicaments dans le parc d’activités de Courtaboeuf. C’est cependant à Buc, dans les Yvelines, que se situe le plus grand établissement francilien de la filière : celui de l’entreprise GE Medical Systems, qui produit des équipements d’imagerie médicale (comme les scanners).

 

 

UNE MAJORITÉ D’EMPLOIS DE CADRES

Les salariés des industries de la santé ont un profil différent de celui de l’ensemble des salariés franciliens du secteur marchand non agricole. En effet, 61 % d’entre eux sont cadres, contre 36 % pour l’ensemble des salariés de la région (voir infographie plus loin). Cela reflète une concentration importante des sièges sociaux et des centres de R&D au sein de la filière. Les professions intermédiaires y sont, elles aussi, surreprésentées (25 %, contre 17 % dans l’ensemble de l’économie marchande francilienne). Au sein de ces deux catégories, les professions les plus représentées sont celles des ingénieurs et cadres d’étude, recherche et développement des industries de transformation, suivies des cadres commerciaux des PME, des ingénieurs et cadres d’étude, R&D en informatique, et enfin des cadres commerciaux des grandes entreprises. À l’inverse, les ouvriers ne représentent que 7 % des emplois dans les industries de la santé en Île-de- France, soit trois fois moins que dans l’économie marchande francilienne. La désindustrialisation a particulièrement affecté l’industrie pharmaceutique et la chimie fine. Passant de 22 100 salariés en 2010 à 12 300 en 2022, l’industrie pharmaceutique a perdu en douze ans près de la moitié de ses emplois en Île-de-France, ce qui s’est traduit notamment par la fermeture de plusieurs sites industriels.

 

 

 

UNE FILIÈRE PEU PRÉCARISÉE MAIS ÂGÉE

Les emplois dans la filière des industries de la santé sont moins précaires que dans l’économie marchande francilienne. En effet, 91 % des salariés ont des contrats à durée indéterminée et 4,2 % travaillent à temps partiel, contre respectivement 82 % et 13,7 % dans l’économie marchande francilienne. La moitié des salariés des industries de la santé ont plus de 43 ans. Cet âge médian est plus élevé que celui de l’ensemble des salariés de l’économie marchande francilienne (39 ans). Les salariés y sont ainsi plus souvent âgés de 50 ans ou plus (29 %, contre 24 %). Les salariés de moins de 30 ans y sont, en revanche, beaucoup moins présents (20 %, contre 28 %).

PLUS DE FEMMES CADRES DANS LA FILIÈRE

Par ailleurs, les emplois des industries de la santé sont plus féminisés : les femmes occupent 54 % des emplois de la filière alors qu’elles représentent 43 % des salariés franciliens. La féminisation plus élevée des emplois se retrouve dans toutes les catégories socioprofessionnelles, à l’exception des employés, où elle est quasiment de même niveau (57 %, contre 59 %). Chez les cadres, les femmes occupent plus de la moitié des emplois (53 %), soit 12 points de plus que dans l’économie marchande francilienne. Leur présence est encore plus forte parmi les professions intermédiaires (70 %, contre 48 %).

DES SALAIRES NETTEMENT PLUS ÉLEVÉS QUE DANS L’ÉCONOMIE FRANCILIENNE

Le salaire mensuel net médian en équivalent temps plein (EQTP) est nettement plus élevé au sein des industries de la santé que dans l’ensemble de l’économie marchande francilienne : il s’élève à 3 901 euros, contre 2 457 euros. Un fort écart positif est observé quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle. Ainsi, dans les industries de la santé, 50 % des cadres ont un salaire net mensuel supérieur à 4 677 euros, contre 3 966 euros parmi les cadres de l’ensemble de l’économie marchande francilienne. En 2022, les femmes perçoivent un salaire mensuel net médian en EQTP inférieur de 5,3 % à celui des hommes dans les industries de la santé. Cet écart est plus important que dans l’ensemble de l’économie marchande francilienne (-3,6 %). Cela reflète en grande partie des différences dans la structure des emplois : dans les industries de la santé, les cadres – une catégorie où les écarts sont plus élevés – sont plus nombreux. À catégorie socioprofessionnelle comparable, les écarts sont moins défavorables aux femmes dans les industries de la santé que dans l’économie marchande francilienne. Chez les cadres, l’écart de salaire médian en défaveur des femmes atteint 7 %, contre 11,2 % dans l’économie marchande. Parmi les ouvriers, il est de 5,8 %, également en défaveur des femmes, contre 14,2 % dans l’ensemble de l’économie marchande. Enfin, les écarts sont favorables aux femmes dans les professions intermédiaires (+2,7 %) et chez les employés (+12,4 %).

PLUS DE LA MOITIÉ DES SALARIÉS DÉPENDENT D’UNE MULTINATIONALE ÉTRANGÈRE

Les industries de la santé sont une filière largement structurée selon des logiques de groupes, et principalement de groupes à dimension internationale. En effet, plus de la moitié des salariés sont employés par une entreprise dépendante d’une multinationale étrangère et 30 % par une entreprise dépendante d’une multinationale française (voir tableau plus loin). En outre, les entreprises de la filière régionale ne relevant d’aucun groupe ne représentent que 10 % des salariés de la filière. Le pays d’origine des groupes étrangers le plus représenté est, de loin, les États-Unis (23 % des salariés de la filière régionale), suivi par l’Allemagne, la Suisse et le Royaume-Uni (comptant chacun pour environ 5 % des salariés de la filière régionale). Cette prédominance des multinationales étrangères dans l’emploi salarié des industries de la santé en Île-de-France est le signe d’une certaine attractivité de la région.

 


Dans la région, les établissements qui dépendent de multinationales étrangères génèrent 73 % de la richesse locale dégagée, alors que ce chiffre atteint 22 % pour ceux dépendant de multinationales françaises. Au total, avec 1,8 % des salariés, les industries de la santé en Île-de-France génèrent 3,2 % de l’ensemble de la richesse locale dégagée par l’économie marchande régionale en 2022.
Forte de l’implantation de plus de 2  200 établissements, l’Île-de-France occupe, de fait, une place essentielle à l’échelle nationale et européenne dans le secteur des industries de la santé. Cerner et documenter finement cette filière stratégique, dans toute la diversité de ses activités traditionnelles et d’avenir, notamment liées à l’IA, est primordial. Dans un contexte international particulièrement instable, la maîtrise des process de fabrication, la souveraineté technologique et sanitaire, ainsi que les politiques publiques d’aide au développement et de soutien à l’industrie sont des enjeux vitaux, encore davantage dans le secteur de la santé.■

 

LES POLITIQUES PUBLIQUES DE SOUTIEN AUX INDUSTRIES DE LA SANTÉ

Lancé en 2021, le plan d’investissement France 2030 prévoit d’investir sept milliards d’euros dans la santé, en particulier pour soutenir la recherche et développement (R&D) dans l’intelligence artificielle appliquée aux données de santé et dans la bio-production, notamment. Au niveau de l’Île-de-France, ces actions sont relayées via le Schéma régional de développement économique d’innovation et d’internationalisation ou encore via la stratégie « Smart-Santé » conduite par le Conseil régional. Cette dernière vise à accompagner et à soutenir l’écosystème francilien des industries de la santé, et ainsi à renforcer la position de la région en tant que pôle d’excellence dans l’innovation en santé. Ces politiques sont reprises par Medicen Paris Region. Ce pôle de compétitivité dédié à la santé en Île-de-France a pour objectif de stimuler la croissance du secteur, d’accélérer la mise sur le marché de produits et services innovants, et de favoriser la création d’emplois.

POUR COMPRENDRE

La filière de la santé en Île-de-France regroupe :
- Les salariés et les établissements dont l’activité économique principale de l’entreprise relève d’un des secteurs suivants : fabrication de produits pharmaceutiques de base ; fabrication de préparations pharmaceutiques ; fabrication d’équipements d’irradiation médicale, d’équipements électro-médicaux et électro-thérapeutiques ; fabrication de matériel médico-chirurgical et dentaire ; commerce de gros (commerce interentreprises) de produits pharmaceutiques. Ces établissements font ainsi partie du cœur de la filière.
- Les salariés et les établissements des entreprises dont l’activité principale de l’entreprise ne relève pas de ces secteurs, mais ayant été identifiés comme étant des pure players (entreprises réalisant l’intégralité de leur activité dans le domaine de l’industrie de la santé). Le recensement de ces établissements, qui ne peut prétendre à l’exhaustivité, a permis de révéler près de 30 000 emplois jusque-là invisibles, soit environ un tiers des effectifs de l’écosystème.
En revanche, n’appartiennent pas à cette filière les professionnels travaillant dans l’offre de soins ou dans le commerce de détail (établissements hospitaliers et cliniques, exercice de la médecine en libéral, pharmacies…).
Cette étude ne prend pas non plus en compte les établissements et les emplois publics situés en amont de la filière et dont les structures – INSERM, CNRS, CEA, universités et grandes écoles – alimentent les capacités d’innovation de la filière. Enfin, les entreprises généralistes qui développent des applications en santé, notamment dans les technologies de pointe et dans le numérique (Dassault Systèmes, Thales, 3M, Philips…), ne sont pas non plus comptabilisées dans cette étude, bien que leur contribution à l’innovation soit également déterminante.

DÉFINITIONS

Trois catégories d’entreprises sont définies :
- les petites et moyennes entreprises (PME), dont les microentreprises, sont celles qui, d’une part, occupent moins de 250 personnes et qui, d’autre part, ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 43 millions d’euros ;
- les entreprises de taille intermédiaire (ETI) sont des entreprises qui n’appartiennent pas à la catégorie des PME et qui, d’une part, occupent moins de 5 000 personnes et qui, d’autre part, ont un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 1 500 millions d’euros ou un total de bilan n’excédant pas 2 000 millions d’euros ;
- les grandes entreprises (GE) sont des entreprises non classées dans les catégories précédentes.
Un groupe de sociétés est une entité économique formée par une société contrôlante et l’ensemble des sociétés qu’elle contrôle.
Les groupes multinationaux sont les groupes comprenant des sociétés de plusieurs nationalités. Un groupe multinational peut être français si la société contrôlante est française, ou étranger si ce n’est pas le cas. Un groupe franco-français est un groupe de sociétés dont la tête de groupe (société contrôlant les autres sans être elle-même contrôlée) est une société française et dont toutes les sociétés sont implantées en France.
La richesse locale dégagée est un concept visant à évaluer la contribution d’un territoire dans l’activité nationale. Dans cette étude, elle est appréciée par la richesse dégagée par tous les établissements des industries de la santé localisés en Île-de-France. Cette dernière est mesurée en assignant à chaque établissement francilien une part de la valeur ajoutée réalisée dans les industries de la santé par l’entreprise marchande auquel il appartient. Cette part est calculée selon un algorithme, c’est-à-dire au prorata du nombre d’établissements par unité légale, des rémunérations brutes ou des effectifs en équivalent temps plein (EQTP).

SOURCES

Le fichier localisé des rémunérations et de l’emploi salarié (Flores) est un ensemble de fichiers de microdonnées qui décrivent l’emploi salarié et les rémunérations au niveau des établissements.
La base Tous salariés permet d’effectuer l’analyse des emplois et des salaires selon la nature de l’emploi (durée, conditions d’emploi, qualification, rémunération…), les caractéristiques du salarié (sexe, âge, département de résidence) et de l’établissement employeur (secteur d’activité, lieu d’implantation, taille…).
Le fichier approché des résultats d’Esane (Fare) est un fichier de données comptables au niveau des entreprises.
La liste L’Institut Paris Region- Medicen Paris Region est une liste constituée par L’Institut Paris Region et par le pôle de compétitivité Medicen Paris Region à la suite de travaux d’expertise conjoints. Elle permet d’élargir le champ de l’étude au-delà du cœur de la filière

Cette étude est reliée aux catégories suivantes :
Emploi et formation | Économie | Industries et services | Innovation et clusters | Territoires économiques

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