Territorialisation du ZAN

Les cas de la communauté d’agglomération Paris Saclay et de la communauté de communes du Val d’Essonne

31 octobre 2022ContactAbel Gaugry, Jean Bénet

La territorialisation du zéro artificialisation nette (ZAN) vise à accompagner les territoires dans la réduction de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers. C’est-à-dire à limiter le recul de ces espaces au profit de l’urbanisation pour s’engager dans une trajectoire ZAN.

Cette territorialisation repose sur une méthodologie contextualisée en trois temps qui permet d’évaluer de manière quantitative et qualitative les marges de manœuvre dont disposent les territoires en matière de sobriété foncière. De la compréhension des dynamiques territoriales émane un « portrait de territoire » qui pose le cadre de la séquence environnementale « éviter, réduire, compenser » (ERC) renseignée par une trentaine d’indicateurs. Le déroulé méthodologique permet ainsi d’identifier différents leviers et freins pour éviter, réduire, compenser l’artificialisation et ses impacts. Éprouvée et affinée au cours des dernières années sur différents types de territoire dans le cadre de notre programme partenarial la territorialisation du ZAN donne à voir une multitude de moyens d’action adaptés aux contextes environnementaux et urbains locaux permettant aux territoires de définir une stratégie de sobriété foncière ambitieuse. Les travaux réalisés pour l’EPI 78-92 sur l’Ouest francilien et pour le département de Seine-et-Marne ont permis d’étudier des situations urbaines variées entre zone dense de l’agglomération parisienne, contact à l'agglomération centrale, vallée fluviale, polarités de grande couronne et communes rurales… Le partenariat avec le département de l’Essonne a offert l’occasion d’approfondir encore l’appréhension collective des enjeux grâce au travail avec la communauté d’agglomération Paris Saclay et la communauté de communes du Val d’Essonne.

Comprendre le territoire, poser le cadre d’analyse

Sur le plan de la méthodologie, les outils de L’Institut Paris Region permettent d’accéder à une compréhension fine des territoires. En particulier, le mode d’occupation du sol (MOS), inventaire numérique de l’occupation du sol de l’Île-de-France, est indispensable. La première phase de travail, appelée portrait de territoire, pose le contexte d’étude. Celui-ci renseigne à la fois l’occupation des sols (MOS, densité humaine) mais caractérise aussi l’évolution de l’occupation de l’espace et tente de saisir les grandes dynamiques à l’œuvre en matière d’évolution des tissus : croissance des espaces urbanisés, consommation d’espace, renouvellement urbain. Il s’agit de caractériser l’efficacité du modèle de développement urbain sur le plan économique comme résidentiel en croisant les données socio-économiques avec les consommations d’espace affectées à l’habitat ou l’activité.

 

Interroger le modèle de développement et mobiliser l’existant : éviter l’artificialisation

Si le portrait de territoire pose donc le contexte, les leviers d’action sont analysés au sein de la séquence « ERC ». Premier temps de cette séquence, l’évitement doit toujours primer sur la suite puisqu’il permet de réinterroger en profondeur le modèle de développement du territoire, de travailler sur ses besoins réels. Ce temps engage à optimiser les surfaces existantes en les remobilisant autant que possible. L’évitement s’attache ainsi à la nature de la consommation d’espace en elle-même, ce qui la motive et l’alimente. Il s’agit alors de mettre en regard la construction de logements et les besoins du territoire, de remobiliser les espaces vacants ou sous-utilisés, de multiplier les usages d’un même espace…

 

Optimiser l’usage de l’espace : réduire l’artificialisation et ses impacts

Deuxième temps de la méthode « ERC », la question de la réduction de l’artificialisation et de ses impacts n’intervient que lorsque tous les leviers visant à éviter d’artificialiser ont été activés. Dans la continuité de l’optimisation des surfaces existantes, il s’agira d’abord de densifier les espaces urbanisés en les faisant évoluer de manière réfléchie. D’une part, cette optimisation repose sur une densification douce des tissus d’habitat, c’est-à-dire un accroissement de leur capacité d’accueil sans modification drastique de la forme urbaine. La densification à la parcelle, le comblement de dents creuses ou la division parcellaire constituent des premières options. Cette densification peut s’appuyer, d’autre part, sur la mutation de tissus tirant profit de facteurs dits dynamisants (transports en commun, centralité, boulevards urbains, zones de TVA réduite…), autant d’atouts qui peuvent être insuffisamment valorisés. Cette transformation des tissus ne peut néanmoins se faire aveuglément. Elle se doit d’intégrer les vulnérabilités urbaines (risque inondation, îlot de chaleur, carence en espaces verts…) afin de les réparer ou, au moins, de ne pas les amplifier. Différents indicateurs permettent alors de s’intéresser à la préservation du cadre de vie des habitants, notamment par la protection des espaces ouverts urbains les plus précieux. Ceux-ci remplissent un certain nombre de fonctionnalités et jouent un rôle majeur dans l’adaptation des espaces urbains aux effets du dérèglement climatique. Enfin, la réduction de l’impact de l’artificialisation passe évidemment par des extensions moins gourmandes en espaces naturels, agricoles et forestiers avec des formes urbaines plus compactes qui ne consomment pas les ENAF les plus précieux. Cet évitement géographique préserve les fonctionnalités (biologiques, hydriques, climatiques, agricoles) des espaces naturels agricoles et forestiers autant que faire se peut.

 

Gérer les effets résiduels : compenser les impacts de l’artificialisation ?

Enfin, en dernier recours, il est possible d’activer le levier de la compensation pour contrebalancer les impacts résiduels que l’évitement et la réduction n’auront pu empêcher. Il ne s’agit pas de compensation écologique à proprement parler. Ce recours à la compensation ne permet pas de rattraper le préjudice causé par ailleurs. Aucune équivalence surfacique ni fonctionnelle ne saurait être atteinte entre les espaces consommés et renaturés. Cette renaturation à valeur de « compensation » n'est donc abordée ici qu’en termes de mesure des dynamiques à l’œuvre et d’évaluation des potentiels. En effet, les dynamiques de renaturation repérées à l’aide du mode d’occupation des sols sont modestes au regard de la consommation d’espace, elles ne la compensent en aucune façon. Cette observation est valable aussi bien au sein de la communauté d’agglomération Paris Saclay (24 ha renaturés contre 464 ha consommés) que de la communauté de communes du Val d’Essonne (16,4 ha contre 166 ha). Si la renaturation constitue une véritable capacité d’amélioration des situations urbaines, elle doit être un outil de complément des stratégies de sobriété (évitement, réduction). Sans être en mesure de rétablir pleinement les fonctions perdues, la renaturation permet néanmoins d’améliorer le cadre de vie et de travailler à la réduction des vulnérabilités urbaines. L’augmentation de la présence de pleine terre, la perméabilisation, la réouverture de cours d’eau, la création d’habitat pour la biodiversité sont autant d’améliorations possibles.

Cette étude est reliée aux catégories suivantes :
Aménagement | Foncier | Planification | Planification territoriale