Vivre à l'étroit en Île-de-France

Situation en 2018 et évolution 2008-2018

30 juin 2022ContactSandrine Beaufils, Philippe Pauquet

La crise sanitaire et les multiples périodes de confinement qui se sont succédé entre 2020 et 2021 ont rappelé le rôle primordial des conditions de logement pour la qualité de vie des Franciliens. Le télétravail et l’enseignement à distance ont encore renforcé cette prise de conscience car ils conduisent à intensifier l’usage du logement. Les différentes enquêtes menées depuis ont d’ailleurs mis en évidence le manque d’espace comme l’une des principales insatisfactions des Franciliens vis-à-vis de leur logement. Disposer d’un logement adapté à sa taille apparaît comme un facteur essentiel de bien-être, mais aussi de santé, qui participe à la capacité des ménages à se projeter dans leurs parcours de vie.

Les Franciliens apparaissent plus particulièrement concernés par cette problématique que leurs concitoyens. Selon le recensement de 2018, ils sont près de 2,7 millions à vivre à l’étroit, alors qu’un foyer sur dix se trouve dans cette situation en France métropolitaine, les cas de suroccupation sont deux fois plus fréquents en Ile-de-France (22 %). Les enfants et les jeunes sont les premiers concernés par ces situations : près de la moitié des personnes vivant en suroccupation a en effet moins de 25 ans. Parmi les ménages résidant dans un logement sur-occupé, 80 % sont composés d’au moins deux personnes. Il s’agit notamment de familles monoparentales, très touchées par le phénomène : 33 % d’entre-elles vivent à l’étroit, contre 19 % pour les couples avec enfant et 5,3 % pour les couples sans enfant.

L’analyse de la suroccupation chez les ménages constitués de plus de deux personnes montre qu’elle concerne principalement le secteur locatif qui, à lui seul, concentre 80 % des situations alors qu’il ne représente que 46 % des résidences principales. Entre 2008 et 2018, c’est d’ailleurs dans le parc locatif social que la suroccupation a le plus progressé : +2,2 points, contre +0,6 point pour l’ensemble du parc. Principale explication de cette hausse, l’absence d’alternatives financièrement accessibles dans le parc privé, que cela soit en location ou en accession. Situation qui contraint les ménages à rester dans leur logement et se traduit par des durées d’occupation qui s’allongent, ainsi qu’à des situations de cohabitations prolongées et parfois forcées (jeunes adultes chez leurs parents, couples séparés, etc.).
Le cœur de l’agglomération, où se concentre le parc locatif, privé comme social, est ainsi plus touché par les situations de suroccupation. Près de 1,5 million de Franciliens vivent à l’étroit dans leur logement à Paris ou en petite couronne, soit les deux tiers des Franciliens en suroccupation. La concentration spatiale de ces situations est une autre caractéristique de ce phénomène : 59 communes rassemblent 54 % des ménages et des personnes vivant à l’étroit. Ces mêmes communes accueillent 60 % des ménages vivant en suroccupation accentuée (situation où il manque au moins deux pièces au logement par rapport à la composition du ménage). Ces communes sont localisées dans des territoires caractérisés pour la plupart par des proportions élevées de logements dégradés dans le parc privé et/ou un parc social ancien, plus abordable qu’ailleurs en Ile-de-France. Il s’agit de 11 arrondissements parisiens, de 37 communes de petite couronne, dont 22 en Seine-Saint-Denis, et 11 situées en grande couronne. Loin de s’améliorer, la suroccupation des logements s’est encore accentuée et, surtout, spatialement polarisées entre 2008 et 2018.

Alors que le confort sanitaire n’a cessé de s’améliorer au cours des cinquante dernières années, comment mettre fin à ces situations difficiles à vivre au quotidien ? Une des réponses passe par la production d’une offre de logements abordables : des petites typologies pour l’accueil des jeunes et pour permettre aux ménages de petite taille de poursuivre leurs parcours résidentiels, mais également des grands logements pour que les familles puissent disposer d’un logement adapté à leur composition. Pour ce faire, des outils existent : le bail réel solidaire (BRS) mis en œuvre par les offices fonciers solidaires ou le prêt social de location-accession (PSLA) dans le domaine de l’accession ; dans le secteur locatif, cela passe par le développement d’une production sociale répondant réellement aux besoins des ménages demandeurs (70 % se situent sous les plafonds PLAI) grâce au soutien volontariste de l’ensemble des acteurs (État, collectivités, bailleurs sociaux, Action logement, …). Cette offre neuve devra également intégrer pleinement l’enjeu de la qualité d’usage offerte à leurs occupants, tant en termes de rangements disponibles que d’agencement et de modularité des espaces, d’exposition et de lien avec l’extérieur.

Cette étude est reliée aux catégories suivantes :
Société et habitat | Disparités | Habitat et logement