Les villes face à l'insécurité

Les Cahiers n° 155

25 août 2010Contact

Comprendre

Le débat sur l’insécurité n’est pas un fait nouveau, mais revêt aujourd’hui une acuité toute particulière dans la société française, notamment en Île-de-France. Il s’est installé sur le devant de la scène politique et médiatique, durablement inscrit sur les agendas nationaux et locaux. Cette construction de l’insécurité comme catégorie de l’action publique s’appuie sur des outils permettant de quantifier les délinquances et leurs évolutions.
Par-delà les statistiques officielles, la connaissance de ces phénomènes s’est consolidée avec le développement d’enquêtes en population générale : les enquêtes de délinquance auto-reportée et les enquêtes de victimation, à l’instar de celle que mène l’IAU îdF à l’échelle régionale depuis 2001. S’il importe de mesurer et d’expliquer les problèmes d’insécurité dans leurs manifestations objectives et subjectives, il convient aussi de comprendre quelles sont les actions mises en oeuvre pour y répondre.
Assurément, ce n’est plus l’affaire des seuls services de l’État. Outre l’essor du secteur privé, on assiste au retour en force des pouvoirs locaux dans le gouvernement de la sécurité des villes. Parallèlement, on observe une prise en compte accrue des questions de sécurité dans le champ de l’urbanisme. Telles sont les deux grandes tendances caractéristiques des politiques actuelles de lutte contre l’insécurité et de prévention de la délinquance.

Agir

Les modes de production de la sécurité urbaine sont en pleine recomposition. Une redistribution des rôles s’opère entre les institutions étatiques, les collectivités locales, le monde associatif et le secteur privé, à l’articulation de différentes stratégies de lutte contre l’insécurité.
Dans le champ de l’aménagement et de l’urbanisme, la prise en compte de ces enjeux ne se réduit pas forcément à des démarches technicistes de prévention situationnelle et de protection défensive des espaces, fondées sur l’application de normes de gestion des risques et le déploiement de la vidéosurveillance. Elle donne aussi l’opportunité de repenser la valeur des espaces publics, pour leur capacité à déclencher une dynamique urbaine positive favorable à la sécurité. Dans le champ pénal, les politiques engagées reflètent également des orientations plurielles. Les modèles de police et de justice de proximité, promus à la fin des années 1990, semblent toutefois mis en cause face à la prédominance actuelle d’une logique de durcissement de la répression de la délinquance et de la criminalité. Dans le champ de l’intervention sociale, des actions de médiation et de prévention, à visée socio-éducative, sont parallèlement mises en oeuvre dans une perspective de pacification des territoires urbains.

Anticiper

Au regard des recompositions en cours, quelles perspectives d’avenir pour le gouvernement de la sécurité dans nos villes ?
Pour le Grand Paris, un nouveau mode de gestion se dessine : la police de l’agglomération parisienne, couvrant sous une même direction la capitale et les trois départements de petite couronne. Il est légitime de s’interroger sur son articulation avec le projet urbain du Grand Paris et sur les enjeux en termes de « métropolisation » de la sécurité.
Plus largement, au-delà des réorganisations de la sécurité publique, s’achemine-t-on vers une privatisation de la protection des biens et des personnes ? En tout cas, le secteur marchand de la sécurité est en plein essor. Et sur le plan urbain, dans quelle mesure les contextes nationaux influencent-ils le développement d’espaces résidentiels sécurisés, centrés sur un entre-soi protecteur ?
Effectivement, la problématique de l’insécurité urbaine reflète les processus de ségrégation socio-spatiale en même temps qu’elle les alimentent. Dans les banlieues « sensibles », les délinquances juvéniles sont avant tout le symptôme d’une condition sociale dégradée. L’insécurité ne pèse pas moins sur l’attractivité des commerces, la qualité des espaces et l’expérience vécue des habitants dans ces quartiers populaires qui s’apparentent à maints égards à de véritables « ghettos urbains ».

Cette étude est reliée aux catégories suivantes :
Prévention Sécurité | Société et habitat

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