L’Isle de France, François de La Guillotière
Échelle : 1/163 000 Format : 45 x 52 cm
L'Isle de France. Parisiensis agri descrip. Fr. Guillotteruso Biturix viu. describebat, et CL. Petro Pithcoeo I.C. dedicabat Cum Privilegio decennali Imp. Reg. et Brab. 1598.
François de La Guillotière, Bordelais d’origine et décédé à Paris, qu’il avait rejoint pour se rapprocher d’Henri IV, doit sa célébrité à la confection et à la publication d’une carte (charte, écrit-on à l’époque) de la France en neuf planches, répondant au souci du nouveau pouvoir d’avoir une vision d’ensemble de son territoire. Sa carte de l’Ile-de-France est apparue lors de sa publication comme un
achèvement pour présenter la région de Paris. Elle a été maintes fois copiée, plus ou moins exactement, et figure dans de nombreux atlas postérieurs à sa parution (Ortélius, Mercator, Blaeu). Elle s’inscrit dans les débuts de la cartographie française, qui a pris son essor à la fin des guerres de Religion. La carte, qui présente la partie située au nord de la Seine, incluant le sud de la Picardie, est légendée «Parisiensis agri descrip.». Une appellation qui, à l’époque, ne définit pas les limites d’un territoire mais interroge sa fonction, souvenir de la partition de l’espace à la manière romaine (hortus, ager, saltus, sylva). L’ager correspondait au territoire dédié à l’agriculture nécessaire à la ville (fonction sociale), quand l’hortus renvoyait à la notion de jardin assurant la subsistance de la famille (fonction domestique). Ainsi, La Guillotière est le premier à cartographier la terre nourricière de Paris, avec la future plaine de France, qu’il représente, au centre du document, irriguée d’un imposant chevelu de rivières que l’on ne perçoit plus de nos jours mais qui explique le maraîchage qui a longtemps été la caractéristique de ce territoire. La carte est importante pour ce qu’elle montre aussi bien que pour ce qu’elle oublie, et donne ainsi un reflet des préoccupations du temps. La capitale est remisée en bas de la feuille, ce qui indique une centralité parisienne encore en devenir. Le liséré de couleur souligne pourtant la volonté du dessinateur de délimiter un territoire clairement défini par rapport à Paris et en donne les « pays » qui le constituent. Certains positionnements paraissent hasardeux ([le pays de] France trop à l’ouest, le Parisis, trop à l’est…). Les voies d’eau et les rivières, les éléments structurants du paysage, sont figurées avec plus ou moins de détails, quelquefois associées à la présence d’un pont, comme le pont aux Dames sur le Grand Morin. Le lac d’Enghien, nommé « de Montmorency », a une taille surdimensionnée que l’on retrouvera longtemps dans les cartes postérieures. Les routes, après trente ans de guerres civiles, ne sont pas mentionnées. Il faudra attendre la création de la charge de grand voyer, confiée à Sully, le principal ministre d’Henri IV, pour retracer et rendre carrossable le réseau des principales routes afin de faciliter le renouveau économique, qui passe alors essentiellement par les voies d’eau. À noter, le début d’un rendu du relief au nord-est de Paris (de la butte Montmartre à Pomponne), encore très incomplet mais dont l’importance commence à être comprise par les observateurs.